L'hôpital protestant de La Rochelle (Charente-Maritime) se situait à l'est de la ville, à l'intérieur de l'enceinte urbaine élevée par l'ingénieur Ferry à partir de 1689, et au sud de l'Hôpital général.

Dernière modification
10 mai 2016

En 1765, des notables rochelais font l'acquisition de deux maisons avec jardins pour y établir un hospice. Implantés sur les anciens glacis de l'enceinte de sûreté protestante, construite à partir de 1610 et rasée en 1628, les jardins furent utilisés comme cimetière pour l'hôpital, mais également par une bonne partie de la communauté protestante de la ville, jusqu'à sa fermeture en 1792.

Les vestiges de l'hôpital

La moitié orientale du site sert de dépotoir à diverses activités artisanales (raffinerie de sucre, forge, tabletterie), comme le montre l'abondant mobilier céramique découvert (cônes à pain de sucre, jarres à mélasse), mais également à des scories et du mâchefer, à de la faune et à des déchets de découpe de l'os, tels que des baguettes ou des perles.

Au nord de la parcelle, l'hôpital occupe deux constructions distinctes qui figurent sur les plans de la ville dès le début du XVIIIe siècle. À l'est, deux corps de bâtiments forment un L qui encadre l'extrémité d'un jardin. À l'ouest, l'édifice est constitué par trois corps de bâtiments organisés en U autour d'une cour, présentant tous les caractères d'un hôtel particulier. Élevé au XVIIIe siècle, il fait l'objet d'importants remaniements au XIXe siècle, puis il est détruit au début des années 1980, seul le portail donnant sur la cour étant conservé.

Des installations sanitaires importantes

De nombreux  aménagements ont été identifiés dans les cours, surtout à l'est où les réseaux d'adduction d'eau, d'évacuation des eaux usées et les installations sanitaires sont particulièrement bien représentés. Les eaux pluviales et une partie des eaux usées sont dirigées vers de nombreux puits perdus, bâtis en pierres sèches. Ils sont souvent associés à des caniveaux de surface. Les installations sanitaires sont également importantes : sept fosses d'aisance ont été reconnues, leur datation s'étale du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle. L'une d'elle fournit un abondant mobilier : céramique, verre et faune datant du XVIIIe siècle. Avant l'arrivée de l'adduction d'eau de ville, l'alimentation est assurée par un puits partiellement inclus sous un bâtiment, puis au XIXe siècle, par une vaste citerne. Les espaces de circulation extérieurs sont souvent soignés : sol de galets, allées de pavés et aire dallée de briques posées sur chant, délimitées par des bordures en pierre de taille.

Un cimetière protestant

Au sud des bâtiments s'étendent deux jardins, primitivement séparés par un mur de clôture. D'une surface d'environ 1 750 m2, le cimetière est entièrement clos de murs. La densité des sépultures est forte et l'orientation, tant est-ouest que nord-sud, ainsi que de nombreux recoupements, laissent pressentir une saturation du cimetière. Seules les tombes situées en périphérie respectent l'organisation du bâti en lui étant toujours perpendiculaires.

Les presque 500 sépultures fouillées ont permis de recueillir des informations touchant plusieurs domaines :
- les pratiques funéraires des protestants au XVIIIe siècle ; la période d'utilisation du cimetière, de 1765 à 1792, est alors encore sous l'effet de la révocation de l'édit de Nantes. Il s'agit peut-être du seul cimetière protestant reconnu et toléré en France durant cette période ;
- l'activité de l'hôpital (soins, actes de chirurgie...), grâce à la découverte d'appareils médicaux, tels que des bandages herniaires ou des indices d'autopsie sur un jeune adolescent dont le crâne a été scié (traces de scalp...).
 
Parallèlement, l'étude biologique des squelettes va permettre de caractériser la population accueillie par l'hôpital et inhumée dans son cimetière. Ce sont majoritairement des individus âgés dont l'état sanitaire est médiocre et qui présentent des pathologies souvent invalidantes. Il existe par ailleurs une proportion intéressante de foetus et de bébés parfois inhumés avec un adulte (très probablement leur mère).

La population inhumée

Fait probablement unique au XVIIIe siècle, la fondation de l'hospice protestant de La Rochelle, si elle fut discrète pour ne pas incommoder les autorités religieuses, ne put se faire qu'avec l'approbation du pouvoir civil. Les documents d'archives sont éloquents, et plus particulièrement les actes notariés qui indiquent clairement que les biens acquis sont destinés à l'accueil des pauvres et des malades de la communauté protestante afin de les soustraire au prosélytisme pratiqué par les religieux des autres hôpitaux. La population inhumée dans le cimetière peut être appréhendée grâce aux registres des sépultures, partiellement conservés.
 
Dans ce contexte bien précis, les données archéologiques, parfois peu explicites, prennent une nouvelle dimension. La profusion d'installations sanitaires, les rares fragments de pots à pharmacie et les éventuels instruments chirurgicaux sont les uniques témoins de la vie matérielle de l'hôpital. Parallèlement, les pratiques chirurgicales observées sur certains inhumés ainsi qu'une population âgée présentant de nombreuses pathologies montrent que nous sommes en présence d'un recrutement particulier. Son étude devrait mettre en évidence qu'il est représentatif d'un cimetière d'hôpital de cette époque et ainsi constituer un référentiel.