Géoarchéologue à l’Inrap et membre de l’UMR 7194 Histoire Naturelle de l'Homme Préhistorique, Xavier Boës décrit ses recherches sur les milieux désertiques du Rift est-africain et sur le site de Lomekwi (Kenya), dont la datation à 3,3 Ma (Pliocène), questionne l’émergence du genre humain.

Dernière modification
27 novembre 2024

Vous travaillez sur les plus anciens sites archéologiques d’Afrique en étudiant les interactions des premiers hominines tailleurs de pierre avec leur milieu. Qui porte ce projet ?

Xavier Boës : Le projet s’appelle GASPA : Géoarchéologie des plus anciens sites préhistoriques d’Afrique. Depuis 2016, l’Inrap est partenaire de la fouille du plus ancien site archéologique actuellement connu, Lomekwi, qui date de 3,3 millions d’années (ce site est 500 000 ans plus ancien que tout ce qui a été découvert jusqu’à présent). L’Inrap est en train de signer une convention avec la Mission Préhistorique au Kenya, dirigée par Sonia Harmand, chercheuse du CNRS. Sur le terrain, cela représente une équipe d’une cinquantaine de personnes, dont cinq scientifiques seniors et beaucoup d’étudiants, dont des étudiants en thèse et en master.

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Site archéologique de Lomekwi 3 en cours de fouille en 2017 (Ouest du Turkana, Kenya).

© West Turkana Archaeological Project 



Où se place le site de Lomekwi par rapport aux premiers sites archéologiques connus ? En quoi se rattache-t-il à l’humanité et à l’archéologie ?

Xavier Boës : Avant nos découvertes sur le site de Lomekwi, qui remonte donc au Pliocène (de – 5,3 à – 2,6 millions d'années), aucun site archéologique n’était plus ancien que le Quaternaire (de 2,58 millions d'années à aujourd’hui), c’est-à-dire l’ère de l’Homme. La région autour de Lomekwi compte d’autres sites « recordmen » pour ce qui concerne les cultures matérielles lithiques les plus anciennes.  A 10 km au nord de Lomekwi, Lokalalei est le plus ancien site oldowayen du Kenya. Daté à 2,3 millions d’années, Lokalalei est juste derrière le site oldowayen de Gona en Ethiopie qui est lui daté à 2,6 millions d’années. Kokiselei est ensuite le plus ancien site acheuléen connu ; daté à 1,76 millions d’années, ce site se trouve à moins de 20 km au nord de Lomekwi.

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Xavier Boes (géologue à l’INRAP, en haut au centre) et Sonia Harmand (directrice de la MPK, en bas à gauche) lors de la prospection de sites archéologiques côtiers oldowayens.

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Xavier Boës INRAP

Le site de Lomekwi est recordman, par son âge et par son industrie lithique, définie pour la première fois dans l’article publié dans Nature auquel l’Inrap est associé. Il est difficile de trouver des sites archéologiques aussi anciens et une fois trouvés, les industries et les environnements sont difficiles à interpréter, puisque personne n’a travaillé sur des contextes si anciens à part notre équipe. Au niveau lithique, c’est exceptionnel puisque que ce sont les premières formes de culture matérielle : on devient humain à partir du moment où l’on est capable de penser avec des schémas complexes de fabrication d’outils. Un paléoanthropologue pourra être en désaccord avec cette définition de l’humain, parce qu’il va considérer avant tout les critères de l’anthropologie physique, comme la bipédie, la forme et la fonction de la main, ou encore la capacité crânienne, mais pour l’archéologue, l’humain se définit essentiellement par sa culture matérielle, c’est-à-dire sa capacité à penser.

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Collines à Lomekwi et couches sédimentaires accumulées en strates parallèles datées de 3,3 à 3,2 millions d’années (Ouest du Turkana, Kenya).

© Xavier Boes, Inrap ; projet PAS GASPA ; West Turkana Archaeological Project 


Quel type d’industrie lithique ? Cela ressemble-t-il à nos bifaces ? Qui les a fabriqués ?

