Pour célébrer la fin de la première tranche de travaux relative au ré-aménagement des Portes Mordelaises, la Ville de Rennes organise une inauguration festive et populaire le samedi 12 mars. Retour sur 10 ans de fouilles programmées sur ce site en amont de sa mise en valeur.

Dernière modification
22 juillet 2022


Une étude archéologique des Portes Mordelaises a été réalisée en amont du projet de mise en valeur du site, dans le cadre d’une convention tripartite entre la Ville de Rennes, la Drac Bretagne et l'Inrap. Débutées en 2012, les recherches se sont achevées début 2022. Elles ont mêlé des fouilles au sol (fossés et boulevard d’artillerie) et des études d’élévation (châtelet, enceinte, ouvrage avancé). Dirigée par deux archéologues de l’Inrap spécialistes du bâti, l’opération a aussi servi de chantier-école pour des étudiants des universités de Rennes et de Nantes. Les résultats, qui devraient faire l’objet d’une publication en 2024, permettent de restituer l’histoire de cette partie des remparts, du IIIe siècle apr. J.-C jusqu’à nos jours.

Portes mordelaises 1
Proposition de restitution des Portes Mordelaises dans la seconde moitié du XVe siècle.
© Jean.-Baptiste. Barreau, Yann. Bernard, CNPAO


La première enceinte...et son évolution au Moyen Âge

Situées au nord-ouest de la ville, les Portes Mordelaises prennent appui sur le tracé de l’enceinte du Bas-Empire, édifiée à la fin du IIIe siècle et dont les fondations sont encore visibles par endroits. La muraille antique était bordée par un imposant fossé (douve) large de 7 mètres environ, lui-même doublé d’un second fossé plus modeste devant l’entrée supposée. Celle-ci était positionnée sur le decumanus, voie romaine traversant la ville d’est en ouest, conduisant à la Grande Porte à l’est du castrum. L’évolution du site au haut Moyen Âge n’a laissé que peu de vestiges. Les deux fossés sont comblés progressivement à partir de l’Antiquité tardive (Ve-VIe siècle) et durant l’époque mérovingienne, pour finir par disparaître du paysage.

Les fondations de la muraille antique (fouille 2013).
Les fondations de la muraille antique (fouille 2013).
© Elen Cadiou, Inrap


Au XIIe siècle, une nouvelle rue, désaxée par rapport au decumanus, est aménagée. De part et d’autre, les archéologues ont décelé une douzaine de poteaux, des Xe-XIIe siècles, qui forment un premier ouvrage avancé. Il s’agissait probablement de deux tours carrées, de 4,50 mètres de côté, encadrant la rue en avant d’une porte mentionnée en 1035 sous le nom de Mauricellinam Portam.


La reconstruction du XVe siècle

À la fin du XIIIe siècle, l’enceinte est en travaux. Les baies géminées (baie divisée en deux par un trumeau ou une colonnette) de la courtine ouest en témoignent : elles appartiennent à la maison des templiers qui s’y adossait. L’entrée de la ville se caractérise alors par une simple porte dans la muraille, protégée par une tour unique, la tour ouest, et un ouvrage avancé, la barbacane, attribuée aux XIIIe-XIVe siècles. Il en reste les deux murs situés de part et d’autre du pont-levis.
Après de nombreuses réparations, l’entrée est intégralement reconstruite. Le châtelet actuel est alors édifié, entre 1446 et 1451. Il est doublé dès 1464-1468 d’un boulevard d’artillerie, comportant trois niveaux de tirs, qui remplace l’ancienne barbacane. Un fossé de 21 mètres de large, en partie en eau, ceinture l’ensemble. D’abord à vocation défensive, le châtelet sert aussi de résidence au lieutenant du capitaine de la ville. Une partie de l’hôtel de Trélo, à l’arrière de la tour ouest, est alors annexée. D’autres bâtiments sont construits au niveau du boulevard (cuisines, étables).
 


Un châtelet déclassé aux XVIe-XVIIe siècles

La fortification fait l’objet d’un entretien régulier jusque dans le courant du XVIe siècle, avant d’être progressivement abandonnée. À partir des XVIe-XVIIe siècles, les fossés ne sont plus entretenus et s’envasent ; le châtelet et son boulevard sont peu à peu déclassés. Dès les années 1720, certaines parcelles sont vendues à des particuliers. Deux immeubles à pans de bois sont alors construits au niveau du boulevard et le châtelet est radicalement métamorphosé pour devenir un immeuble de rapport (divisé en petits appartements locatifs) : à l’intérieur des tours, les anciennes voûtes sont détruites pour pouvoir insérer des étages supplémentaires, des ouvertures sont créées, l’espace est cloisonné et la charpente modifiée. Cette phase de travaux pourrait avoir un lien avec le grand incendie de 1721 et le besoin de reloger les sinistrés. Des analyses de dendrochronologie (étude des cernes de bois, Dendrotech) datent les structures en bois de 1722 à 1727. Ces transformations ont malgré tout permis de conserver la fortification. La destruction des immeubles du boulevard à la fin du XXe siècle a conduit à la redécouverte du châtelet.

Intervention archéologique aux Portes Mordelaises

La fouille programmée menée par l’Inrap aux Portes Mordelaises en amont de sa mise en valeur, dans le cadre d’une convention tripartite Ville de Rennes / Drac Bretagne / Inrap s’est déroulée en 9 campagnes successives, sous la direction d’Elen Cadiou, responsable de recherches archéologiques, spécialiste du bâti :

- 2012 : étude du fossé nord

- 2013 : étude exhaustive du bâti (courtines, châtelet, boulevard d’artillerie) et poursuite de la fouille du fossé

- 2014 : fouille du boulevard d’artillerie en deux sondages mécaniques

- 2015 : poursuite de la fouille dans le boulevard d’artillerie

- 2016 : achèvement de la fouille dans le boulevard d’artillerie

- 2017 : fouille du fossé sud (16 rue Nantaise et square Hyacinthe Lorette) et démarrage de l’étude documentaire

- 2018 : étude du rempart sud (square Hyacinthe Lorette)

- 2019 : fouille de la contrescarpe après dépose du pont-levis

- 2020 : étude du rempart sud au nord de la tour Duchesne

Elle a été complétée de diagnostics préventifs :

- 2017 : cour à l’arrière de la courtine, 3 rue de Juillet

- 2020 et 2022 : diagnostic en 3 temps sur la plateforme du boulevard au niveau de la rue des Portes Mordelaises (janvier 2020) ; sondage au pied de la tour ouest (novembre 2020) ; étude du parement extérieur sud du boulevard après démolition du magasin Toto Soldes (février/mars 2022).

Les résultats, qui devraient faire l’objet d’une publication en 2024, permettent de restituer l’histoire de cette partie des remparts, du IIIe siècle ap. J.-C jusqu’à nos jours.
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