De 2011 à 2013, une équipe de l'Inrap a mené, sur prescription de l'État (Drac Bretagne), une fouille préventive au couvent des Jacobins, futur centre des congrès de Rennes Métropole. Deux ans après, les études se poursuivent et livrent de nouvelles découvertes.
Dernière modification
28 novembre 2017

Le couvent des Jacobins, construit en 1369, après la guerre de Succession, marque la victoire de Jean IV de Montfort, duc de Bretagne, sur Charles de Blois. Entre le XVe et le XVIIIe siècle, cet établissement dominicain devient un important lieu de pèlerinage et d'inhumation. Ainsi, environ 800 sépultures y ont été mises au jour par les archéologues, dont cinq cercueils de plomb. L'un d'eux contenait une dépouille dans un état de conservation exceptionnel. Son étude est un témoignage rare des pratiques funéraires des élites du XVIIe siècle.

Cercueils et cŒurs de plomb

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Les cinq cercueils de plomb, datés du XVIIe siècle, étaient accompagnés de reliquaires en forme de cœurs.
Quatre des cercueils, dégagés dans le chœur de l'église, ont livré des squelettes relativement bien conservés dont certains présentent un crâne et une cage thoracique sciés, témoins d'un embaumement réservé aux élites.  
Les cinq reliquaires de plomb accompagnant les cercueils du couvent des Jacobins constituent un ensemble unique en Europe. Ils renferment un cœur et quatre portent des inscriptions révélant l'identité des défunts. Certains cœurs sont enveloppés dans un tissu et embaumés avec des végétaux. L'analyse des textiles, des essences végétales et des organes apporte des informations sur le protocole d'embaumement.

Louise de Quengo, dame de Brefeillac († 1656)

À la base d'un mur de la chapelle Saint-Joseph, le cinquième cercueil a révélé un corps dans un état de conservation exceptionnel. Presque intact, ce corps est celui de Louise de Quengo, dame de Brefeillac. Cette identification est possible grâce aux inscriptions sur le reliquaire en plomb du cœur de son mari, Toussaint de Perrien, chevalier de Brefeillac (décédé en 1649). Afin de limiter au maximum la  perte d'information liée à la décomposition de la dépouille, une étude a été menée en collaboration avec des chercheurs du laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse (CNRS/Université de Toulouse) et le service médico-légal du CHU de Toulouse.

L'autopsie : enjeux scientifiques et patrimoniaux

Après le scanner de l'intégralité de la dépouille, l'autopsie a révélé l'état sanitaire de Louise de Quengo. Le prélèvement de tissus humains sans contamination environnementale est une opportunité rare en archéologie. Des études complémentaires en microbiologie ou en génétique permettent de déterminer si la cause du décès est d'origine infectieuse. L'ADN des pathogènes, dont celui de la tuberculose, permet d'observer l'évolution des micro-organismes du XVIIe siècle à nos jours, une problématique en plein essor.
Ces recherches apportent aussi de précieuses informations sur les pratiques funéraires de l'époque, l'histoire des sciences et de la médecine. Le prélèvement du coeur de la défunte révèle ainsi une réelle maîtrise de la pratique chirurgicale. Il a probablement été inhumé dans un lieu encore inconnu, celui de son époux l'accompagnant dans l'au-delà.
L'inhumation en plusieurs lieux de différentes parties d'un corps puise ses origines dans le Moyen Âge, comme en témoignent les funérailles de Bertrand Du Guesclin ou Anne de Bretagne. Mais ses modalités et son évolution à l'époque Moderne étaient jusqu'alors méconnues. 

Un costume complet du XVIIe siècle

Louise de Quengo porte l'habit de religieuse : cape, chasuble, robe de bure brune en sergé de laine grossier, chemise en toile, jambières ou chausses en sergé de laine et mules en cuir à semelles en liège. Un scapulaire de dévotion est enroulé autour de son bras droit, ses mains jointes tenant un crucifix. Un suaire recouvre son visage et deux bonnets et une coiffe, main tenue par un bandeau, couvrent sa tête.
Le port de l’habit religieux est répandu chez les élites laïques, autorisées à l’endosser lors de cérémonies importantes. Mais Louise a pu aussi adopter la vie monacale après son veuvage. La conservation exceptionnelle de l’ensemble a conduit l’État et le musée de Bretagne à mettre en œuvre la restauration des vêtements (laboratoire Materia Viva
à Toulouse) et des chaussures (laboratoire 2CRC à Grenoble), en vue d’une présentation au public.