Deux équipes d’archéologues de l’Inrap mobilisées sur deux sites voisins de la périphérie de Béziers ont mis au jour un site du Néolithique ainsi qu’un établissement rural gallo-romain, dont l’activité agricole est documentée par la fouille d’un puits.

Dernière modification
26 janvier 2023

Conduites sur prescription de l’État (Drac Occitanie), à l’occasion du projet d’aménagement de la zone d’activité économique de Mazeran, ces fouilles font suite à quatre diagnostics, réalisés par le service archéologique municipal de Béziers dans l’emprise de la ZAE, et complètent les interventions menées par l’Inrap sur la ZAC voisine de Mazeran-Garissou et sur le tracé de l’A75. Deux secteurs ont été étudiés : le site « Mazeran 7 » s’étendant sur 1,2 ha sur le flanc d’une ancienne terrasse alluviale qui domine le bassin d’un ruisseau intermittent, et celui « Mazeran 5 » qui lui fait face.
 

Aire d’activité agricole et habitat néolithiques

Bien que les structures en élévation et les sols ne soient pas conservés et que seuls les aménagements souterrains subsistent, les vestiges découverts sur le site « Mazeran 5 » sont datés de plusieurs périodes du Néolithique. Un groupe de creusements de plan circulaire se rattache au Néolithique moyen (4500-3600 av. J.-C.). Il correspond à une petite batterie de silos dont les parties supérieures ont été détruites par l’érosion et les labours. Peu de vestiges ont été découverts dans ces fosses et il est probable que cette zone, dédiée au stockage des céréales, ne se trouvait pas à proximité directe de l’habitat de la communauté paysanne qui a exploité ces terrains il y a 6 000 ans. L’un des silos a servi de lieu d’inhumation pour un individu masculin, une pratique récurrente à cette époque. Un autre a livré une petite lame de faucille en silex importé du Vaucluse qui a servi à couper des tiges de céréales.

Grandes caves du Néolithique final en cours de fouille à Béziers (Hérault), 2022.
Grandes caves du Néolithique final en cours de fouille à Béziers (Hérault), 2022.
© Vincent Lauras, Globdrone, Inrap

Des creusements de taille plus importante et riches en objets archéologiques appartiennent à une phase plus récente du Néolithique (3500-2500 av. J.-C.). Il s’agit de resserres et de grandes caves de stockage dont la surface peut dépasser les 20 m² et dont la profondeur devait être supérieure à 1,5 m. Au fond d'une petite resserre de 3,5 m², des bûches calcinées correspondent probablement aux restes effondrés d'une superstructure construite en bois et en terre crue. Une grande cave contenait de nombreux blocs de terre crue correspondant à des éléments d’architecture en position secondaire.

Le mobilier récolté dans le comblement des caves évoque les témoins habituellement découverts en contexte d’habitat : restes de céramique, faune domestique (bovins, caprins), éléments de macro-outillage liés au traitement des céréales. L’abondance des meules et molettes témoigne de l’importante activité de mouture réalisée sur le site qui avait une vocation agricole.

Meule et molette provenant de matériel de mouture néolithique découverts à Béziers (Hérault), 2022.L’abondance des meules et molettes témoigne de l’importante activité de mouture réalisée sur le site qui avait une vocation agricole.
Meule et molette provenant de matériel de mouture néolithique découverts à Béziers (Hérault), 2022.
L’abondance des meules et molettes témoigne de l’importante activité de mouture réalisée sur le site qui avait une vocation agricole.
© Romain Marsac, Inrap


Le secteur « Mazeran 7 » a également livré des vestiges du Néolithique, malgré, là encore, le mauvais état de conservation des vestiges dû à l’érosion, aux remembrements et aux sous-solages profonds qui caractérisent ce versant du talweg. De petites concentrations de fosses et d’excavations plus vastes et polylobées du Néolithique final ont été observées dans ce secteur. Des foyers et des rejets de mobiliers (matériel de mouture en particulier) y sont concentrés.

Un site d’exploitation agricole et des ensembles de plantations arbustives (vignes et verger) des Ier–IIIe siècles apr. J.-C.

Vers le changement d’ère, le terroir déjà amendé depuis la fin de l’âge du Fer est remis en valeur. Des plants de vignes s’y accumulent et un verger y est entretenu (l’étude est en cours pour identifier les essences). La présence d’un premier habitat en matériaux périssables est envisagée (adobes et pains de terre crue en quantité). Dans le courant du Ier s. apr. J.-C. de nouvelles constructions, plus amples et à vocation agricole, sont établies. Elles sont entretenues tout au long des IIe et IIIe siècles et gardent leur vocation utilitaire.

Une activité viticole documentée par la fouille d’un puits–dépotoir

Dans la cour centrale de cet établissement, un puits a été mis au jour. La cellule d’intervention sur les structures archéologiques profondes (Cisap) de l’Inrap en a réalisé la fouille manuelle sécurisée. Le cuvelage bâti s’enfonce sur une profondeur de près de 18 mètres, ménageant un conduit interne d’un peu plus d’un mètre de diamètre. Le fond en cuvette est taillé dans la roche marneuse imperméable. À la base du remplissage ont été découverts les débris de petites lattes de bois associées à des ferrures, évoquant un seau qui a pu servir au puisage.

Utilisé comme dépotoir après son abandon, le puits recueille matériaux de démolition et éléments issus de l’occupation de surface. Ainsi les comblements extraits et systématiquement tamisés et leur mobilier documentent les activités agropastorales locales. Les nombreux tessons de dolium corroborent notamment la vocation vinicole de l’établissement. Un fond complet de ce type de contenant, noirci par le feu, atteste un réemploi comme structure foyère. Des fragments de meules en basalte d’Orvieto permettent de restituer un moulin à sang (à force animale). Enfin, d’importantes séries d’ossements animaux interrogent sur l’entretien du cheptel dans ce secteur périurbain.

Aménagement : Via Terra
Contrôle scientifique : Denis Guilbeau, Service régional de l’archéologie (Drac Occitanie)
Recherche archéologique : Inrap
Directeur adjoint scientifique et technique : Hervé Petitot, Inrap
Responsables scientifiques :  Muriel Gandelin, Sarah Laurent (pour la Cisap), Hervé Pomarèdes