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Occupations, habitats, logements au Moyen Âge
Au début du Moyen Âge, l’occupation des campagnes est très dense, mêlant fermes isolées et hameaux, mais c’est au XIIe siècle qu’on assiste à un véritable essor urbain. À la même époque apparaissent les premières mottes, tandis que les châteaux que nous connaissons aujourd’hui apparaissent au XIIIe siècle.
Les historiens estiment qu’au Moyen Âge, plus de 90 % de la population vit dans les campagnes. Grâce aux fouilles préventives menées depuis les années 1990 sur de vastes surfaces, les découvertes d’habitats ruraux se sont multipliées. Elles mettent en évidence la grande densité de l’occupation des campagnes : des fermes isolées ou regroupées en hameaux entre le Ve et le Xe siècle, comme l’ont mis en évidence les recherches archéologiques menées à Châteaugiron ou Montours (Ille-et-Vilaine), puis des villages plus structurés comme en témoignent les fouilles d’Aimargues (Gard), de Saleux (Picardie), de Villiers-le-Sec (Val-d’Oise) ou de Serris (Seine-et-Marne). Certains comportent une église et un habitat d’élite dès les VIIe et VIIIe siècles. Les villes sont également présentes, mais il faut attendre le XIIe siècle pour assister à un véritable essor urbain.
Parallèlement, l’habitat d’élite, parfois fortifié, entouré de fossés et doté d’une tour, comme la résidence aristocratique mise au jour à Pineuilh (Gironde) ou le site castral de Vesvre, à Neuvy-deux-Clochers (Cher), se développe dès le Xe siècle. D’abord construits en bois, les châteaux marqueront toute la société du Moyen Âge, en particulier entre les XIe et XIIe siècles.
Tour maitresse dite « Tour César » (XIe siècle), à Beaugency (Loiret). La face sud après les travaux.
© V. Mataouchek, Inrap
Face ouest de la métairie de Giez (XIIIe-XIVe siècles) à Santenay (Loir-et-Cher).
© V. Mataouchek, Inrap
L’habitat rural
L’habitat rural du premier Moyen Âge est composé d’une ou plusieurs unités agricoles ou fermes, comprenant un bâtiment principal (habitation) entouré de ses annexes (ateliers, granges, écuries, aires de stockage). Les bâtiments sont, pour la plupart, construits sur des poteaux plantés, et parfois sur des soubassements en pierre ou des sablières en bois. Les murs sont en terre (torchis) et en bois, et la toiture couverte de chaume. De petits bâtiments semi-enterrés assurent des fonctions multiples : annexe domestique, atelier de tissage, remise, abri pour jeunes animaux, laiterie… À proximité, les structures de stockage des denrées alimentaires – fours, puits, greniers et silos enterrés – sont souvent reconverties en dépotoir.
À partir des VIIIe et IXe siècles, cette organisation globale présente quelques modifications bien visibles. L’aménagement de zones à vocation spécifique permet de regrouper certaines tâches : aires de traitement des céréales, de cuisson… La taille des bâtiments et des silos augmente, tout comme celle des parcelles, et l’on note une volonté de mettre en commun certaines activités. Les constructions en pierre, qui sont souvent le signe d’un statut privilégié, vont se multiplier au cours du Moyen Âge.
D’abord dispersé, l’habitat se regroupe progressivement en hameaux ou villages. Certains sites se dotent d’une église et d’un habitat privilégié dès les VIIe et VIIIe siècles, comme à Serris (Seine-et-Marne). Entre les Xe et XIIe siècles, les villages se multiplient mais les fermes isolées subsistent.
Trous des poteaux porteurs d'un habitat mérovingien mis au jour à Serris (Seine-et-Marne).
© R. El Hajaoui, Inrap
Vue verticale d'un four à pain du village de Saint-Gilles-de-Missignac, haut Moyen Âge, Aimargues (Gard), 2012.
© Jérôme Hernandez, Inrap
L’habitat urbain
Les villes du Moyen Âge constituent des centres politiques et religieux, et revêtent plusieurs formes au cours des siècles. La ville du IVe siècle, héritée de la ville antique, est le siège de l’autorité religieuse et politique. De nouvelles agglomérations sont par ailleurs fondées dans le courant du VIIe siècle le long des fleuves et des côtes, jouant un rôle commercial important.
