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Le plateau briard durant la Préhistoire, fouilles archéologiques à Tigery (Essonne)
Les recherches concernent principalement le Paléolithique mais des vestiges du Néolithique sont aussi étudiés.
Préalablement aux aménagements de la ZAC du Plessis-Saucourt par l’EPA Sénart sur la commune de Tigery (Essonne), une équipe d’archéologues de l’Inrap effectue, sur prescription de l’État (Drac Île-de-France), des recherches à Tigery (Essonne). 6 200 m2 sont ainsi explorés entre mars et juin 2016.
Les fouilles permettront de libérer le terrain pour les travaux d’aménagement. La construction du 1er bâtiment (6 500 m²) réalisé par Alséi pour l’accueil d’activités (bureaux et locaux de production) pourra ainsi démarrer dès la rentrée 2016.
Les plateaux, un milieu hostile à l’homme préhistorique ?
Pendant longtemps les plateaux ont été considérés comme peu propices à l’installation des hommes préhistoriques qui vivaient le long des cours d’eau où ils trouvaient les ressources primordiales à leur survie : l’eau, la faune, la flore et le silex. Cette vision était en grande partie influencée par l’aménagement du territoire autour des carrières où les archéologues œuvraient le plus souvent. Les recherches menées à partir des années 1990 en lien avec le développement de la ville nouvelle de Sénart ont profondément renouvelé cette vision.
La multiplication des sondages profonds à partir de 2007 a entraîné une meilleure compréhension des terrains et la découverte de nombreuses occupations préhistoriques.
Tigery est symptomatique de ces travaux. La phase préliminaire à la fouille, le diagnostic, a été l’une des premières où des sondages profonds ont été réalisés tous les 50 m. Elle a révélé un véritable condensé d’aventure humaine : des occupations du Paléolithique ancien (avant 130 000 ans) au Néolithique (entre - 6000 et - 2200) ont ainsi été découvertes.
Tigery au Paléolithique
Les recherches se sont principalement concentrées sur les occupations du Paléolithique moyen récent, par ailleurs particulièrement bien représenté dans les découvertes récentes (pas moins de quatre sites de cette période sur 20 km²). Cette période correspond au début de la dernière glaciation (entre 110 000 et 70 000 ans) où le climat reste tempéré malgré quelques épisodes de froid intense.
Le paysage est alors parcouru de dépressions où l’eau stagne, ainsi disponible pour les espèces animales et végétales. À la fin de cette période, autour de 70 000 ans, ces cuvettes sont comblées. Mais protégées de l’érosion, les dépressions piègent les vestiges de sédiments et d’occupations humaines aujourd’hui étudiés.
Tigery illustre ces problèmes de conservation : les artefacts* sont conservés à la faveur de dépressions anciennes et disparaissent dans les zones les plus planes du plateau.
(*produit ayant subi une transformation, même minime, par l'homme, et qui se distingue ainsi d'un autre provoqué par un phénomène naturel).
Trois ensembles distincts spatialement et stratigraphiquement témoignent de comportements techniques et économiques différents.
Le premier ensemble est représenté par une concentration d’outils produits vraisemblablement hors du site. Ils témoignent d’une forte anticipation des groupes humains qui connaissent par avance l’outillage qui leur sera nécessaire. Celui-ci se compose essentiellement d’éclats de dimension moyenne, autour de 5 cm, dont les bords sont très travaillés pour façonner une pointe. De plus, la présence d’une pièce bifaciale (outil retouché sur les deux faces) de grande dimension dans cet ensemble est assez inattendue.
Le second ensemble se distingue par la présence de courtes séquences de taille du silex aux côtés d’outils retouchés. La production semble se faire en fonction des besoins immédiats, les nucléus, pièces destinées à produire des éclats, étant transportés par les hommes. Les traditions techniques déployées évoquent des savoir-faire du Paléolithique moyen du nord de la France. La production d’éclats allongés (« lame ») est caractéristique d’une longue période, mais est très présente au début de la dernière glaciation conformément à la date de 97 000 ans obtenue par thermoluminescence sur un silex brûlé.Le troisième ensemble témoigne aussi de comportements humains différents : les productions sur place semblent plus importantes, certaines concentrations évoquent des postes de taille.
Des traditions culturelles nombreuses
Le témoignage d’une pluralité de comportements techniques et économiques est le signe de traditions culturelles distinctes. Elle renvoie aux constats faits sur les fouilles récentes réalisées sur le même plateau. Cette diversité des industries lithiques sur un temps et un espace aussi restreints est unique pour le nord-ouest de l’Europe, parfois considéré comme un bloc culturel monotone.
Elle questionne sur le peuplement de la région : faut-il y voir une rapide évolution interne des groupes ? Ou considérer le Bassin parisien comme un véritable carrefour où de nouvelles populations se succèdent ? Les travaux en cours s’attachent à répondre à ces questions.