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Un établissement rural des Lémovices à la Chabroulie (Isle, Haute-Vienne)
Au sud de l’agglomération de Limoges, sur des terrains en dominance de la Vienne, l'Inrap a mis au jour plus de 900 structures dont un grand nombre remontent à la fin de la période gauloise, autour du Ier siècle av. J.C., une rare occasion d’observer la distribution d’un établissement rural gaulois en territoire des Lémovices.
Distribution des vestiges
Les traces d’occupation détectées s’organisent à l'intérieur et autour d'un enclos fossoyé principal de forme quadrangulaire, d’environ 60 m de côté au sol. Ce creusement présente une grande régularité de ses contours et de son profil. D’une largeur moyenne de trois mètres, ce fossé était à l’origine doublé d’un talus interne constitué par la masse des sédiments extraits. Il vient délimiter un espace d'habitat identifié par plusieurs séries d’ancrages de poteaux.
Vue du fossé d’enclos gaulois avec son profil en V, et chantier de fouille en cours au second plan, La Chabroulie, Isle.
© Maxime Pasquel, Inrap
Ces derniers forment de nombreux ensembles architecturaux construits ou modifiés en quelques décennies et présentant, pour certains, les traces d'un incendie, comme le démontrent par ailleurs des zones de rejets de torchis brûlés et des empreintes charbonneuses de poteaux. Les ancrages de poteaux sont pour la plupart aménagés dans des fosses de grandes dimensions pouvant atteindre 1,20 m de diamètre. Les poteaux eux-mêmes sont imposants car pour de nombreux cas le diamètre de l’empreinte se situe au-delà des 40 cm de section.
Exemple d’un vestige de poteaux en cours de fouille. La Chabroulie, Isle. L’architecture des constructions se révèle à la fouille des ancrages de poteaux qui présentent une fosse d’implantation et parfois le négatif bien visible du poteau.
© Maxime Pasquel, Inrap
Ces constructions successives, bâties en bois, conséquentes par leur envergure, et soignées dans leur facture ont pour certaines des fonctions d'habitats tandis que d'autres sont à vocations de stockage, en lien avec les productions agricoles ou éventuellement artisanales. Ces bâtiments sont distribués autour d'un espace central permettant la circulation au sein de l’enclos et se combinent avec trois puits et quelques fosses avec des rejets cendreux. D’autres constructions, vraisemblablement plus modestes, sur quatre ou six poteaux, s’implantent à l’extérieur immédiat de l’enclos, à la manière d'annexes.
Puits gaulois en cours de fouille. La Chabroulie, Isle. Les vestiges traduisent une organisation des constructions au sein d’un vaste enclos, avec une cour centrale possédant également des puits.
© Maxime Pasquel, Inrap
L’accès principal à l’espace interne se situe sur le segment sud de l’enclos dans le milieu de sa longueur, avec une interruption du fossé d’environ six mètres de large donnant sur un porche monumental légèrement en retrait vers l’intérieur. Deux autres interruptions du fossé participaient la circulation dans l’enclos, avec des passages plus étroits d’environ 1,5 m de large, au niveau des angles sud-ouest et sud-est.
Par la suite, une occupation datée du début de l’Antiquité se développe, dans une certaine forme de continuité, avec toutefois un léger déplacement vers l’est, et une modification de l’environnement avec le comblement du large fossé d’enclos. Une partie de cette occupation s’implante autour d’un puits encore en fonctionnement au sein de l’ancien enclos, tandis que le reste se développe nettement en dehors vers l’est.
Un ensemble d’éléments matériels témoin du quotidien
Le mobilier archéologique associé se compose de nombreux tessons de céramiques domestiques (cuisine, service, stockage…), rejetés dans le comblement des ancrages de poteaux ou dans le fossé d’enclos. Des fragments de meules rotatives en pierre ont également été recueillis, preuve d’une activité de mouture potentiellement liée à des productions céréalières sur place.
Dégagement d’un ensemble de vases rejetés dans un puits. La Chabroulie, Isle.
© Maxime Pasquel, Inrap
Un test sur l’un des puits, jusqu'à environ de sept mètres de profondeur a aussi livré des fragments de bois conservés dans leur milieu humide qui, après analyses, délivreront des informations sur le contexte environnemental de l’époque.
Malgré l'acidité des terrains, quelques éléments métalliques sont conservés, correspondant à des fragments d’outillages, de clouterie ou de quincaillerie ainsi qu’à un petit lot de déchets de forge (scories). La présence de quelques pesons de métier à tisser laisse aussi penser que cette activité a pu être pratiquée sur place. Ce faisceau d’indices nous renseigne sur le caractère plutôt domestique de l’occupation et suggère des activités artisanales ponctuelles, à l’image de nombreuses occupations rurales de cette période.
En plus de ces éléments de facture locale, un grand nombre de tessons d'amphores a aussi été collecté, preuve d’une consommation importée depuis le bassin méditerranéen, notamment de vin. Les fonctions de cet établissement semblent donc multiples avec des aspects agricoles, artisanaux et d'habitat. Placé à proximité de la rivière Vienne et d'un possible point de franchissement, il trouve aussi peut-être un rôle dans les réseaux d'échanges et de circulation commerciale.
Les journées portes ouvertes (JEP 2022). La Chabroulie, Isle.
© Magali Heppe, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Nouvelle-Aquitaine)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Maxime Pasquel, Inrap