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L’agglomération antique et médiévale de Mougon à Crouzilles (Indre-et-Loire)
À Mougon, en Indre-et-Loire, les archéologues de l’Inrap viennent de fouiller un site exceptionnel où se superposent des ateliers artisanaux, des habitations et un ensemble sépulcral sur une période qui s’étend du Haut-Empire au début du Moyen Âge.
À l’occasion de travaux d'aménagement d’un pavillon au hameau de Mougon, dans la commune de Crouzilles (Indre-et-Loire), les archéologues de l’Inrap viennent de fouiller une parcelle de 720 m2, dans un secteur correspondant à une importante agglomération secondaire du Haut-Empire (Ier-IIIe siècle de notre ère). Située sur la rive droite de la Vienne, aux confins du territoire (civitas) des Turons (recouvrant approximativement l’actuel département d’Indre-et-Loire), cette agglomération est associée au vicus Mediconnum mentionné par Grégoire de Tours au VIe siècle.
Desservi par la voie qui longeait la Vienne et menait à Chinon, ce secteur, riche par son importante activité de poterie, est connu par des mentions du XIXe siècle qui révèlent la présence d’un cimetière médiéval et des ateliers de potiers antiques. Des prospections aériennes et géophysiques ont mis en évidence un système de voirie avec un axe principal correspondant à la voie antique « Chinon /Port-de-Pile » et des voies perpendiculaires. Malgré la quantité de données amassées, on ne connaît toujours pas la structuration exacte du village en particulier pour les périodes médiévales.
Des traces d'habitat
Le chantier de fouille de Mougon se situe en bordure d'une grand cimetière médiéval qui couvrait une superficie de 1,1 à 1,3 ha. Dans le secteur est, des vestiges d’habitat du Haut-Empire ont été dégagés, correspondant essentiellement à des alignements empierrés évoquant des solins. Au moins quatre bâtiments différents peuvent être individualisés, disposés de part et d’autre d'un chemin ou d'une ruelle. Un de ces bâtiments indique deux états de constructions : des pierres calcaires forment la base du solin et sont ré-haussées de gros blocs siliceux. Il est possible que ces structures aient été surmontées de sablières (pièce maîtresse horizontale de l’armature principale d’une paroi en pan de bois), en position basse, à la base de la paroi. La nature du sol (limons sableux) pourrait expliquer le recours à ces structures légères. Une question est de savoir si ces structures ont été réutilisées et occupées sous le Bas-Empire (du IIIe à la fin du Ve siècle), cette dernière période étant particulièrement mal documentée pour le bâti.
Un chemin fait de tuiles, de briques et de tessons de céramiques antiques.
I. Pichon, Inrap
Un bâtiment sur solin en cours de dégagement.
J.-P. Gay, Inrap
Un puits en cours de fouille.
M. Barret
Production locale
Le site a délivré une énorme quantité de céramique (250 caisses, des dizaines de milliers de tessons) de tous types (amphores, dolia, céramiques à paroi fine et communes...), datée principalement du Haut-Empire et provenant pour l’essentiel des ateliers de production situés à proximité. Au sud-ouest de l'emprise un atelier lié au travail du fer a été découvert, comme en témoignent des parois de fours, des battitures et des scories. Des pesons de tisserand, des vestiges d’ateliers de travail de l’os (charnières) indiquent que d’autres activités artisanales étaient pratiquées sur le site, destinées plus probablement à répondre aux besoins des habitants de l’agglomération.
Un ustensile en alliage cuivreux dans une céramique de type dolium.
P. Salé, Inrap
Des pesons (poids) de tisserands complets ou fragmentés.
P. Salé, Inrap
Sépultures de nourRissons
Entre 15 et 20 sépultures de nourrissons (de 1 mois à 2 ans) datées du Haut-Empire et en bon état de conservation ont été identifiées à proximité des habitats et des ateliers (comme c’est l’usage courant à l’époque). Les nourrissons ont été inhumés dans des céramiques complètes ou fragmentaires souvent de type dolium, recouvertes de tuiles, de fragments, voire de céramiques entières. Quelques dépôts funéraires sont à signaler, dont un chien qui a été découvert sous une de ces sépultures. D’autres céramiques complètes ne comportant pas d’ossements mais parfois de nombreux fragments de céramiques sont peut-être associées aux sépultures, mais certaines d’entre elles peuvent également fonctionner avec les ateliers ou les habitats.
Quatre sépultures d’adultes remontant à l’époque mérovingienne et carolingienne ont été également mises au jour, dont un sarcophage trapézoïdal en pierre et une fosse recouverte de deux dalles de schiste.
La fouille du site de Mougon laisse encore beaucoup de questions en suspens. Techniquement, le site s’est montré difficile à appréhender. Les vestiges, de nature variée, s’identifient difficilement en raison de la nature sableuse des sédiments, ils sont souvent ténus, ils se répartissent entre différents niveaux de terre humifères, et ils forment une stratigraphie peu épaisse (de 20 à 40 cm), mais complexe. Pour les appréhender, plusieurs décapages ont été nécessaires, suivis de nettoyages manuels surfaciques. En revanche, la collecte de quantités importantes de céramiques devrait faciliter la datation des niveaux du Haut-Empire et apporter une riche information sur ce site.
La sépulture 719 lors de sa découverte.
F. Yvernault, Inrap
Les ossements du squelette de nourrisson de la sépulture 719.
F. Yvernault, Inrap
Le contenant céramique de la sépulture 719.
F. Yvernault, Inrap
Un sarcophage trapézoïdal médiéval.
P. Salé, Inrap
Une fosse remplie de déchets céramiques.
P. Salé, Inrap
Vue du chantier à l’issu du décapage
P. Salé, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie Centre-Val-de-Loire
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Philippe Salé, Inrap