A Marseille, Bouches-du-Rhône, le parking a une emprise de plus de 5 000 m2, mais, à l'issue des diagnostics archéologiques, seule une superficie de 200 m2 s'est révélée intacte suite au percement de la rue Impériale au XIXe siècle.

Dernière modification
10 mai 2016

Trois secteurs ont fait l'objet d'une fouille auxquels s'ajoutent la surveillance des travaux de détournement de réseaux.
La mise en oeuvre a été extrêmement complexe (blindage lourd) et les conditions de travail extrêmement difficiles en raison de l'environnement (coactivité avec les travaux du génie civil, circulation automobile intensive).

Les découvertes, appuyées par le cadastre napoléonien, illustrent les avancées et les replis successifs de l'urbanisation d'un quartier qui, aux confins de la cité, subit d'avantage que les autres les fluctuations démographiques de la ville de Marseille.

Le site est séparé du reste de la ville par un alignement de collines et n'est enserré par les remparts qu'à l'époque grecque hellénistique. Quelques traces agraires d'époque classique ou archaïque, disposées de part et d'autre d'un chenal, démontrent le caractère rural du secteur à ces périodes.
Au IIe s. av. J.-C, reprenant l'axe du chenal, une rue d'axe nord-sud est mise en place. Elle consiste en des épandages de graviers roulés ou concassés, intercalés ou mêlés avec de fines couches d'argile. L'évacuation des eaux pluviales étant une nécessité, nous supposons qu'un collecteur suivait son axe, mais nous n'en avons pas la preuve en raison de l'épierrement durant l'Antiquité tardive. Une rue secondaire, perpendiculaire, de même nature et de largeur inconnue, a été mise en évidence. Des constructions en pierre mal conservées sont édifiées de part et d'autre.


Les niveaux de sol construits et l'essentiel des réseaux de canalisation ont été installés durant l'époque augustéenne. À l'est de la rue, à l'angle avec la rue transverse, un petit bâtiment se voit doter d'un sol en béton de tuileau. Un pilier, probablement central, nous permet de restituer un plan carré de 6,50 m de côté. Un seuil à glissière, caractéristique des boutiques, nous en donne la vocation.

À l'ouest de la rue, la petite zone fouillée et les surveillances de travaux mettent en évidence quatre pièces concomitantes pavées de sols en béton de tuileau. L'une d'elles, largement ouverte et décorée par une mosaïque, correspond certainement à la pièce de réception. Sa situation dans la partie médiane de l'insula (que reprend l'îlot moderne) nous permet de supposer que cette dernière est occupée par une unique domus qui, par ses dimensions, s'apparente d'avantage à une villa urbana qu'aux maisons romaines habituellement rencontré en centre ville.

Le « hiatus de l'Antiquité tardive », si caractéristique des sites marseillais, est ici accentué par l'arasement du haut de la séquence antique lors du percement de la rue Impériale. Nous avons cependant la certitude que la plupart des structures sont abandonnées au cours du IIIe siècle. De plus, les importantes fosses qui percent la rue, ainsi que la tranchée de récupération du collecteur, devenue simple chenal, abolissent le réseau viaire. La disparition de cet axe majeur au cours du VIe siècle, pour une période indéterminée, dénote un abandon du quartier.

Au XIIIe siècle, une ruelle est créée sur la médiane de l'ex-insula romaine. Des parcelles étroites, disposées en lanières, sont loties de part et d'autre.  Le module, les murs peu élaborés et les sols en terre battue les rapprochent des lotissements des faubourgs.  À leur image, le quartier de la Joliette semble « reconquis » afin de répondre à l'accroissement démographique qui caractérise cette époque.

Nous n'avons aucune trace d'une occupation du site entre la fin du XIVe siècle et le milieu du XVIe siècle, hiatus devenu désormais classique sur les fouilles à  Marseille et qui correspond à la période angevine. Ensuite, comme le montrent les textes, le quartier est largement occupé par les établissements religieux. Puis ce sont les premières industries (draperies, tanneries, savonneries, raffineries de sucre) qui s'installent dans les secteurs libres.

La problématique de l'enceinte et de la trame urbaine antique : les deux rues antiques mises au jour sur le site de la rue de la République permettent, en considérant le cadastre napoléonien et les quelques fouilles antérieures, de revoir la question de la trame urbaine hellénistique. Les données nous conduisent à l'élaboration d'un module carré de 60 m de côté qui semble pour l'instant inédit. Les orientations, qui prévalent sur tout le quartier de la Joliette, remontent aux début de la période grecque, comme le montrent les traces agraires et le chenal. L'urbanisme hellénistique reprend exactement l'orientation du parcellaire rural d'époque classique.

La mosaïque : découverte en fouille et complétée lors de la surveillance de travaux, elle constitue une découverte majeure. Il s'agit d'un opus signinum de 5,40 m de long pour une largeur observée de 2 m, décoré d'alignements d'éclats de pierre de quatre couleurs (calcaire lacustre blanc, pélagique noir, détritique vert et rouge). Ce type de sédiment de couleur foncée, un Wackestone à Globigerinidae et spicules d'éponges, est fréquent, et même quasiment caractéristique, des couches carbonatées de l'Aptien supérieur - Albien dit pélagique, qui affleurent autour de Marseille. Les motifs géométriques, très élaborés, mêlent filets, losanges et croisettes, soit autant de formes connues par ailleurs mais rarement associées sur un même panneau. La diversité des tailles de tesselles (de 0,50 à 4 cm) participe également à la richesse du décor. Le panneau est fait d'un semis de plaquettes de marbre de plusieurs couleurs. Le tapis de seuil, très large, est très sophistiqué. Cette mosaïque est sans conteste la plus élaborée et la mieux conservée de la série trouvée sur Marseille. Son caractère unique, ses matériaux et son style conduisent H. Lavagne et V. Vassal à y reconnaître un atelier local. Sa datation n'est pas précise ; postérieure à des remblais du milieu du Ier s. av. J.-C., elle est scellée par des couches de démolition de la fin du IIe s. Un tesson de sigillée, intrusif dans l'enduit peint effondré, permet de le dater de la fin du Ier s. de notre ère, mais rien ne permet de conclure que l'enduit soit contemporain du sol.