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Quand la France découvre ses polders médiévaux
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Samuel Desoutter, archéologue à l’Inrap et responsable de programmes.
Historiens, géologues et archéologues pensaient depuis longtemps que cette frange côtière, de Dunkerque, submergée par les eaux de la Mer du Nord, était inoccupée par l’Homme depuis l’Antiquité : il n’en est rien !
Avant que ne soit construit le nouveau port ouest de Dunkerque, les archéologues fouillent, sur plus de 900 hectares, la plaine littorale flamande de Craywick sur l’ancien estuaire de la Denna. Aujourd’hui, au cœur de ce milieu fragile, c’est une archéologie toute pionnière qui est actuellement entreprise, "l’archéologie des polders", paysages constitués de prés salés et de digues, conquis sur la mer, bien connus entre Belgique et Hollande, mais encore insoupçonnés sur le territoire français.
Archéologie des polders
Ainsi, les archéologues exhument actuellement l’histoire de l’occupation humaine de cette plaine, mais aussi les processus ayant formé ces paysages, ainsi que la nature des impacts de l’Homme, comme des tempêtes marines sur cet environnement.
La création de polders au Moyen Âge
Au Moyen Âge, la nécessité d’intensifier la culture des céréales et de développer des cheptels pour répondre aux besoins d’une population croissante passe par une poldérisation, un assèchement de marais littoraux pour en faire des terres cultivables. Ce processus d’endiguement systématique destiné à limiter les dynamiques des marées se déploie entre le IXe et le XIIe siècle. Au cœur de cet espace estuarien endigué, des sites d’habitat se fixent tous les 800 m dès le Xe siècle, ceux-ci se répartissant de manière régulière au cours des siècles, le long d’endiguements successifs.
Quand la digue craque… tout craque !
Dans ce milieu à fleur d’eau, la violence des tempêtes et des marées a parfois profondément éventré ces digues, créant des grandes brèches, de 40 m de diamètre et de plus de 5 m de profondeur, qui se transformeront peu à peu en mares. Ces ombilics de brèches, utilisés en guise de mares pour le bétail, sont aussi l’objet de gigantesques chantiers de colmatage. Ces nouveaux endiguements, souvent à l’aide d’argile, interrogent par leur ampleur, mais aussi sur l’organisation de tels chantiers au cours du Moyen Âge.
Un chantier considérable
Sur plus de 900 hectares, archéologues et géomorphologues travaillent d’avril à octobre, c’est-à-dire durant la période de basses eaux de la nappe phréatique. Pour atteindre le fond des brèches creusées par la mer, et afin de faire des observations et des prélèvements, un rabattement de la nappe phréatique est mis en place. Des tiges sont enfoncées dans le sol jusqu’à 7 m de profondeur, afin d’aspirer l’eau sous-jacente et d’assécher provisoirement la zone. Plusieurs mares sont actuellement étudiées pour comprendre leurs dynamiques de remplissage.
Pour aller plus loin
- Présentation et publications de Samuel Desoutter : sur le site Research gate, sur Open editions journals, sur Academia.
- Article sur le chantier de fouilles, sur le site de l'Inrap.
- À regarder, le colloque sur l'archéologie des rivages, organisé par l'inrap en octobre 2021, au musée du Quai Branly Jacques Chirac. À partir de 2 h 15', intervention de Samuel Desoutter sur les polders.
- À lire, un article, La plaine dunkerquoise, un ancien estuaire poldérisé (site My science, octobre 2023).
- QUELQUES REFERENCES
- Page sur les Comtes de Flandres.
- Page sur l'Institution Intercommunale des Wateringues.
- Page sur les watringues ou wateringues.
- Page sur les transgressions dunkerquiennes.