Xavier Boës : Cela ne ressemble pas du tout à des bifaces. Premièrement, C’est une industrie beaucoup plus grosse que ce que l’on a l’habitude de voir.  Deuxièmement, ce n’est pas le genre Homo qui aurait produit ces outils, mais un autre genre qui s’appelle Kenyanthropus platyops. Les restes fossiles de cet hominine sont trouvés à peu de distance du site de Lomekwi, dans le même intervalle sédimentaire. Aucun reste d’Homo n’a été trouvé avant 2,8 Ma ; la découverte de Lomekwi bouleverse donc notre conception de ce qui est pré-humain et humain.

Votre partie concerne l’environnement. En quoi complète-t-elle cette découverte d’industrie lithique ?

Xavier Boës : Le schéma que nous avons tous appris à l’école, au lycée ou à l’université explique l’apparition du genre humain par une adaptabilité à un nouvel environnement apparu suite à un changement climatique : les glaciations du début de l’ère quaternaire, il y a environ 2,6 millions d’années. L’Afrique de l’Est devient alors plus aride, le paysage s’ouvre et les forêts tropicales sont remplacées par la savane. Les premiers humains se seraient développés dans ces savanes et auraient dû s’adapter à de nouvelles ressources pour survivre, sous l’effet d’un « stress hydrique » sur la flore et la faune lors des périodes glaciaires (climat froid et sec). La théorie classique explique ainsi l’apparition, du genre humain par la sélection naturelle face à ce stress environnemental et au changement de ressources alimentaires auquel les autres Hominines ne se seraient pas adaptés. Or, nous trouvons à Lomekwi, quelque chose qui ressemble déjà à de l’humain il y a 3,3 millions d’années avant notre ère. L’idée selon laquelle l’humain serait apparu en réponse aux variations du climat quaternaire n’est donc peut-être pas si vraie. Dans notre étude, nous montrons que ces sites anciens ne sont pas aussi désertiques aux périodes antérieures et qu’on y trouve énormément de ressources aquatiques et notamment de la faune d’eau douce.


Vous avez trouvé des fossiles de faune d’eau douce à Lomekwi ?

Xavier Boës : La rivière Omo se déverse dans le rift au niveau du lac Turkana où se trouve Lomekwi. L’Omo amène énormément d’eau, mais l’eau du lac Turkana est salée, parce que toute l’eau qui arrive de l’Omo est pratiquement évaporée. Le bassin du lac Turkana forme une cuvette dans le rift, une sorte de désert topographique où il fait plus de 30 degrés de températures. L’humidité atmosphérique à l’ouest et l’humidité océanique de la mousson à l’est sont bloquées par la barrière du rift. Ainsi, quand on voit ce terrain, on pense qu’il est aride. J’avais remarqué qu’il y avait des fossiles de mollusques d’eau douce et d’Euthecodon, un crocodile d’eau douce qui apparaissait à différentes époques. Aujourd’hui la région héberge le plus grand lac salé au monde, le lac Turkana, sans faune d’eau douce, au bord duquel des populations nomades survivent dans des conditions difficiles. Je me suis donc demandé pourquoi, dans de telles conditions, des Hominines se seraient établis là et s’y seraient développés mieux qu’ailleurs.

C’est quand j’ai vu cette faune d’eau douce dans les sédiments que j’ai compris que dans les périodes de temps reculées sur lesquelles je travaille, la rivière Omo ne se contentait pas de s’arrêter dans le bassin du Turkana, mais continuait sa course, sortait du bassin et allait jusqu’à l’Océan Indien. Il y avait de l’eau courante, le niveau du lac était beaucoup plus haut et certains sites archéologiques devaient ressembler à des oasis. Ce n’était pas le cas tout le temps, mais dans des séquences chronologiques bien précises que j’étudie entre 4,2 millions et 0,8 million d’années, celles où l’on trouve des sites archéologiques et des Hominines. Il ne m’a d’ailleurs jamais semblé très logique que l’homme soit apparu dans des conditions de stress environnemental, quand tous les voyants sont au rouge. Selon moi, la faune et la biodiversité vont mieux dans le rift quand tous les voyants sont au vert. D’autant plus qu’un site archéologique est souvent un site de taille, lequel nécessite que « l’homme » se soit installé dans un environnement stable et favorable. Tout cela semble donc plus cohérent et nous montrons que même si nous trouvons aujourd’hui ces fossiles dans le désert, même s’il y faisait 30 degrés, il y avait de l’eau douce, favorisant une occupation en bordure du lac où l’on avait accès à beaucoup plus de ressources qu’aujourd’hui. Cela ne remet pas en question le travail des paléontologues sur la faune adaptée aux conditions arides du rift, mais il y avait aussi ces ressources aquatiques qui bouleversent notre schéma classique de compréhension du rôle du climat sur l’apparition du genre humain.

