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" Les Près " à Bazancourt
A Bazancourt « Les Près », en amont de l'aménagement d’un lotissement par la commune, l'Inrap a mis au jour en 2014 les vestiges de plusieurs occupations allant de la période néolithique à la période médiévale.
L’occupation néolithique
Les occupations néolithiques sont assez rares dans la vallée de la Suippe pour qu’elles prennent ici tout leur intérêt. La commune de Bazancourt a déjà livré plusieurs occupations du Néolithique récent sous forme de fosses à profil en Y mais jamais de traces habitats.
Sur le site, deux bâtiments ont été découverts. Le bâtiment 1 est de plan rectangulaire orienté nord-sud. Il mesure en moyenne 4,6 m de large de bord externe à bord externe de creusement. Sa longueur est plus incertaine, car son extrémité nord a été détruite par l’occupation funéraire. Sa paroi est peut être parfaitement suivie sur 15,5 m, ensuite les tombes médiévales compliquent sa lecture. Néanmoins, sa longueur pourrait être portée à environ 19 m. Les parois du bâtiment sont matérialisées par des creusements ovales, de petit gabarit, rapprochés. La plupart a une longueur comprise entre 20 et 30 cm. Pour le bâtiment 1, trois datations ont été obtenues à partir d’échantillons de charbon de bois récoltés exclusivement dans les parties indurées. Elles ne forment pas un ensemble homogène, car elles prennent place dans une vaste fourchette qui couvre les IIIe et IVe millénaire. Elles révèlent au moins deux phases et témoignent donc de la présence de charbons résiduels ou intrusifs.
Le second bâtiment est orienté sud-ouest / nord-est (-75°), ce qui doit correspondre peu ou prou à l’axe des vents dominants dans la région. Il est constitué de deux modules, l’un quasi-quadrangulaire à l’est et un autre incomplet à l’ouest. Le module Est mesure 5,0 m par 5,9 m. Il est constitué de 5 poteaux sur ses parois N et S et 3 poteaux pour ses côtés Est et Ouest. Ces creusements sont particulièrement gros, si on les compare à ceux du bâtiment 1. Les deux creusements les plus volumineux appartiennent à l’axe faîtier: ils sont imposants en plan et leurs profondeurs avoisinent les 60 cm sous le décapage. Deux dates radiocarbones ont été obtenues à partir de charbons prélevés dans les comblements indurés. On retrouve une nouvelle fois deux phases que l’on peut mettre en parallèle avec celles mises en évidence sur le bâtiment 1. Une nouvelle fois se pose donc le problème de savoir si ces charbons sont résiduels, contemporains ou intrusifs.
Plan des deux bâtiments néolithiques.
DAO : © G. Cabille; mise en page : © V. Desbrosse
Photo du bâtiment 2 néolithique.
© V. Desbrosse Inrap.
Photo du bâtiment 1 néolithique.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap.
La fouille pourrait donc avoir révélé deux bâtiments du Néolithique récent. En effet les comparaisons architecturales n’ont été trouvées que dans cette phase, les charbons du Néolithique moyen seraient alors résiduels. En revanche, on ne peut pas à partir des simples dates radiocarbones déterminer si ces deux bâtiments sont contemporains ou s’ils appartiennent à deux phases distinctes. En effet leurs orientations et leurs architectures différentes interpellent : est-ce lié à des considérations chronologiques ou fonctionnelles ? Si l’on s’en tient uniquement aux données architecturales le bâtiment 1 se rattache plus aux constructions datées du début du Néolithique récent, tandis que le bâtiment 2 trouve une comparaison avec une construction datée d’une étape plus récente du Néolithique récent. L’absence de mobilier sur ce site n’est pas un obstacle à l’interprétation de ces bâtiments comme des unités domestiques. Même si l’étroitesse du décapage limite la vision, on notera l’absence de fosses détritiques contemporaines de ces bâtiments. Ceci semble être la norme pour les sites du Néolithique récent dans la région, ce qui complique encore un peu plus leur découverte.
L’occupation antique
La période romaine se caractérise par la présence d’une voie secondaire qui semble filer en direction de la Suippe. Elle est caractérisé par 2 fossés bordier. Ce tronçon de voie secondaire antique découvert à Bazancourt complète le maillage dense de voies qui commence à être bien connu par l’archéologie préventive, entre les deux axes majeurs que sont les voies Reims-Trêve et Reims-Cologne.
Photo des fossés bordiers de la voie romaine.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap.
Installé contre cet axe, un fossé d’enclos pourrait se rattacher à la sphère funéraire. Des tombes antiques s’installent à sa proximité. Il s’agit là d’une modalité d’installation assez classique pour la période (loin de l’habitat, près d’un axe de circulation, proche d’un enclos). Il s’agit là, des premiers vestiges funéraires antiques de la vallée de la Suippe. Ces tombes sont remarquables à plus d’un titre avec notamment la présence d’une tombe à niche, type rare dans nos contrées, et qui s’est révélée particulièrement bien dotée (3 céramiques, plusieurs dépôts de faune et de chaussures). On note aussi la présence de la sépulture d’une femme gravement malade qui a bénéficié d’un cercueil particulièrement imposant ainsi que d’un marquage au sol. Cette occupation funéraire paraît servir d’ancrage à la nécropole mérovingienne.
