L'emprise, de 6 hectares, est située au coeur du village et à proximité immédiate de l'église de Saint-Martin. Le site, qui recèle des indices d'occupation de la fin de la Préhistoire à la période contemporaine, est installé sur les berges du petit cours d'eau de la Muire, qui communique avec un petit étang. La fouille a permis de retracer l'évolution de la partie méridionale du village et de son terroir du VIIe au XVIIe siècle.
Une occupation ancienne
La commune de Bezannes fait l'objet, depuis plusieurs années, de travaux d'aménagement qui occasionnent de nombreuses découvertes archéologiques. Sur le site Le Village, les indices archéologiques les plus anciens attestent d'une occupation ténue au Néolithique. Des traces d'occupations sont également présentes pour la fin de l'âge du Fer et l'Antiquité, elles se concentrent sur un secteur bien circonscrit de part et d'autre du cours d'eau de la Muire.
© Jean-Jacques Bigot, Inrap
La structuration du village médiéval
Au haut Moyen Âge, vraisemblablement dès le VIIe siècle, l'occupation devient plus dense. Elle se caractérise principalement par de multiples fonds de cabanes disséminés par petits groupes sur l'emprise. La plupart de ces cabanes semi-excavées sont constituées de deux poteaux axiaux. Certaines, aux dimensions plus importantes, comportent des solins en pierre associés à une architecture sur poteaux porteurs. Dans l'état actuel de la recherche, il parait encore difficile de mettre en évidence des bâtiments sur poteaux pour la seconde moitié du haut Moyen Âge et le début du bas Moyen Âge (VIIIe-XIIe siècles). Dès le XIIIe siècle, cette partie du village se développe de part et d'autre du cours d'eau de la Muire. Sur la rive gauche et à proximité immédiate de l'église de Saint-Martin, dont le plus ancien état remonterait au XIe siècle, s'établit une ferme seigneuriale. Sur l'autre rive du cours d'eau, le village adopte une organisation structurée le long d'une voirie axée nord-est à sud-ouest. Les bâtiments et dépendances (granges, étables...) se développent sur le terroir de la commune avec une concentration plus importante aux abords du cours d'eau et plus lâche en périphérie. Les niveaux d'occupation de cette période ont livré un abondant lot de mobilier archéologique parmi lesquels de la vaisselle en céramique, de la verrerie, des outils, des monnaies et objets à valeur ornementale. Des objets plus insolites se distinguent néanmoins, comme les bulles pontificales des papes Grégoire IX (1227-1241) et Nicolas IV (1288 et 1292), une enseigne de pèlerin et une applique anthropomorphe de reliquaire. Pour les XIIIe-XIVe siècles on compte aussi douze cuillères en alliage cuivreux comportant des marques de fabrique et deux vervelles que l'on attache aux chiens ou aux faucons de chasse. L'une des deux représente très probablement les armoiries d'une famille.
La contraction du village à la période moderne
À la période moderne, le site reste largement occupé. Sur la rive droite, le village semble néanmoins se recentrer autour d'un noyau plus restreint situé sur un espace topographiquement plus élevé, au détriment de la périphérie du terroir. Les vestiges mis au jour permettent de restituer la physionomie du site et les activités humaines. Celles-ci s'organisent de part et d'autre d'un chemin creux délimité par des fossés et bordé par des arbres. Ce dernier dessert les différents bâtiments et dépendances principalement situées à l'ouest du chemin, ainsi que les cultures associées localisées à l'est. De nouveaux bâtiments viennent se surimposer au bâti plus ancien. La « pièce à feu », qui est la pièce à vivre principale du corps de logis, se distingue par l'ajout d'une petite sole de cheminée constituée de tuiles à crochet réemployées et disposées de chant. Le mobilier archéologique découvert lors de la fouille des ces unités d'habitation est principalement attribuable au XVIe et à la première moitié du XVIIe siècle. On y trouve de nombreux accessoires vestimentaires, des dés et bagues à coudre ainsi que des fers d'équidés. Un mors de bride caractéristique des montures de l'élite, sept jetons de taverne en plomb, quelques bagues dites « jésuites » et une cuillère représentant un pèlerin ou l'apôtre Saint-Matthieu apportent également des informations sur le statut social de ces habitants.
Le site présente une activité agricole ou maraichère importante et organisée, comme en témoignent les différents espaces dédiés aux cultures situés à l'est du chemin. Dans l'état actuel de la recherche, il reste difficile de caractériser ces différentes cultures qui sont marquées par des fosses de plantation. Cependant, plusieurs serpes et deux chantepleures de tonneaux de vin découverts sur le site témoignent d'une activité viticole et apportent des éléments de réponse.
Bezannes pendant la Grande Guerre
En décembre 1917, la commune de Bezannes s'était retrouvée à portée de l'artillerie de campagne allemande et de son aviation. Le secteur, considéré comme peu fiable, n'est pas défendu. C'est alors que le général Petit va jouer un rôle décisif en prévision de l'abandon de Reims. Des fortifications de campagne vont être édifiées entre la ville de Reims et la montagne. La défense de la plaine de Bezannes est visible sur l'emprise de la fouille, comme en témoignent différentes tranchées en créneaux et boyaux de communication. Cette activité militaire est également attestée par quelques boutons d'uniforme, deux plaques d'identification et des munitions.
Aménagement : Plurial - L'Effort rémois
Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie, Drac Champagne-Ardenne
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : David Gucker, Inrap