Blois : de l'abbaye médiévale Saint-Laumer à l'Hôtel-Dieu (Loir-et-Cher)

 Suivez les découvertes au jour le jour dans le carnet Hypothèses
 

Le bâtiment occidental du cloître de l’ancienne abbaye de Saint-Laumer fera l’objet d’une étude archéologique du bâti. L’objectif est de recueillir des informations sur les différents états de l’édifice qui abritait le cellier et les greniers, et d’en définir la chronologie et les transformations. Ces recherches documentent également la formation du tissu urbain et la fortification de ce secteur de Blois à la fin du XIII^e siècle.

Plan de l’abbaye de Saint-Laumer de Blois, 1658.

© Archives nationales

De l’Antiquité au haut Moyen Âge

Dans les jardins de l’Hôtel-Dieu, les premières traces d’occupation remontent au I^er siècle après J.-C. sous la forme de bâtiments maçonnés. Au cœur de l’agglomération antique, les archéologues ont mis au jour des traces d’une occupation domestique, artisanale et commerciale en lien avec la Loire (I^er et II^e siècles ap. J.-C). Entre le III^e et le X^e siècle, la rareté des vestiges témoigne d’une baisse d’activité dans ce quartier. La découverte de plusieurs sarcophages (VII^e-VIII^e siècle ap. J.-C.) dans le cloître de l’Hôtel-Dieu (diagnostic de 2022) indiquent un usage funéraire de cet espace, qui pourrait expliquer la faible activité humaine détectée au haut Moyen Âge.

Sarcophage des VII^e-VIII^e siècle découvert dans le cloître de l’Hôtel-Dieu de Blois, 2022.

© Thomas Pouyet, Inrap

La fondation de l’abbaye Saint-Laumer

L’abbaye Saint-Laumer est fondée en 924 par des moines bénédictins en provenance de Saint-Calais et de Corbion qui étaient réfugiés au sein du castrum de Blois. Ils s’installent en dehors de la ville à l’ouest, sur des terres appartenant au roi Raoul qui incluent une église dédiée à Saint-Lubin. Cette première église fut utilisée comme abbatiale par la communauté monastique jusqu’à la construction d’un nouvel édifice de culte au XI^e siècle, d’après une chronique ancienne. Suite à un incendie, une nouvelle église dédiée à Saint-Laumer fut reconstruite à partir de 1138. À cette période, l’abbaye se trouvait toujours hors de la ville qui s’étendait à l’est, jusqu’à un mur d’enceinte appelé le « mur le Comte ».

Projet de réhabilitation de l’ancien Hôtel-Dieu de Blois : localisation des fouilles et des vestiges archéologiques découverts lors des diagnostics préalables. D’après les données issues du Projet Collectif de Recherches « Blois : ville et territoire ligérien depuis les premières installations humaines à nos jours » par Didier Josset et al. 

© Inrap

Les vestiges de l’abbaye bénédictine

L’aile ouest du cloître contient les vestiges en élévation les plus anciens de l’abbaye. Le bâtiment abritait un cellier, surmonté d’une pièce voûtée qu’on suppose être un grenier, dont la construction remonte au moins au XIII^e siècle. Plus au sud, une salle était somptueusement ornée d’un décor sculpté et de peintures murales qui ont été découverts lors du diagnostic archéologique préalable.

Étage de l’aile ouest du cloître de Saint-Laumer de Blois, 2022. Vestiges de peintures murales du XIII^e siècle.

© Amaëlle Marzais et Thomas Pouyet, Inrap

Au dernier étage de l’aile, la présence de créneaux et d’archères témoigne de l’agrandissement de l’enceinte urbaine qui eut lieu à partir des XIII^e-XIV^e siècles. À cette occasion, un chemin de ronde fut aménagé au sommet du grenier monastique, afin que les gardes de la ville puissent circuler tout au long du système défensif. La fouille des jardins permettra notamment de documenter les transformations du site liées à ces fortifications.

Salle basse dans l’aile ouest du cloître de Saint-Laumer de Blois, 2022. Les voûtes et le décor sculpté de cette salle remonteraient au XIII^e siècle.

© Nicolas Holzem, Inrap

Des guerres de religions aux transformations des Mauristes

À partir de 1568, les destructions engendrées par les guerres de Religion semblent avoir été très importantes à l’abbaye de Saint-Laumer. Dans l’angle sud-ouest de l’enclos de l’abbaye, les échevins de la ville de Blois firent construire un bastion défensif surplombant la Loire, qui ne sera détruit qu’au XIX^e siècle. D’importants travaux furent menés au début du XVII^e siècle, puis surtout à partir de 1660 où l’abbaye rejoignit la congrégation dite de Saint-Maur. Dès son installation, la nouvelle communauté agrandit l’abbaye et transforma radicalement l’organisation du monastère. Les espaces extérieurs situés à l’est et au sud furent aménagés de jardins et de structures hydrauliques, comme un vivier à poisson du XVIII^e siècle découvert lors du diagnostic préalable.

Vivier du XVIII^e siècle mis au jour dans les jardins de l’Hôtel-Dieu de Blois, 2022. Le vivier est constitué de deux bassins équipés d’un système d’alimentation en eau et de vidange.

© Jessie Duval, Inrap

Le temps de l’Hôtel-Dieu

À la Révolution française, les derniers moines quittent les lieux et l’abbaye est transformée peu après en Hôtel-Dieu militaire, puis civil. Au milieu du XIX^e siècle, la dernière grande campagne de travaux donne au site son apparence actuelle. Elle concerne essentiellement la cour sud du complexe avec la destruction de la terrasse, son agrandissement vers la Loire et la pose des grilles actuellement en place. L’ancienne abbatiale de Saint-Laumer devient une église paroissiale, aujourd’hui appelée église Saint-Nicolas.

 

L’Hôtel-Dieu et ses abords, plan dressé en 1891 par A. Dufresné.

© Archives municipales de Blois

Les fouilles menées sur l’Hôtel-Dieu de Blois sont une occasion exceptionnelle de documenter les transformations de ce quartier situé en bordure de Loire et occupé depuis l’Antiquité. Les diagnostics archéologiques préalables ont dévoilé la richesse insoupçonnée des vestiges de l’abbaye médiévale et moderne de Saint-Laumer ainsi que des fortifications de l’enceinte de ville. La fouille préventive menée par l’Inrap au sein des jardins et des bâtiments de l’Hôtel-Dieu va permettre de restituer ce pan méconnu de l’histoire de Blois.