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Au sud de Provins, des occupations de l'âge du Bronze au Moyen Âge
Durant l'été 2014 une fouille archéologique, portant sur 3,4 hectares, a été réalisée par l'Inrap sur prescription de l'État (Drac Île-de-France) dans le cadre de l'exploitation d'une nouvelle carrière par l'entreprise Sablières du Port Montain à Hermé (Seine-et-Marne, sud de Provins).
Des vestiges, parmi lesquels, des enclos funéraires, des sépultures, des bâtiments sur poteaux plantés et des puits, ont été mis au jour dans cette vaste plaine alluviale et agricole, ponctuée de bosquets forestiers et d'une multitude d'anciens chenaux de la Seine.
Ils sont le marqueur d'une occupation discontinue mais récurrente de la vallée de la Bassée, des premières installations humaines, au cours de l'âge du Bronze (vers 1320 avant notre ère), jusqu'à l'abandon du site, à la fin du premier Moyen Âge (courant du XIe siècle). Découverte inédite dans ce secteur géographique, quatre fours de potiers carolingiens datés du IXe siècle.
Des occupations protohistoriques et gallo-romaines
Les vestiges d'au moins deux bâtiments à architecture sur poteaux plantés, de puits et de fosses ont été identifiés. Le plus grand des bâtiments de l'âge du Bronze couvre une superficie d'environ 160 m² (14 m de longueur pour 12 m de large). Un système de double enclos témoigne probablement d'un habitat, de type ferme enclose, qui semble se développer dans le bois voisin, vers l'ouest. L'occupation gallo-romaine (Ier-IIe siècle de notre ère) est révélée par un ensemble de fossés, de bâtiments sur poteaux, de fosses et de quelques sépultures : ils témoignent d'une occupation rurale de type agropastorale.
Les fouilles ont révélé une nécropole, datée de la fin de l'âge du Bronze (1320 à 775 avant notre ère) ou du début de l'âge du Fer (775-525 avant notre ère). Elle se compose de six enclos funéraires circulaires (vestiges de tumuli arasés) et d'une incinération, localisés dans un secteur séparé du reste des vestiges. Une sépulture assise, datant du 2nd âge du Fer (400-200 avant notre ère), a également été découverte.
Un cimetière médiéval
Cette occupation débute au VIe siècle et trouve son apogée à la période carolingienne (IXe- Xe siècle de notre ère) où elle livre le plus grand nombre de vestiges. Elle perdure jusqu'à l'abandon du site au XIe siècle, au moment de la création des habitats groupés et des villages autour des églises. L'habitat médiéval semble structuré en espaces distincts. La zone d'habitation se trouve surtout au sud de la fouille avec des ensembles de maisons sur poteaux plantés, très vraisemblablement alignées en bordure d'une limite peu perceptible. Cet espace est clos par une palissade de poteaux plantés et semble se développer au sud, hors de l'emprise de fouille. À l'est de cette zone, se développe une aire plus spécifiquement dédiée aux silos, aux fosses dépotoirs, aux puits, aux fours et aux foyers domestiques. Ces vestiges participent à la compréhension de la vie quotidienne de la population agropastorale implantée sur ce terroir grâce à l'étude des restes céramiques et archéozoologiques.
47 inhumations, dont la majorité date de la période médiévale, ont été découvertes sur l'ensemble de l'emprise. Une zone d'inhumation se concentre dans la partie nord de la fouille le long d'un chemin matérialisé par un fossé bordier, proche du bois conservé. Parmi cet ensemble de sépultures, trois témoignent de l'inhumation habillée mérovingienne. Ces tombes contenaient des scramasaxes (des épées), des couteaux, des perles et des garnitures de ceinture (plaques-boucles, contre-plaques et plaques dorsales) damasquinées avec décor. Les scramasaxes et les couteaux portent des traces de bois fossilisés sur leurs manches. Un couteau présente même des vestiges de tissus (de laine probablement) bien conservés.
L'artisanat carolingien (Xe siècle) : poterie et métallurgie
Le site a livré une découverte inattendue : quatre fours de potiers, témoins d'une activité artisanale autour de la céramique. Trois fours se rapprochent des modèles assez bien connus pour cette période. Le quatrième est plus exceptionnel de par ses dimensions et son architecture. Il présente une chambre de cuisson excavée de plan ovale, à parois construites (moellons jointoyés d'argile et parois lutées d'argile). À l'autre extrémité, l'étroite fosse de travail (accès et vidange des cendres) se trouve dans la prolongation de l'alandier (couloir de chauffe situé entre la chambre et la fosse, à l'entrée duquel est placé le foyer). Ce four est remarquable par son architecture : il présente une longue languette centrale séparant la chambre en deux carneaux (couloir de diffusion de la chaleur), avec des empreintes d'embouchures de vases. Celles-ci indiquent que la sole du four (surface sur laquelle est placée les céramiques à cuire) est une architecture mixte de céramiques et de probables tuiles. Le dôme (ou voute du four) est quant à lui probablement construit en terre.
Les riches vestiges de céramique, découverts en rejet de ces fours, vont permettre de mieux connaître cette période : les premières observations de terrain témoignent de formes connues de céramiques de type oules, cruches ou pichets mais également de céramiques de grandes formes ouvertes (type jatte) ; certaines sont mal connues et d'autres sont même inédites. L'étude de ces ensembles permettra de faire la liaison entre les productions de tradition champenoise et celles de tradition francilienne et peut-être même de poser des jalons pour affiner la typo-chronologie des céramiques entre la fin du VIIIe siècle et la fin du Xe siècle. Une autre activité artisanale, la métallurgie, a, par ailleurs, été identifiée sur le site. Plusieurs ateliers complémentaires, visiblement orientés davantage vers la production primaire de fer plutôt que la fabrication d'objet en forge ont ainsi été découverts.
L'aspect périodique mais récurrent des occupations humaines à travers les siècles sera la ligne principale des recherches réalisées par l'Inrap à partir des données recueillies durant la fouille. Ainsi, l'étude de l'architecture du four et de son fonctionnement, et l'analyse des céramiques carolingiennes constituera un axe de recherche important afin d'apporter un nouvel éclairage sur les productions céramiques du Xe siècle dans la vallée de la Bassée. L'activité métallurgique fera l'objet de recherches poussées.
Il sera aussi intéressant d'approfondir l'étude des rituels funéraires pratiqués de la fin de l'âge du Bronze au XIe siècle à travers les vestiges des tumuli, l'incinération et les inhumations des différentes époques.