Un dépôt monétaire du IIIe siècle à Lahoussoye, Somme.

Dernière modification
10 mai 2016

C'est à la faveur du diagnostic archéologique conduit sur la commune de Lahoussoye, au lieu-dit Derrière les haies, qu'a été découvert un dépôt de monnaies antiques. Le site se trouve en bordure de la route départementale D929, qui recouvre plus ou moins le tracé de la voie romaine reliant les antiques civitas d'Amiens (Samarobriva) et de Cambrai (Camaracum) via Bapaume. Découvert entier et profondément enfoui, le dépôt monétaire se composait de cinq cents sesterces, des monnaies antiques en laiton (alliage de cuivre et de zinc), contenus dans un vase en terre cuite.

Le prélèvement sur le terrain

Le trésor a été partiellement dispersé lors de l'ouverture de la tranchée de diagnostic par la pelle hydraulique. Une fois les monnaies rassemblées, la partie intacte du vase contenant le reste des monnaies a été prélevée en l'état, afin de conserver l'intégralité des informations qu'elle pouvait dévoiler.

L'agencement des pièces

Le prélèvement a été confié à un numismate (spécialiste des monnaies), afin qu'il recueille les données encore disponibles par une fouille fine et méthodique en laboratoire. Cette étape essentielle a révélé que les monnaies étaient agencées différemment selon leur niveau de déposition dans le vase : dans la partie supérieure, les pièces étaient disposées à plat alors que, dans le fond du vase, les pièces étaient disposées en trois piles de huit à dix-sept monnaies couchées sur la tranche, comme le seraient aujourd'hui des rouleaux de pièces.

L'état de conservation des monnaies

La couleur verte des pièces est due à l'oxydation naturelle du laiton dans le sol. La corrosion pouvait amalgamer des monnaies deux à deux et empêchait d'identifier leur effigie. Elles ont donc été traitées au moyen de bains chimiques adaptés à leur degré de corrosion.

La constitution du dépôt monétaire

Une fois débarrassées de leurs concrétions, les monnaies ont révélé leur effigie et leur date d'émission. Elles ont été frappées entre le règne de Vespasien (69 à 79), fondateur de la dynastie des Flaviens (69 à 96), et le règne de Sévère Alexandre (222 à 235), dernier empereur de la dynastie des Sévères. La monnaie la plus récente date de 226. Ce type de dépôt est caractéristique du troisième quart du IIIe siècle de notre ère.

Une période qui chahute la monnaie

Le IIIe siècle est une période transitoire de crises et de mutations qui marque le terme du Haut-Empire et l'amorce du Bas-Empire. Le système monétaire instauré par l'empereur Auguste entre 27 et 23 avant notre ère reposait sur une échelle de valeurs du métal fondée sur l'or, l'argent, un alliage de cuivre et de zinc (le laiton) et le cuivre ; c'est dans ces métaux que les monnaies étaient émises. De la nature et de la quantité du métal dépendait la valeur de la monnaie frappée : 1 aureus (or) = 25 deniers (argent) = 100 sesterces (laiton) = 200 dupondius (laiton) = 400 as (cuivre) = 800 semis (cuivre) = 1600 quadrans (cuivre).
La dégradation de ce système monétaire commença à partir du IIe siècle de notre ère avec le déclin des ressources minières. Elle s'accentua au cours du IIIe siècle du fait des troubles politiques internes, des guerres menées contre les Barbares et de l'émission d'une nouvelle monnaie dès 215, l'antoninien.
La combinaison de ces différents facteurs déboucha sur des émissions irrégulières des monnaies en or et en argent, accompagnées d'une baisse de leur poids. Cette dévaluation brisa la cohérence du système monétaire établi par Auguste, car l'indice de change entre monnaies n'était plus maintenu : si, jusqu'en 210 de notre ère, 1 aureus (or) s'échangeait contre 25 deniers (argent), en 230, il pouvait s'échanger contre 42 deniers ! Cela entraîna la disparition des monnaies traditionnelles en laiton et en cuivre, complètement dévaluées : sesterces, dupondius, as disparurent de la circulation. Aurélien, empereur de 270 à 275 de notre ère, amorça une réforme en réduisant le volume des émissions monétaires et en stabilisant la valeur des monnaies en or.
Face à cette dépréciation monétaire, de nombreux Romains ont été tentés de thésauriser les anciennes monnaies sous forme de dépôts « refuges ». À diverses périodes de l'Histoire, on verra se répéter le même genre de comportement. Les archéologues mettent régulièrement au jour ce type de dépôts, dont on peut penser qu'ils ont été oubliés.