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Fossile de mammifère terrestre (Ouest du Turkana, Kenya).

© Xavier Boes, Inrap ; projet PAS GASPA; West Turkana Archaeological Project 


Le climat et l’environnement étaient-ils donc favorables dans le rift ?

Xavier Boës : Selon moi, la zone du rift est une zone climatiquement stable à l’intérieur de ses barrières de 1 000 à 2 000 mètres de dénivelé. Les flux atmosphériques sont bloqués à l’ouest et à l’est et il n’y a que très peu d’eau de pluie qui rentre dans cette cuvette au climat aride en raison des conditions topographiques. Les données de température sur 4 millions d’années montrent qu’il y fait 32 degrés en moyenne. Or, si le milieu est stable du point de vue des précipitations et des températures, il ne l’est pas du point de vue de l’apport d’eau des rivières. C’est un creux et quand il y a énormément de précipitations sur les hauts plateaux, il se forme des rivières provenant des régions climatiques extérieures au rift.

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Collines à Lomekwi et couches sédimentaires fluviatiles accumulées en strates parallèles datées de 3,3 à 3,1 millions d’années (Ouest du Turkana, Kenya).

© Xavier Boes, Inrap ; projet PAS GASPA; West Turkana Archaeological Project 

Ces rivières alimentent des lacs qui, au lieu d’être isolés dans le rift, vont déborder les uns dans les autres et se connecter entre eux, en cascade. Quand ce réseau hydrographique se forme, il y a tellement d’eau que le volume du lac Turkana est le double, voire le triple de l’actuel. Le lac Turkana, qui est associé à plusieurs sites archéologiques, peut alors monter de 100 mètres, ce qui est énorme. Actuellement, le lac Turkana est à 360 mètres d’altitude, mais on sait qu’il y a 8 000 ans par exemple, il était à 460 mètres. Un lac d’eau salé est un lac qui a un bassin fermé où l’eau s’évapore et où les sels se concentrent de plus en plus. Ce n’est donc pas un milieu propice à l’installation humaine, mais quand le niveau du lac monte et que l’eau trouve un exutoire, c’est-à-dire un chemin de sortie, c’est alors qu’il devient un lac d’eau douce propice à l’installation humaine. Notre approche prend en compte l’eau qui vient d’en dehors du rift, qui change son hydrologie, mais pas son climat qui reste stable.

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Le géoarchéologue X. Boës (INRAP) étudiant les sédiments sur le site de Kokiselei 6 dans la Formation de Nachukui (Ouest du Turkana, Kenya).

© Xavier Boes, Inrap ; projet PAS GASPA ; West Turkana Archaeological Project 


Quelles sont les particularités géologiques du rift Est-Africain ? Qu’impliquent-elles dans le travail des archéologues ?

Xavier Boës : Ce sont de grandes étendues de sédiments que le géoarchéologue aborde un peu comme si il était un chirurgien travaillant sur un écorché. Ici, on a la chance de voir des sédiments vieux de plusieurs millions d’années avec des fossiles et potentiellement des restes d’Hominines associés à des sites archéologiques très anciens. On voit tout, on peut suivre les couches géologiques sur des kilomètres, observer les affleurements et les strates sur les collines. C’est un jeu pour le géoarchéologue qui suit ces strates qui sont comme une sorte de machine à remonter le temps. Si je descends dans les strates, je remonte dans le temps, et inversement. C’est un travail de stratigraphie que l’on fait en France dans une grotte ou sur un site de plein air, mais à l’échelle de quelques dizaines ou milliers de m2, alors qu’ici le travail s’étend sur 300 km.

