Vous êtes ici
1 place Paul Claudel, théâtre national de l'Odéon
A Paris, cette opération a été motivée par un vaste projet de réaménagement et de rénovation du théâtre de l'Odéon.
Le site se trouve à la périphérie occidentale de Lutèce, à 400 m à l'ouest du cardo de la rue Saint-Jacques. Il se situe par ailleurs à 250 m au nord-ouest du forum et à 150 m au sud-ouest du théâtre antique.
Les fouilles précédentes effectuées aux alentours ont montré que cette partie de la ville gallo-romaine était un quartier modeste, sans doute à vocation artisanale. Mais ce qui fait la particularité de ce secteur, c'est la centaine de puits mise au jour, en particulier dans les années 1970 et 1980. La plupart sont très riches en mobilier et ont été interprétés, à l'époque de leur découverte, comme des creusements rituels ou votifs.
L'intervention, portant sur 370 m2, a permis de recueillir de nouvelles données sur l'occupation antique de ce quartier de Lutèce et de réunir un volume très important de mobilier. Un ensemble de cinquante-trois creusements a été mis au jour, il comprend des puits, des fosses dépotoirs, des latrines, un cellier, une cave aux murs récupérés, sans doute des fosses de stockage et une fosse d'extraction de sable. Ces structures sont attestées dès le début du Ier siècle, mais le plus grand nombre a été installé entre le milieu du Ier et le milieu du IIe siècle. La quantité de creusement par période décroît ensuite progressivement jusqu'au IVe siècle où leur nombre est très limité.
L'opération a principalement contribué à enrichir le corpus des puits antiques « dits du Sénat ». Vingt-cinq structures de ce type ont été fouillées. Toutefois, pour des raisons de sécurité, le fond n'a été atteint que dans seulement huit cas. Par ailleurs, tous les puits situés sous la scène avaient été tronqués d'environ 1 m par la construction du théâtre en 1781-1782.
La profondeur des creusements est comprise entre 2 m et plus de 5,70 m. L'aménagement de surface, destiné à empêcher l'effondrement des sédiments encaissants superficiels, est de deux types. Il est soit constitué d'une maçonnerie (quadrangulaire ou circulaire) soit d'un cuvelage en bois (également quadrangulaire ou circulaire). Les creusements dans la marne calcaire sont la plupart du temps de plan circulaire (diamètre moyen : 1,20 m), rarement quadrangulaire. Le profil est le plus souvent vertical, exceptionnellement en entonnoir. Les remplissages sont de nature détritique, mais pas toujours d'aspect organique. Les tassements sont systématiques à l'intérieur des comblements. Ce phénomène, parfois difficile à aborder en surface, peut conduire à des différences de datation importantes entre les remplissages d'un même puits.
Les analyses paléoparasitologiques et micromorphologiques ont démontré de façon certaine la présence de matière fécale dans les remplissages organiques étudiés. Néanmoins, en raison du caractère hétérogène des comblements, les puits apparaissent plus comme des dépotoirs ayant servi à certains moments de fosses d'aisances que comme de véritables latrines. Par ailleurs, malgré les contraintes que cela suppose en termes de fouille, observer le fond des puits est indispensable à l'étude de ce type de structure, ne serait-ce que pour exclure ou valider l'hypothèse de puits à eau.
Au vue de la densité des creusements, il nous semble peu plausible qu'ils aient été réalisés dans l'unique intention de servir de fosses de rejet. Le nombre élevé de puits repérés dans ce quartier de Lutèce supposerait que leur installation obéit à un véritable programme d'urbanisme, chargé de régler le problème des déchets à l'échelle de la ville entière. Cette hypothèse est tout de même difficile à envisager car il semble plus simple d'évacuer les immondices hors de l'agglomération que de creuser une centaine de puits pour les enfouir. Qu'il s'agisse de citerne, de puits à eau, ou plus probablement de fosses d'extraction de marne, il n'est toujours pas possible de déterminer la fonction primaire de ces puits.
Seuls quelques vestiges de construction ont été découverts : deux murs et un alignement de trous de poteau. Ces derniers s'apparentent plus à des cloisons subdivisant ou limitant les espaces ouverts (dont les sols sont attestés) qu'à des murs porteurs. Toutefois, il est difficile de conclure à l'absence totale de bâtiments sur le site. En effet, certaines zones bien délimitées et vides de creusement, pourraient correspondre à des emprises de constructions en matériaux légers.
Un autre apport de cette opération à la connaissance de Lutèce est la mise en évidence d'une voie oblique traversant ce quartier périphérique. En effet, l'orientation des structures à partir du milieu du Ier et jusqu'au IIIe siècle ne coïncide pas avec la trame orthonormée de la ville. Les vestiges de l'Odéon pourraient être alignés sur un axe non repéré, bien que déjà supposé dans certaines restitutions de Lutèce. Il s'agirait du prolongement de la voie antique située rue de Vaugirard, en ligne droite, en direction du théâtre romain de la rue Racine.
Grâce au mobilier contenu dans les remplissages des structures, la fouille du théâtre de l'Odéon permet d'affiner notre vision de ce quartier périphérique du nord-est de la ville. Il s'agirait d'un secteur artisanal où sont pratiquées des activités exclues du centre-ville, boucherie de boeuf au Ier siècle, élevage de porc aux Ier - IIe siècles, et travail de la forge dans la seconde moitié du IIe et dans la seconde moitié du IIIe siècle. Des activités occasionnelles ont aussi été relevées comme la pelleterie ou la tabletterie. Enfin, l'existence d'ateliers de verrier est probable dans ce secteur, mais seuls quelques fragments de parois de fours ont été trouvés.
Enfin, pour ce qui de la période moderne, un vaste ensemble de vestiges a été mis au jour à l'aplomb de la scène. Il s'agit de maçonneries parfaitement homogènes, formant trois couloirs parallèles taillés dans la marne et desservis par des escaliers disposés en vis à vis. Ces substructions, placées à égales distances les unes des autres, ont pour axe de symétrie l'axe longitudinal du théâtre. Elles appartiennent très probablement au premier état architectural de l'édifice et abritaient vraisemblablement des éléments de machineries.