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Au coeur du sanctuaire gaulois de Saint-Just
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec François Malrain, chargé de recherche à l'Inrap.
Longtemps restés invisibles aux archéologues, les sanctuaires gaulois n’ont été découverts qu'il y a une trentaine d’années. L’un d’entre eux, situé dans l'Oise, vient de faire l'objet d'un chantier de fouilles archéologiques.
Entre Beauvais et Compiègne, au sommet d’un plateau surplombant la plaine de Saint-Just-en-Chaussée (Oise) les gaulois ont édifié à partir du IVe siècle avant notre ère un étonnant sanctuaire, afin d’honorer leurs dieux.
Des offrandes exposées
Au sein du sanctuaire, des crânes de bœufs et des carcasses de chevaux ont été exposés puis jetés souvent dans des fossés. Ainsi, dans un fossé, figuraient 48 crânes de bovins, très altérés suite à une longue exposition aux intempéries. Dans un autre fossé, des vases et des quartiers de viande composent une véritable mise en scène. Les armes sont aussi très présentes. Parmi elles, des boucliers et leurs umbos (pièce centrale du bouclier), des casques, voire des épées. La pièce la plus exceptionnelle est une armure en fer, datée des années 60 à 30 avant notre ère. Tout ce mobilier, brisé, tordu ou martelé, pour mieux les désacraliser, devait, au préalable, constituer de véritables trophées.
Des individus inhumés accroupis auraient-ils été sacrifiés ?
Plusieurs tombes humaines sont présentes dans le sanctuaire : curieusement, les individus ont été inhumés en position assise, Nombre d’ossements présentent des traces de coups de chauffe, de découpe mais aussi des traces de charognards. Des traces sur les crânes d’une fosse évoquent l’ouverture de la boîte crânienne et le prélèvement de la face, qui ne sont pas sans rappeler les textes de Diodore de Sicile et Strabon. Si les individus inhumés sont probablement des gaulois, qui sont ceux dont les ossements ont été mutilés et poly-fracturés ? Peut-être des romains, victimes de quelques épisodes violents de la guerre des Gaules, des armes romaines ayant été retrouvées au sein du sanctuaire.
Matériel retrouvé sur la site (casque et protections d'avant-bras) / milieu : restes d'animaux (chien et mouton) / Restes humains d'individus inhumés assis.
- © T. Bouclet / F. Malrain / E. Pinard / Inrap
Des fosses à banquets
Un des éléments capitaux de ce sanctuaire sont d’étranges banquettes creusées qui pourraient attester la présence de banquets. Deux fosses, longues d’environ 5 m, profondes de 20 cm, délimitent un espace central qui forme une table d’environ 1, 25 m de large. Une telle pratique était encore attestée lors des banquets de noces dans la Bretagne, au cours du début du XXe siècle. Des analyses des marqueurs chimiques des sédiments en disent plus long : quantités de vin, rouge et blanc, ont été déversées dans ces fosses de banquets.
Plan du site / Fosses à banquet (avec coupe) et photo d'une noce en Bretagne dans une fosse à banquet / bas : plaques d’armure dans le fossé.
- © F. Malrain / Inrap
Plusieurs divinités honorées ?
La cartographie des vestiges et des pratiques rituelles qui sont liées aux divinités, met en lumière la structuration générale du site, fondée sur une sectorisation des activités, notamment les pratiques d’exposition puis d’enfouissement des restes (animaux, armes voire hommes sacrifiés). Les archéologues perçoivent ainsi, la coexistence de rituels différenciés très probablement attachés à plusieurs entités divines, hypothèse déjà émise pour le sanctuaire autrichien de Roseldorf-Sandberg.
Pour aller plus loin
- Pages de François Malrain : sur le site du laboratoire Trajectoires (CNRS), sur le site Babelio (publications) et sur le site Academia/Inrap (articles) et sur le site Cairn.info.
- À lire, un article sur le sanctuaire gaulois de Saint-Just-en-Chaussée (Oise) (site de l'Inrap).
- Un autre article, "C'est quoi ces découvertes surprenantes sous un quartier résidentiel de l'Oise ?", décembre 2022 (site ActuOise).
- Page de présentation de l'ouvrage "RA7-L'habitat rural du second âge du fer" co-rédigé par François Malrain, Geertui Blancquaert et Thierry Lorho (site des éditions du CNRS, 2013).
- Page de présentation de l'ouvrage "Qui étaient les gaulois ?" co-dirigé par François Malrain et Matthieu Poux (site des éditions La Martinière, 2011).
- Page des différentes publications de François Malrain (site de la librairie en ligne Decitre.fr).