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Liévaux
A Dampierre-le-Château, Marne, à la suite de la découverte d'une fosse de l'âge du Bronze lors des diagnostics préalables à la construction de la LGV Est, l'extension du décapage a permis de mettre au jour un grand bâtiment sur poteaux.
Le bâtiment est installé en rive gauche de l'Yèvre, petit affluent de l'Aisne qui marque globalement le passage de la Champagne crayeuse à la Champagne humide du pays d'Argonne.
Le site est implanté sur une légère pente, à une centaine de mètres de l'Yèvre. Il s'agit d'un bâtiment de plan trapézoïdal, de 19,50 m de long. Sa plus grande largeur (partie avant, côté nord-est) est de 5,50 m, la plus petite (partie arrière) est large de 3,70 m. Les poteaux de paroi sont très peu espacés. On observe deux ouvertures situées dans la partie médiane du bâtiment, l'une de 2,60 m et l'autre de 2,90 m.
On peut trouver plusieurs particularités à ce bâtiment. Son plan trapézoïdal est très net, il n'est pas sans rappeler les grandes maisons du Ve millénaire. Les doubles ouvertures latérales également, séparées par un unique trou de poteau, évoquent très fortement des entrées mais leur position est cependant très inattendue si on se réfère aux bâtiments néolithiques connus, et les comparaisons sont très rares. Ajoutons l'orientation (nord-est/sud-ouest) qui n'est pas très courante.
Un alignement interne, composé de 5 trous de poteau, pourrait constituer la faîtière. Les poteaux y sont de plus grandes dimensions, ils sont également plus profonds.
De petits anneaux constituent le seul élément de mobilier reconnu dans cette maison. En l'absence d'éléments caractéristiques, une série de datations radiocarbones a été effectuée sur des fragments de charbon de bois découverts dans certains trous de poteau. Elles sont parfaitement cohérentes et donnent une fourchette située dans le courant du IVe millénaire. Un des poteaux internes, qui ne participe pas aux alignements, a fourni une date à la fin du Préboréal, au IXe millénaire. Paradoxalement, cette date est proche de celle obtenue pour une tourbière peu éloignée du site et pourrait être indicative de l'utilisation de la tourbe comme élément de construction ou comme combustible.
Les nombreuses analyses des phosphates montrent manifestement une concentration dans une partie du bâtiment. De telles concentrations sont généralement expliquées par la présence d'animaux (étable) à l'intérieur de la maison. En effet, les excréments des animaux contiennent un taux très élevé de phosphates qui se fixent en partie dans le sous-sol.
Les comparaisons que l'on peut effectuer se font nécessairement à grande distance. À l'échelle de l'Europe centrale et de l'Europe du Nord-Ouest, durant le IIe et le IIIe millénaire, une tradition de maisons longues, à deux nefs, est bien documentée. Pour le IVe millénaire, les comparaisons sont plus rares et se concentrent dans le nord de l'Europe. Une découverte récente en Belgique, très similaire, vient cependant conforter la datation.
Mais l'explication du caractère unique de ce bâtiment ne vient probablement pas d'une lointaine influence, voire d'une imitation, mais plutôt d'une exceptionnelle conservation. En effet, les poteaux de cette maison sont conservés sur 10 à 20 cm. Il faut rajouter à cela une vingtaine de centimètres, soit l'épaisseur du sol ancien (conservé à une dizaine de mètres de la maison). À l'origine, ces poteaux étaient donc implantés à moins de 40 cm de profondeur. Dans la plupart des régions du nord-est de la France, l'érosion est systématiquement plus importante et les traces de telles maisons ne peuvent donc subsister dans des conditions normales.