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Collines à Lomekwi et couches sédimentaires accumulées en strates parallèles datées de 3,5 à 3,3 millions d’années ; les bandes de sédiments clairs correspondent à des retombées volcaniques (Ouest du Turkana, Kenya).

© Xavier Boes, Inrap ; projet PAS GASPA ; West Turkana Archaeological Project 

En France, les couches archéologiques et sédimentaires, sont généralement datées par la poterie ou par le lithique, comme à Pech Merle ou sur des sites de Dordogne où l’on trouve une très grande densité d’éclats. Sur le site acheuléen de Kokiselei, il y a encore un certain nombre d’éclats et d’outils laissés sur place. Par contre, à Lomekwi, nous travaillons sur des périodes tellement anciennes, qu’il y a une très faible densité de vestiges archéologiques. Nous pouvons passer une saison de fouilles entière à ne trouver qu’un seul éclat ou un seul outil et cela non pas à cause de mauvaises conditions de préservation, mais parce qu’il y avait peu d’Hominines. En outre, le sédiment archéologique est tellement ancien qu’il s’est durci comme de la roche. Les fouilleurs se servent d’un burin et d’un marteau car le sédiment est dur « comme du béton ».

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Décapage de surface réalisé par des fouilleurs kenyans dans la région de Lomekwi (Ouest du Turkana, Kenya).

© Xavier Boes, Inrap ; projet PAS GASPA ; West Turkana Archaeological Project 


Dans de telles conditions, est-il possible de dire que le début de la Préhistoire remonte bien à 3,3 Ma avec Lomekwi ?

Xavier Boës : Notre chance est qu’il y ait des retombées volcaniques régulières et bien espacées dans les strates géologiques. Dans le bassin du Turkana, ces retombées sont étudiées depuis 30 ans et datées par des méthodes physiques radiométriques. Tout le jeu pour le géoarchéologue consiste à étudier la position des sites par rapport à ces affleurements volcaniques (selon qu’ils sont au-dessous ou au-dessus d’un site archéologique). Quand on a trouvé le site de Lomekwi 3, il y avait une équipe américaine de géologues qui travaillait avec nous. Pour dater le site, ils sont allés un kilomètre au nord du site, parce qu’ils savaient qu’il y avait là une retombée volcanique datée à 3,4 millions d’années. Je suis allé, moi, vers le sud et à 400 mètres du site j’ai découvert un affleurement avec une retombée volcanique datée à 3,3 millions d’années qui n’était pas encore répertoriée. C’est de cette manière que le site de Lomekwi 3 a pu être daté à 3,3 millions d’années, car cette retombée se trouve stratigraphiquement juste en dessous du site. Quand nous partons en prospection, moi et mon collègue topographe Vincent Arrighi (INRAP), équipé de sa station totale, nous allons ainsi mesurer les épaisseurs des couches qui séparent les sites archéologiques des couches volcaniques datées, ce qui permet de dater les découvertes archéologiques et paléoanthropologiques.



En quoi consistent vos recherches ?

Xavier Boës : Mon métier comporte plusieurs facettes. Il y a un aspect de recherche scientifique pure en géoarchéologie qui touche à l’environnement, au paléoclimat et au contexte dans lequel ont vécu les premiers humains. Je peux travailler à l’échelle d’un site ou à l’échelle extra-site, ou encore à l’échelle inter-sites parce que toute la géologie est accessible sur des kilomètres. Ainsi, je peux comprendre comment était l’environnement à 3,3 millions d’années quand ont émergé les premiers outils connus et faire un bond dans le temps à 2,3 millions d’années pour voir comment était l’environnement quand une autre forme de culture matérielle est apparue et comparer ces environnements. Sur le terrain, mes connaissances scientifiques doivent être aussi utiles à l’équipe. Elles doivent aider les archéologues à faire leurs recherches. J’interviens en guidant les prospections ; 80 % des environnements sont des environnements fluviatiles à lacustres, c’est-à-dire sous l’eau. Il y a très peu d’intervalles terrestres, d’où l’importance de savoir où ils sont et de bien les cibler en prospection archéologique. Par exemple, si nous cherchons un site archéologique plus ancien que Lomekwi 3, nous passons du temps dans les environnements situés en-dessous des couches géologiques datées à 3,3 millions d’années sans perdre notre temps dans ce qui est du lacustre. Nous allons chercher des sédiments terrestres, comme par exemple des plages.