Ces villes, formées de maisons généralement en bois et en terre mais également en pierre, s’établissent à proximité des populations les plus riches : cour royale, cours comtales, résidences saisonnières des rois (Attigny, Quierzy, Compiègne), communautés monastiques.
Grâce au développement du commerce et de l’artisanat et à la multiplication des échanges, la ville médiévale connaît un formidable essor aux XIIe et XIIIe siècles. Les maisons implantées hors des remparts constituent de nouveaux quartiers, les faubourgs, qui seront ensuite intégrés dans une enceinte plus vaste. Artisanat et commerce font prospérer les boutiques, mais aussi et surtout les marchés et les halles. Les métiers se regroupent par rues (bouchers, banquiers). Certaines activités plus polluantes, comme la tannerie et la teinturerie, sont repoussées en périphérie. La maison est encore majoritairement construite à base de torchis et de bois, la pierre étant réservée aux bâtisses plus luxueuses. Les façades sont étroites, et les vitres ne se généralisent qu’à partir du XIVe siècle. La maison à étages devient la règle.
À partir du XIVe siècle également, les municipalités illustrent leur puissance en construisant hôtel de ville et beffrois.
L’habitat d’élite
La motte castrale et l’habitat à plat
La motte castrale est l’une des manifestations de l’habitat d’élite fortifié du Moyen Âge. Il s’agit dans certains cas d’une élévation artificielle de terre, souvent entourée d'un fossé, sur laquelle est construite une fortification. Les fouilles de mottes, comme celle de Chasné-sur-Ilet (lien chronique F 025045) (Ile-et-Vilaine), sont rares. Récemment, elles ont permis de découvrir que les premières élévations de terre correspondaient souvent au talutage d’habitats d’élite « à plat » préexistants (la terre extraite des fossés creusés autour de l’habitat plus ancien était utilisée pour surélever légèrement le nouvel habitat). Les « vraies » mottes sont en réalité tardives (entre le XIIe et le XIVe siècle). Si leur aménagement montre par certains aspects une vocation défensive, à compter du XIe siècle, ces mottes, qui surplombent le terroir alentour grâce à leur élévation artificielle ou naturelle (relief aménagé), sont avant tout, pour le seigneur, une façon d’afficher sa puissance, illustrée par la « verticalité » de la butte et de la tour.
Les concentrations d'habitations autour d'une motte sont plutôt rares, bien que dans le Languedoc ou le Jura, des habitats d’élites ont été aménagés très tôt à plat, mais « en hauteur », sur des reliefs naturels, et ce dès le début du premier Moyen Âge.
Vue aérienne du site du Tronçay à Chevagnes (Allier), 2007.
Ce site castral du XIVe s. se compose d'une motte castrale, d'une annexe, d'une basse-cour et d'une maison forte.
Photo publiée dans le numéro 34 de la revue de l'Inrap Archéopages.
© S. Gaime - P. Combes, Inrap
Le château
Les châteaux médiévaux que nous avons aujourd’hui sous les yeux remontent le plus souvent au XVe, voire au XIIIe siècle.
Construits en bois à la fin du Xe siècle, ils sont, par la suite, édifiés en pierre. Le château et son donjon sont l'expression du pouvoir du seigneur. Le site est souvent choisi en fonction de ses qualités défensives et dominantes. Les fortifications (murs d’enceintes surmontés par un chemin de ronde) sont cernées par des fossés ou des douves. Les tours sont réparties le long des murs. Dans le sud, l'incastellamento, habitat fortifié perché sur un site en hauteur, se manifeste rapidement, et de façon durable. Cependant, de nombreux châteaux ne sont pas occupés toute l’année. Ce n’est qu’après la guerre de Cent Ans, une fois la paix revenue, que le château fait véritablement office de résidence. Il conserve ses éléments verticaux : le donjon et les tours. Mais le chemin de ronde se change en promenoir, et les fenêtres, en larges baies décorées de pignons, d’arcs et de moulures annexes.
Vue aérienne d'un bâtiment du Ve siècle de notre ère appartenant au domaine palatial des rois wisigoths de Toulouse (Midi-Pyrénées) et dont la fouille se déroula en 1988.
© Raphaël de Filippo, Inrap
Entrée basse du château - cour. D’état XVe-XVIIIe s.
© Jean-Denis Laffite, Inrap 2013