Photo de la tombe romaine avec marquage par une meule.
© N. Daviaud, Inrap
L’occupation mérovingienne
Au Ve siècle, sans qu’il ne soit possible de savoir s’il y a rupture ou continuité dans l’occupation funéraire, au moins 200 tombes mérovingiennes s’installent à proximité des sépultures antiques. L’étude de ce site a mis en évidence une probable création polynucléaire. Cet espace funéraire semble dans un premier temps, se développer en respectant l’emprise de l’axe de circulation. Par la suite, il s’étend et empiète sur la voie qui est alors désaffectée. L’organisation de la nécropole s’effectue en rangées, selon un schéma classique pour la période. Elle renferme apparemment une population dite naturelle avec la présence d’hommes et de femmes adultes, mais aussi d’immatures (ces derniers sont sous-représentés ce qui est une constante dans les nécropoles mérovingiennes). L’étude de l’état sanitaire de la population a été rendu impossible en raison de la mauvaise conservation des restes osseux et d’un taux de perturbation des tombes particulièrement élevé. Paradoxalement, il a été possible de mettre en évidence de nombreuses pathologies dont des traumatismes, un cas de tumeur et un cas de variole. Le peu de mobilier d’accompagnement ne présente qu’une partie de l’éventail des objets habituellement retrouvés dans ce type de contexte : en effet si de la céramique, des verreries, des éléments de ceinture, ou encore des peignes sont présents, on note toutefois de manière inhabituelle l’absence presque totale de parure (notamment de fibules) pour les femmes et de scramasaxe pour les hommes. Ces lacunes sont vraisemblablement imputables au très fort taux de pillage qui semble avoir affecté le site. Mais au vu de la qualité des objets qui sont parvenus jusqu’à nous, dont une plaque-boucle de style aquitain à motif animalier, on peut penser que la nécropole était à l’origine particulièrement riche en mobilier.
Photo des tombes mérovingiennes. Celle de gauche a été pillée.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap
Photo d’une garniture de ceinture mérovingienne.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap
Photo d’une céramique mérovingienne.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap
Une variété des contenants funéraires a été constatée. En effet, le site Bazancourt a livré des exemples de contenant rigide de type coffrage en bois, un sarcophage en pierre, des vestiges de sarcophage en plâtre ainsi que deux tombes maçonnées. Ce site combine donc des coutumes variées avec des pratiques plutôt observées dans l’est du département (sarcophage en plâtre) et des pratiques plutôt observé dans les Ardennes (tombes maçonnées).
Photo d’un sarcophage mérovingien en pierre.
© S. Desbrosse-Degobertière Inrap.
De plus, les blocs de pierre utilisés pour le sarcophage ainsi que pour les tombes maçonnées sont des blocs de réemplois issus de monument gallo-romain probablement massif. Cette ressource devait se trouver à proximité. Par la suite cette nécropole semble abandonnée au VIIIe siècle, ce qui correspond à ce qui a été observé dans d’autre site. En effet, si la nécropole mérovingienne ne bénéficie pas de l’installation d’un édifice de culte chrétien comme cela pu être observé sur certain site, elle est peu à peu abandonnée au profit de divers lieux (le long des voies, dans l’habitat ou dans les cimetières paroissiaux nouvellement créés autour de l’église).
Photo d’une tombe mérovingienne en cours de fouille.
© V. Desbrosse, Inrap
Agnès Balmelle, Inrap
Geertrui Blancquaert, SRA
Fabrice Avival (topographe), Alessio Bandelli (archéozoologue), Patrick Barrois (technicien d'opérations), Jean-Jacques Bigot (Infographiste, DAO), Magalie Cavé (technicienne d'opération), Jimmy Coster ( technicien d'opération), Samuel Cotonnec (technicien d'opération), Nathalie Daviaud (technicienne d'opération), Anne Delor-Ahü (céramologue), Vincent Desbrosse (intervention néolithique), Gwenaelle Cabille (responsable de secteur), Bruno Duchêne (technicien d'opération), Benoit Filipiak (numismate), Millena Frouin (géomorphologue), Patrick Huard (topographe), Fabrice Gauvain (technicien d'opération), Marine Gerard (technicienne d'opération), Julien Grisard (technicien d'opération), Bérangère Guégan-Gaillard (technicienne d'opération), Émilie Jouhet (technicienne d'opération), Anne Larcelet (spécialiste étude mobilier métallique), Ugo Le Moigne (technicien d'opération), Marion Le Moigne (technicienne d'opération), Stéphanie Lepareux-Couturier (Assistant d'étude et d'opération), Aurore Louis (spécialiste étude du verre), Nadine Mahé-Hourlier (céramologue), Claire Pilliot (technicienne d'opération), Isabelle Richard (anthropologue), Laure Sornin-Petit (technicienne d'opération), Sandrine Thiol (anthropologue), Marie-Cécile Truc (spécialiste étude mobilier métallique), Florie Spies (technicienne d'opération), Patrick Chevallier (technicien d'opération), Cyril Van Lynden Tot Oldenaller (technicien d'opération), Floriane Wittmann (technicienne d'opération), Félix Yandia (technicien d'opération)
Gille Fronteau (Université Reims-Champagne-Ardenne)
Gwënalle Cabille