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Vincent Arrighi (INRAP) en train de faire des relevés topographiques sur le site oldowayen de Nasura dans la Formation de Nachukui (Ouest du Turkana, Kenya).

© Xavier Boes, Inrap ; projet PAS GASPA ; West Turkana Archaeological Project 


 

Comment identifiez-vous les environnements des sites ?

Xavier Boës : En prospection nous trouvons la plupart du temps des terrains argileux. Comment s’est déposée cette argile ? Elle s’est déposée dans un milieu calme, en l’occurrence un lac, et dans cette argile, nous trouvons de la faune et de la flore aquatique, comme des diatomées, des ostracodes, des ossements de poisson… Et quand, continuant la prospection, nous voyons du sédiment un peu plus grossier qui se forme, cela signifie que nous approchons d’espaces plus terrestres. Quand le lac augmentait en taille, il gagnait sur les espaces terrestres. Si c’est l’inverse, si le lac se retire, l’espace terrestre va gagner sur le lac. Quand, par exemple, les sites sont recouverts par plusieurs mètres de gravier, cela signifie que le terrestre a gagné sur le lac. C’est toujours le jeu de voir si c’est le lac qui a gagné sur le terrestre ou si c’est le terrestre qui a gagné sur le lac. Souvent, les sites archéologiques sont retrouvés sur d’anciens niveaux de plage qui sont maintenant à dix kilomètres de la plage actuelle. Quand je me place avec les étudiants sur le site de Lomekwi, je leur montre le lac qui se trouve à dix kilomètres et je leur dis : « Là, vous marchez sur une ancienne plage ». Les Hominines vivaient au bord de la plage et à ce moment-là c’était un lac d’eau douce, un paysage et des ressources complètement différentes de l’actuel.

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Collines à Lomekwi et couches sédimentaires fluviatiles accumulées en strates parallèles datées de 3,2 millions d’années ; au centre S. Lokorodi (WTAP, à gauche) et S. Clément (INRAP, à droite) (Ouest du Turkana, Kenya).

© Xavier Boes, Inrap ; projet PAS GASPA; West Turkana Archaeological Project 



Les sites que vous étudiez sont-ils menacés par les aménagements ?

Xavier Boës : Nous avons un permis de fouiller qui nous est donné par le musée national du Kenya. Si nos interventions ne sont pas considérées comme des fouilles de sauvetage, notre zone classée patrimoine de l’Unesco, est néanmoins menacée. L’activité économique y est en pleine expansion. À moins de 500 mètres du site de Lomekwi, il y a un banc rocheux qui intéresse l’industrie minière qui a commencé de s’y installer. Des pétroliers sont également venus avec des engins à chenilles. Il commence à y avoir des antennes de téléphonie et des routes. Le site kenyan de Nariokotome, où l’on a trouvé en 1984 le Nariokotome boy, le squelette le plus complet connu d’Homo ergaster erectus, l’un de nos ancêtres directs, commence aussi à être en danger parce qu’il y a une mission catholique et une cimenterie qui menacent les couches géologiques. Le Kenya est en train de changer à une vitesse folle et le cadre de l’archéologie préventive va devoir se poser pour ces nouveaux aménagements qui menacent directement ce patrimoine de l’humanité. Aujourd’hui, une middle class est en train de se créer et la recherche se développe, si bien que si l’on se projette dans 50 ans, les destructions actuelles pourront sembler impensables. L’Inrap se doit d’être présent aujourd’hui et de jouer ce rôle précurseur d’une archéologie à venir pour aider le Kenya à se doter d’un cadre de protection de son patrimoine archéologique.

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 Vue aérienne des infrastructures du Turkana Basin Institute-TBI à Turkwel (Ouest du Turkana, Kenya).

© Turkana Basin Institute