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35, rue de Sarrebourg
A Bourges, Cher, l'opération archéologique est liée à la construction d'une résidence immobilière sur une parcelle en lanière accusant un dénivelé prononcé dans le centre-ville de Bourges.
Le terrain fouillé est situé dans un secteur de la ville où de nombreuses interventions archéologiques ont été réalisées depuis plusieurs années. Ainsi, la parcelle mitoyenne à celle fouillée en 2004 a fait l'objet d'une opération archéologique de l'Afan en 1997, sous la direction d'A. Luberne.
À cette occasion, les vestiges d'un quartier résidentiel antique, composé d'une domus et bordé de voiries, ont été fouillés et une portion d'un cimetière médiéval a été mise au jour. Elle comportait le mur de clôture nord et de nombreuses sépultures dont six inhumations correspondaient à des sépultures multiples recueillant entre deux et six individus. En raison des découvertes des vestiges antiques et médiévaux lors de l'opération de 1997, il était important de fouiller cette nouvelle parcelle afin de compléter les données scientifiques recueillies à l'époque. Les problématiques pour l'Antiquité ont été axées essentiellement autour de l'évolution de l'occupation résidentielle et de son organisation avec les systèmes de voiries. Pour la période médiévale, il convenait de mieux appréhender les pratiques funéraires, de confirmer la présence de sépultures multiples et de préciser leur datation et la raison éventuelle du décès des individus (faits de guerre, épidémies).
La première période chronologique représentée sur le site correspond à la Protohistoire. En effet, à différents endroits du site, des structures de La Tène ancienne ont été identifiées dont un petit fond de cabane de forme rectangulaire. Des vestiges similaires ont été mis au jour en 1984 lors de la fouille de la place Malus située à quelques centaines de mètres plus à l'est. La seconde période se rapporte au Haut Empire et rassemble la majeure partie des structures du site. Cinq à six phases semblent être représentées au sein de cette période (étude en cours). Dans une première phase, une voirie antique bordée de fossés, de trottoirs et de bâtiments en front de rue semble intervenir dès le milieu du Ier s. Sur un secteur un peu plus éloigné, un complexe balnéaire privé (baignoires, pièce chauffée et réseau hydraulique) a été mis au jour pour ce début d'urbanisation du site. Dans une deuxième phase, le complexe balnéaire est détruit, les pièces sont comblées par un apport important de remblais et laisse place dans une troisième phase à de petits bâtiments légers, construits sur sablières basses et solins. Dans cette même phase, les tas de graviers retrouvés pourraient correspondre aux indices d'un chantier de construction, mais la voirie principale semble toujours en fonction. Les deux phases suivantes correspondent à une reprise de la construction de bâtiments en pierres à vocation résidentielle avec par endroits des reprises de murs importantes sur des maçonneries anciennes (courant du IIe s.). Enfin, la dernière phase d'occupation se rapporte à la destruction du dernier état du bâtiment et survient dans le courant du IIIe s. Les unités d'habitation de cette dernière phase n'ont livré aucun mobilier relevant de la vie quotidienne et semblent révéler ainsi que l'abandon des bâtiments n'est pas le fruit d'un événement brutal, mais résulte plus certainement d'un départ programmé (déménagement, nettoyage des pièces) avant que ceux-ci ne soient cédés à des récupérateurs de matériaux. Pour cette dernière phase, le quartier semble donc être déserté. La voirie principale est toujours en fonction et rechargée régulièrement durant toute l'Antiquité et peut-être une partie du Moyen Âge. Cependant, les fossés et les trottoirs d'origine sont abandonnés au détriment de fossés plus importants et plus profonds. Les périodes du haut Moyen Âge et du Moyen Âge classique, tout comme celle du Bas Empire correspondent à un abandon complet de la quasi-totalité de la parcelle et notamment à l'emplacement des anciens bâtiments gallo-romains. En effet, aucune récupération de matériaux ne semble être réalisée après le IIIe s. et aucune structure postérieure ne vient recreuser les vestiges de la dernière phase d'occupation antique. Seule l'ancienne voirie antique est peut-être encore en utilisation. Cet état de fait suggère une mise en culture ou un abandon de la parcelle car aucune perturbation n'a été décelée. Cette situation, peu courante dans les centres-villes urbains, nous a permis de retrouver directement sous le décapage le plan intégral du dernier état de bâtiments antiques avec ses sols, les seuils de porte et les ruelles internes à l'îlot résidentiel disparu. Au bas Moyen Âge, l'actuelle place des Marronniers accueille un espace funéraire dont la frange nord se retrouve sur la parcelle fouillée par l'Inrap en 2004. Cette aire funéraire correspond à une petite partie du « Grand cimetière de la ville, public et général » connu également sous le nom de cimetière de Saint-Martin-des-Champs ou cimetière des Pauvres. Les sources archivistiques indiquent qu'il a fonctionné entre le XIIe et le XVIe s. L'espace funéraire est situé à l'emplacement de l'ancienne voirie antique et entraîne ainsi un déplacement vers le nord de l'axe de circulation. Comme en 1997, des inhumations liées à une crise de surmortalité ont été mises au jour (quatre sépultures doubles et une triple) et semblent se concentrer le long du mur de clôture nord du cimetière. Un arbre stratigraphique permet de comprendre l'installation des sépultures et des individus au sein même de la sépulture. Des analyses de paléobiochimie moléculaire sont envisagées afin de déterminer la nature des épidémies dans le cadre d'un programme dirigée par D. Castex/UMR 5809 du CNRS, à Bordeaux. En outre, les monnaies mises au jour dans le comblement des tombes ainsi que les analyses radiocarbones devraient permettre d'affiner la datation et peut-être de caractériser l'événement (peste noire de 1348 ?). Les moyens engagés et les méthodes utilisées, en particulier dès la phase de terrain, relancent les recherches sur la gestion des crises à forte mortalité en milieu urbain. Cette problématique fait référence à l'étude des fosses dites de catastrophe du cimetière moderne (XVIIe-XVIIIe s.) d'Issoudun (Indre) où 206 corps avaient été alors placés dans 14 fosses.