Les Crassées - Zone commerciale du Chêne Saint-Amand

Des tombes mérovingiennes exceptionnelles. Deux hommes, l'un d'âge mûr, l'autre jeune, et une adolescente ont été inhumés avec un mobilier d'une rare richesse, témoin de leur haut rang au sein de la société mérovingienne.

Chaque individu repose dans un cercueil de bois à renfort métallique et est entouré de dépôts funéraires. Les deux hommes ont à leur côté une hache, une épée, un scramasaxe. Dans leur chambre funéraire, sont présents un bouclier, deux récipients en bronze et un en verre. Le jeune homme a une lance et un angon, mais aussi des éléments de harnachement à mettre en relation avec la tombe d'un cheval découverte à proximité. La jeune femme porte un collier de perles d'ambre, une bague d'or à chaton de pierre ou de verre rouge, un bracelet de bronze ou d'argent. Une cinquantaine de perles d'ambre, de bronze, d'or, de pâte de verre et de cristal de roche étaient probablement cousues sur un vêtement retenu par deux paires de fibules, l'une cloisonnée, l'autre digitée en argent. À ses côtés, se trouvent un couteau en fer, un récipient de terre cuite, un bassin en bronze, deux en verre et une monnaie d'argent.

Aujourd'hui, les sépultures de Saint-Dizier s'inscrivent dans un ensemble plus vaste de découvertes. De telles "tombes de chefs" ont été reconnues à Charleville-Mézières (Ardennes), Lavoye (Meuse), Chaouilley (Meurthe-et-Moselle). Toutes pourraient correspondre à la première expansion franque par Clovis dans cette région après la bataille dite de Soissons, en 486, contre Syagrius, représentant de l'autorité romaine en Gaule. Ces quelques tombes d'époque précoce en seraient les témoins archéologiques.

Les deux tombes.

© Inrap

Vue de la tombe aristocratique n° 13 en cours de fouille (individu probablement âgé de 40 ans).

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Vue de la tombe aristocratique n° 11 en cours de fouille (individu probablement âgé de 16 à 20 ans).

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Détail du mobilier de la sépulture n° 11 : seau, bassin et socle en bronze.

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Fouille de la sépulture n° 11.

