Au cœur de la plaine orientale de la Corse, entre la rive septentrionale du Tavignano et l’étang de Diane, l'Inrap fouille depuis le mois de juillet une surface cumulée de près de 3000 m² en amont de la construction de maisons individuelles. La fouille a révélé la présence d'un atelier de tuilier du Ier s. ap. J.-C. qui succède à une occupation du premier âge du Fer matérialisée par plusieurs dizaines de structures en creux et des aménagements empierrés.

Dernière modification
21 novembre 2024
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Vue aérienne des deux emprises de fouille avec en arrière-plan l’étang de Diane et la mer Tyrrhénienne.

© Nathalie Gonzalez, Inrap


Une occupation du premier âge du Fer

Au pied du versant sud de la petite colline surplombant l’étang de Diane, des vestiges du premier âge du Fer témoignent d’une première phase d’implantation humaine sur ce site. L’occupation est matérialisée par une cinquantaine de structures, en creux ou empierrées, qui ont livré un matériel céramique local et d’importation étrusque, ainsi qu’un important corpus d’outils macro-lithiques.

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Grande fosse contenant une vingtaine de fragments de meules et molettes.

© Audrey Jamai-Chipon, Inrap


La présence de plusieurs trous de poteaux illustre des constructions en matériaux périssables. La mise au jour de grandes fosses, contenant des rejets charbonneux, des molettes fragmentées et des vases brisés, renvoie à la sphère domestique. Enfin, les aménagements de galets semblent correspondre à des soubassements de bâtiments. L’occupation protohistorique se développe au-delà de l’emprise de fouille et il reste ainsi difficile d’en discerner pour l’heure la structuration.

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Céramiques datant de la Protohistoire découvertes à Aleria.

© Brice Chevaux, Inrap


Un atelier de tuilier du Ier siècle après J.-C.

Au Ier siècle de notre ère, un atelier de production de tuiles est implanté au sud de la parcelle, au plus près du cours d’eau. La fouille a permis de mettre en évidence un secteur d’activité artisanale complet, où toutes les étapes de la chaîne opératoire de fabrication de tuiles sont identifiables. Celle-ci démarre par la décantation de l’argile, qui s’effectuait ici dans un grand bassin en tegulae, de 4,30 m de diamètre ; la cuisson des terres cuites architecturales était ensuite réalisée dans un four, doté d’une chambre de chauffe à double couloirs voûtés, installé au sein d’un grand édifice dont les murs sont structurés de galets noyés dans un mortier de chaux.

Un second bâtiment, de plusieurs centaines de mètres carrés et ceinturé de contreforts, prend également place à proximité immédiate de l’aire de cuisson. Il s’agit vraisemblablement d’un grand entrepôt avec vide sanitaire où étaient stockées toutes les productions. Plusieurs grandes fosses dépotoirs contenant les ratés de cuisson et les déchets liés au curage du four sont par ailleurs creusées à l’extérieur des bâtiments. Enfin, un tronçon d’une voie desservant l’atelier complète ces découvertes.
 


Un petit ensemble funéraire en lisière de la zone artisanale

Un petit ensemble de huit structures en lien avec la sphère funéraire est implanté en périphérie de l’aire artisanale. Il s’agit pour la plupart de sépultures dotées d’une architecture de tuiles (coffrage ou bâtière) associée à l’utilisation de galets comme calage. Du fait de l’acidité du sol, les squelettes n’ont pas été retrouvés. Une urne fait en revanche partie de ce corpus. Son contenu reste pour l’heure inconnu, mais elle sera fouillée ultérieurement en laboratoire. Quelques offrandes de vases en céramique ou de balsamaires en verre étaient déposées au sein des structures sépulcrales. Pour l’heure, l’ancrage chronologique de cet ensemble funéraire semble en adéquation avec l’atelier de production tuilière.


Un travail en post-fouille à venir

L’intervention est limitée dans le temps afin de pouvoir restituer le terrain aux aménageurs dans les délais impartis, et ainsi leur permettre de construire leurs maisons. Pour autant, le travail de recherche continuera dès le début de l’année 2025 durant la phase de post-fouille, à laquelle seront associés de nombreux experts de l’Inrap (céramologues, anthropologues, géomorphologues, palynologues, …) qui analyseront les données collectées.Les datations des sépultures – qui ne sont pour l’heure qu’hypothétiques – pourront notamment être précisées par ce travail en laboratoire.

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Fouille du four antique.

© Morgane Heurtebis, Inrap

Aménagement : Particuliers
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac de Corse)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Brice Chevaux, Inrap