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Aimargues, de la villa antique au bourg médiéval
Le site de Missignac, villa des Ve-XIIIe siècles, a été identifié en 1995 grâce aux mentions d’archives et à la découverte de ses greniers.
La villa médiévale est un type d’habitat méconnu des historiens et encore peu documenté en Languedoc par l’archéologie. La fouille, menée sur près de 2 hectares par une équipe de 15 à 45 archéologues, a mis au jour et décrypté, huit mois et demi durant, l’imbrication des vestiges de l’église, d’environ 80 maisons, du cimetière (850 défunts) et de 450 fosses à grain de la vaste aire d’ensilage. Outre la caractérisation des formes de l’habitat, de l’économie du site sur son terroir, de sa population et de sa culture, l’objectif de l’intervention était d’éclairer les étapes intermédiaires entre la fin de la villa antique et la naissance du bourg castral.
Mutation de l’habitat entre l’Antiquité et le Moyen Âge
La découverte de fossés du parcellaire protohistorique et antique indique que le terroir de Missignac est occupé dès l’âge du Fer. À partir du Ier siècle de notre ère, il est structuré et exploité dans le cadre d’un domaine dont la villa est hors de l’emprise de fouille, vers l’ouest. Son existence est restituable par la présence, dans le fossé qui la clôt, des poubelles de ses occupants. Sur les deux zones de fouille, c’est une partie de son terroir qui est mis au jour : contre l’enclos de la villa se trouvent les petites parcelles réservées au bétail pour le pacage de proximité, la traite et la tonte, au-delà se développent une grande vigne et plus loin encore des prairies et des champs cultivés.
Au Ve siècle, la villa antique n’est plus le seul lieu de résidence des exploitants. Une partie d’entre eux s’installe dans son voisinage, sur l’ancienne parcelle de vigne puis au-delà. Six de ces exploitations agricoles ont été identifiées. La première remonte à la seconde moitié du Ve siècle et se trouve au sud. Les autres, plus récentes, s’installent au nord-ouest d’abord puis au nord-est, manifestement le long d’un chemin en dehors des limites de fouille.
De ces premières installations, comme de la plupart des suivantes, il ne reste que les aménagements les plus profonds, c’est-à-dire les caves des maisons qui en sont dotées, la fosse des vides sanitaires sous des planchers qui ont disparu, les sols décaissés des étables, les puits, les silos et quelques-uns des fossés de drainage. Le nombre des bâtiments était plus important que celui observé et le plan complet du site n’est pas connu. Néanmoins, on observe l’agglomération lâche des constructions qui sont groupées sur des parcelles dont l’orientation diffère selon les quartiers. Les bâtiments sont associés à des réserves : des caves surtout jusqu’au VIIe ou IXe siècle et des silos préférentiellement ensuite. Des cours et des jardins s’inséraient dans le paysage bâti tandis qu’au-delà les enclos à bétail de l’ouest perdurent et d’autres petites pièces de terre voient le jour au sud-ouest.
Genèse et évolution du village
À la fin du VIIe siècle, on assiste au développement d’un espace funéraire puis, au IXe siècle, à la densification de l’habitat. Les deux phénomènes semblent débuter au nord, le long d’une route régionale. Les sépultures gagnent progressivement le sud par petits groupes associés aux fermes plus nombreuses. Les espaces de cour et de jardin se réduisent, ce qui conduit à installer les fosses de stockage des récoltes céréalières à l’extérieur du village, sur l’ancien quartier d’habitation occidental. Elles sont des centaines, réparties en groupes séparés par des chemins, et associées à des aires de déchargement, de séchage et probablement encore de dépiquage des grains.
Dans le courant du Xe siècle, une église est bâtie sur le site. La fondation de son chevet plat et le four de fonte de sa cloche ont été retrouvés en place. Dès lors, les tombes et les maisons se concentrent autour de l’édifice. La densification qui se poursuit jusqu’au début du XIIe siècle donne au village un autre aspect ; centré autour de son clocher. Le dynamisme démographique et sans doute économique aidant, l’église est agrandie, peut-être alors dédiée à Saint-Gilles (sancti Egidii, vocable qui peut-être le sien dès l’origine) et dotée d’une nouvelle cloche.
Dans le courant de la seconde moitié du XIIe siècle, le bâti redevient progressivement clairsemé : les habitants quittent le village, qui est qualifié de «vieux» dès 1202 (villa sancti Egiddi veteris) ; il est alors abandonné. Sa cloche est assez rapidement récupérée et la façade de l’église démembrée, mais l’on continue d’inhumer devant celle-ci jusqu’au début de XIIIe siècle, de même que quelques silos restent en service sur l’aire de stockage. Le secteur redevient agricole vers 1225 ; on y cultive le blé au XIVe siècle.
Manières de vivre et d’habiter
Le cadre de vie des habitants de Saint-Gilles de Missignac transparaît au travers des vestiges de leur habitat et du mobilier retrouvé soit en remploi dans les constructions soit dans quelques silos qui ont servi de dépotoir après leur abandon. Les maisons sont principalement bâties en terre, parfois dès la fondation. Elles sont constituées d’un rez-de-chaussée sans doute surmonté d’un étage servant de fenil ou de grenier. La couverture devait être le plus souvent faite de végétaux : des chaumes, dont l’approvisionnement est facilité par la proximité des étangs. Toutefois quelques bâtisses possèdent un soubassement de pierre et une toiture en tuiles. Certaines maisons n’ont qu’une seule pièce. La plupart en ont deux. Plus de trois est exceptionnel ; dans ce cas, une pièce a pu servir d’étable.
Abondant et très varié au Ve siècle, le mobilier domestique devient beaucoup plus rare et plus uniforme ensuite. On retrouve surtout les pots globulaires servant de cruches et de marmites, en céramique grise, parfois ornés de petites incisions. Il est possible que la plus grande partie de la vaisselle ait été en bois.
L’outillage mis au jour est principalement agricole et dans une moindre mesure artisanal. Outre une quantité de poids de tissage et deux faucilles, un grand nombre de maies et de meules à grain a été exhumé. Quelques monnaies et objets provenant ou non de la région montrent que les villageois participaient directement ou indirectement à des échanges sur de grande distance.
Leurs conditions de vie ont cependant été difficiles : l’étude des squelettes montre qu’un nombre non négligeable des habitants a été exposé à la malnutrition ou a souffert de maladie infectieuse. Néanmoins, les Missignacais ont vécu assez âgés, n’étant pas rares à dépasser quatre-vingts ans.