L'Inrap mène une fouille d'importance sur l’îlot Saint-Vincent à Blois depuis octobre 2021, où la ville antique, médiévale et moderne refait surface. La mise en évidence d'un jeu de paume témoigne de la métamorphose de Blois en ville royale aux XVe-XVIe siècles.

Dernière modification
20 février 2024

Pendant un an, les chercheurs de l’Inrap fouillent, sur prescription de l’État (Drac Centre-Val-de-Loire), l’îlot Saint-Vincent à Blois. L’emprise de 6 250 m² se situe dans un secteur proche du cœur de la ville médiévale et moderne, mais hors de l’espace clos par l’enceinte du XIIIe siècle. Les zones fouillées occupent la base du coteau méridional et le fond de la vallée de l’Arrou, affluent de la Loire aujourd’hui canalisé. Elles s’étendent de part et d’autre d’une voie ancienne et, pour partie, dans les anciens jardins royaux Renaissance.

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Vue générale de l'îlot Saint-Vincent à Blois après le décapage initial, mars 2022.

© Joël David - Olivier Denux, Inrap


Étudier la ville dans la longue durée

L’occupation pérenne du Val de Blois remonte actuellement au IIIe siècle avant notre ère. Celle-ci est liée au franchissement privilégié de la Loire, la vallée de l’Arrou constituant un axe de circulation aisé entre le plateau et le fleuve. Les fouilles visent à comprendre les formes d’occupation de l’îlot Saint-Vincent au fil du temps, et ce peut-être dès la Préhistoire. Les archéologues privilégient plusieurs axes de recherches : l’un d’eux porte sur les processus de colonisation de la vallée qui voit la pérennisation d’un habitat structuré puis sa densification au Moyen Âge. Un autre axe consiste à analyser les fonctions des occupations médiévales et modernes situées le long de l’ancien tracé de la rue du Pont du Gast à partir du XIIIe siècle.

L’épaisseur du passé

La stratigraphie du site est très puissante avec plus de cinq mètres d’épaisseur près de la rivière. Les niveaux les plus anciens mettent en évidence une plaine d’inondation, milieu naturel faiblement anthropisé. De rares vestiges permettent aux archéologues de fixer l’origine de l’occupation au Haut-Empire.

Plus près du versant, des fosses d’extraction de limon, un silo et des restes de dépotoirs des IXe et Xe siècles, bordés d’une voie (auparavant datée des XIIe-XIIIe siècles), viennent d’être mis au jour. Ils confirment l’existence d’un habitat carolingien. La topographie accidentée du site et la localisation de ces vestiges suggèrent la réalisation d’aménagements : dispositifs de soutènement de terre et d’aménagement en terrasses.

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Silo carolingien (milieu VIIIe - fin IXe siècle).

© Mathieu Nicolas, Inrap

La création de cet établissement carolingien à proximité immédiate de la ville, conforte l’idée d’une renaissance urbaine à Blois dans la seconde partie du haut Moyen Âge.

La métamorphose de Blois en ville royale : l’exemple du jeu de paume

Les XVe et XVIe siècles constituent une période charnière de l’histoire de la ville et du site. Avec l’avènement de Louis XII en 1498, Blois devient la ville-résidence du souverain. Ce nouveau statut entraîne l’édification de nombreux hôtels particuliers dans la cité mais aussi dans des secteurs moins densément lotis, notamment la vallée de l’Arrou. Cette implantation nécessite des travaux de nivellement et le rehaussement considérable des terrains. De l’autre côté de la voie, les jardins royaux sont progressivement aménagés et, au début du XVIe siècle, deux jeux de paume y sont implantés.

L’âge d’or de ce jeu de balle s’étire de la fin du XVe au milieu du XVIIe siècle. L’Inrap a déjà étudié cinq jeux de paume : à Versailles (celui de Louis XIII), Marseille, Rennes, Villers-Cotterêts et Chinon.

C’est un jeu de courte paume qui est en cours de dégagement. Les vestiges montrent deux états avec un important changement de plan. La première salle est équipée d’une aire de jeu de 6 m de large et près de 26 m de longueur, couverte de carreaux de terre cuite et bordée d’une galerie le long de sa façade orientale. La seconde salle découle de l’agrandissement de l’édifice dont l’aire de jeu mesure désormais entre 8 et 9 m de large et 30 m de longueur. Trois galeries bordent alors l’aire de jeu, le long des petits côtés et toujours sur son côté le plus long, à l’est. À son opposé, un élément architectural très caractéristique, le tambour, équipe le nouveau bâtiment. Ce décrochement complexifie le jeu en favorisant les rebonds. Enfin, en guise de commodité, l’originalité des deux édifices est de posséder des latrines intégrées à la galerie principale.
Habitats, artisanats et commerces côtoient le jeu de paume.

À l’époque de la Contre-Réforme, les ordres catholiques se développent en nombre dans toutes les villes du royaume. Alors qu’à Blois, la plupart des établissements est fondée hors les murs, au nord de la ville, l’installation de la confrérie des Jésuites le long de la rue du Pont du Gast au cours du XVIIe siècle entérine le phénomène de constitution de vastes parcelles à l’est de la rue, caractéristique, qui perdura jusqu’à nos jours.

Le chantier de fouilles sera exceptionnellement ouvert au public lors des Journées européennes de l'archéologie, les 17, 18 et 19 juin 2022. Plus d'infos
 
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Aménagement : 3 Vals Aménagement
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Centre-Val-de-Loire)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Didier Josset, Inrap