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Bassin en bronze qui avait été posé en position retournée sur le plancher de la chambre funéraire, à côté du seau.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Seau découvert sur le plancher de la chambre funéraire, aux côtés du bassin. Il est composé d'une armature en bronze ornée d'ocelles et soulignée dans sa partie inférieure par vingt-et-une appliques triangulaires estampées d'un masque humain. L'anse, ornée d'ocelles, s'articule autour de bélières ajourées. Les quelques fragments de douelles retrouvés sont en sapin. Elles étaient maintenues à la base du seau par trois cercles en fer (un seul est présenté en photo). Ce type de seau trouve des parallèles en Allemagne et est l'apanage des tombes riches.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Ce chaudron en bronze est d'un type fréquemment retrouvé en Scandinavie orientale et très rarement en France. Il avait été posé sur le cercueil du défunt, à côté du bassin. Sa fouille en laboratoire à révélé qu'au fond se trouvaient une coupe en verre posée sur une écuelle en bois d'érable.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Principales verreries retrouvées dans les trois tombes.
Au premier plan, deux coupes et un gobelet campaniforme à bouton terminal provenant de la sépulture 13. Toutes trois ont été retrouvées effondrées dans l'angle sud-ouest de la chambre funéraire, en position retournée et avaient vraisemblablement été déposées en hauteur sur un objet en matériau périssable.
La bouteille de gauche provient de la sépulture féminine, elle avait été disposée sur le cercueil à la tête de la défunte. Celle de droite (sépulture 11) avait été posée elle aussi sur le cercueil, mais à hauteur des pieds, aux côtés du bassin et du chaudron.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Ces fermoirs d'aumônière ont été retrouvés dans le dos des défunts. Ces objets portent un décor cloisonné de grenats et de verre figurant des têtes de chevaux. Une incrustation rectangulaire de lapis-lazuli occupe en outre le champ central du fermoir de la sépulture 11 (objet du haut).
Ces objets servaient à fermer une sacoche en cuir (des traces de veau ont été retrouvées au revers), portée par les hommes dans leur dos, dans laquelle ils mettaient des petit objets usuels : celle de la tombe 13 contenait une paire de forces, une pince à épiler en bronze et un fermoir d'aumônière en fer usagé. Celle de la sépulture 11 renfermait un petit couteau.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Cette bague en or, à chaton plat non décoré et aux épaules ornées d'une filigrane d'or, a été retrouvée à l'emplacement de la main droite du défunt.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Boucle de ceinture en cristal de roche et à ardillon en argent. Elle se trouvait en avant à droite de l'abdomen du défunt et était accompagnée de trois rivets scutiformes permettant la fixation du cuir de la ceinture.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Ces deux fibules ansées asymétriques, provenant sans doute du même moule, ont été retrouvées à hauteur de la taille de la défunte. Elles sont en argent et leur tête est prolongée de cinq digitations, chacune incrustée d'un grenat semi-circulaire. Le pied est également terminé par l'incrustation d'un grenat rectangulaire.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Les deux fibules retrouvées au cou de la défunte ne comportent que des différences mineures dans leur décor. Toutes deux sont constituées d'une boîtier métallique et présentent un décor cloisonné de grenats. Leur pourtour extérieur s'orne en outre d'une damasquinure de cuivre.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Les deux umbos provenant des tombes masculines sont identiques : il consistent en une calotte conique en fer surmontée d'un bouton terminal et fixée à l'origine à la partie en bois du bouclier par des gros clous en fer. Les manipules portaient des traces de peuplier, essence utilisée pour la fabrication du bouclier. Les deux boucliers avaient été disposés debout, en appui contre la paroi droite du cercueil.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Les deux haches sont identiques. Il s'agit de haches dites profilées, des armes de jet assimilables au francisques connues par la littérature. Les traces de bois dans les douilles montrent que les manches étaient en frêne, essence classiquement utilisée pour les armes de jets. Elles ont été posées debout, tranchant vers la terre, contre la paroi droite des cercueils.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Toutes deux avaient été placées contre l'épaule droite du défunt. Contrairement au bouclier, à la hache et au scramasaxe, l'épée - tout comme l'angon - sont caractéristiques des tombes riches.
Les épées de Saint-Dizier, longues de 90 cm environ, étaient conservées dans leur fourreau en bois d'aulne. Leur pommeau, de forme pyramidale,est en argent doré et comporte des petits clous en or. Les bouterolles et les gouttières de suspensions sont en argent avec un décor de triangles niellés.

© Loïc de Cargouët, Inrap

La face supérieure (côté ciel) d'une des épées présente un décor zoomorphe constitué de trois chefs d'oiseau gravés et disposés en triangle.

© Loïc de Cargouët, Inrap

La face inférieure (c'est-à-dire côté terre) est gravée d'une inscription runique. La signification de cette formule n'est pas claire. Les premières interprétations étymologiques s'orientent vers un mot proto-germanique alu qui existe bien encore dans les langues germaniques modernes : anglais « ale », suédois « öl », c'est-à-dire, « bière ». Les interprétations actuelles supposent que la formule signifie plutôt « croissance » ou « pouvoir », parce que la formule alu peut aussi représenter un verbe du premier personnage singulier dans le présent : « alu » c'est-à-dire : « je (me) multiplie ». Il s'agit de la première inscription runique mérovingienne provenant d'une sépulture masculine en France (étude Svante Fischer).

© Loïc de Cargouët, Inrap

Ce mors de cheval, incomplet, est en fer damasquiné d'argent. Il se trouvait sur le plancher de la chambre funéraire et peut-être sa présence est-elle à mettre en relation avec la tombe de cheval toute proche.

© Loïc de Cargouët, Inrap

Le tiers supérieur du fourreau est orné de deux appliques cylindriques, l'une en ivoire, l'autre en pierre surmontée d'un motif en or enroulé. Appelés aussi perles (Schwertperlen), ces appliques qui peuvent être de matériaux divers (verre, ambre, cristal de roche, craie, écume de mer etc.) seraient issues d'une tradition orientale progressivement arrivée vers 500 en Europe centrale et en Angleterre sous la poussée hunnique. Les auteurs s'accordent à leur conférer un rôle prophylactique d'autant plus qu'elles sont souvent fabriquées avec des matériaux connus pour de telles propriétés.

© Loïc de Cargouët, Inrap