À Ensisheim (Haut-Rhin), l'Inrap et Archéologie Alsace fouillent des campements de chasseurs-cueilleurs et une importante nécropole néolithique. Les vestiges s’échelonnent de 10 000 à 350 avant notre ère.

Dernière modification
04 novembre 2019

De fin août 2019 à mai 2020, les archéologues de l'Inrap et d’Archéologie Alsace réalisent, en groupement, une fouille archéologique sur prescription de l’État, à Ensisheim et Réguisheim (Haut-Rhin). Cette opération  déployée sur 9,5 hectares est menée en préalable à la quatrième phase d’aménagement du Parc d'activités de la Plaine d'Alsace porté par la Communauté de communes du Centre Haut-Rhin.


Des campements de chasseurs-cueilleurs

La fouille révèle la présence de chasseurs-cueilleurs dès le Mésolithique moyen (8500-8000 avant notre ère) et également au Mésolithique récent (7000-6500 ans avant notre ère). Les archéologues retrouvent ainsi des traces de campements de chasse successifs installés le long des berges d’un ancien bras de l’Ill, rivière de la plaine d’Alsace. La fouille témoigne déjà de la présence de six haltes de chasse fréquentées de manière temporaire. Sur le terrain, les archéologues retrouvent des concentrations d’objets en silex dont des pointes de flèches employées pour la chasse. Des amas de galets chauffés éclatés par la chaleur, renseignent sur différents foyers utilisés pour la cuisson alimentaire. Quelques rares ossements de cerfs, de chevreuils et d’aurochs (ancêtres sauvages du bœuf) ont été également prélevés sur le terrain.

L’une des plus importantes nécropoles alsaciennes du Néolithique

La fouille se consacre principalement à l’étude d’une importante nécropole néolithique découverte sur le site. Datant du Rubané ancien (autour de 5300 avant notre ère), cet ensemble funéraire regroupe une centaine de sépultures et réunit environ quatre générations. Cette découverte majeure va permettre aux archéologues de documenter les pratiques funéraires de ces premiers agriculteurs installés en plaine rhénane. Une soixantaine d’inhumations ont été fouillées ainsi qu’une quarantaine de crémations. Elles témoignent de la diversité des pratiques funéraires à cette époque. Les défunts sont installés la tête au nord-est, en position contractée (fœtale), repliés sur leur flanc gauche. Une douzaine d’inhumations ont une orientation différente, la tête orientée vers le sud-ouest. Certains défunts sont enterrés avec une ou deux herminettes en pierre polie (outil servant à défricher et cultiver), des blocs d’ocre, ainsi que des objets en bois de cerf énigmatiques appelés « Geweihknebel » ayant peut-être servi de pièces de vêtement, d'élément de parure ou de fermeture de besace. Ce type d’objet a également été mis au jour dans des sépultures du Rubané ancien en République Tchèque. Des céramiques aux décors « rubanés » sont également déposées dans les tombes et permettent de dater les sépultures. Lors du diagnostic, une riche tombe a été fouillée comprenant deux herminettes, une céramique décorée, trois « Geweihknebel » en bois de cerf ; le défunt était paré d’un collier composé de trois perles tubulaires en spondyle, coquillage provenant de la mer Egée, parure rare qui constituait probablement un marqueur social fort.
Les crémations, contemporaines des inhumations, ont été déposées dans de probables « coffres » en matière périssable de forme rectangulaire ; des objets en pierre polie et des fragments céramiques accompagnent les ossements brûlés des défunts.  

Une occupation aux âges des métaux

Au nord de la fouille en cours, une opération archéologique menée en 2017 et 2018, en amont de la tranche 3 du Parc d'activités, avait mis au jour des habitats et une nécropole de l’âge du Bronze et du Fer. La fouille en cours révèle au moins trois enclos rectangulaires, appelés « Langgraben » et six cercles funéraires de l’âge du Bronze final (1350-800 avant notre ère) dont deux contiennent encore des crémations en tombes centrales. D’autres monuments funéraires datés de l’âge du Fer sont attendus, tout comme la suite de l’habitat de la fin de l’âge du Bronze, contemporain des tombes, implanté de part et d’autre de la nécropole.

Aménagement : Communauté de communes du Centre Haut-Rhin
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Groupement Archéologie Alsace - Inrap
Responsable scientifique : Muriel Roth-Zehner, Archéologie Alsace
Responsable de secteur (Mésolithique) : Sylvain Griselin, Inrap
Responsable de secteur (anthropologie : Fanny Chenal, Inrap