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Chemin aux Errants (zone C)
La fouille a été menée sur 8 hectares à Val-de-Reuil, à proximité de Rouen.
Les plus anciens vestiges mis au jour remontent à la fin de l'âge du Bronze ou au début de l'âge du Fer. Il s'agit d'un habitat « ouvert », matérialisé par la présence de fours, de fosses et de bâtiments en bois et en terre. Établi en rebord de la basse terrasse de l'Eure, il s'intègre dans le contexte d'une occupation relativement dense que la boucle du Vaudreuil a connu depuis le Néolithique.
Genèse des occupations
Petit à petit, un réseau de fossés orthogonaux délimitant des parcelles de tailles variées se met en place à la fin du second âge du Fer. Il est probable que ce parcellaire soit associé à un habitat situé en-dehors de l'emprise, car aucun indice d'occupation domestique ne se signale dans l'espace fouillé. Ce n'est qu'à la fin de l'époque gauloise qu'une occupation continue se met en place au sein et en périphérie de l'emprise de fouille. Elle sera utilisée pendant les dix premiers siècles de notre ère (Antiquité et haut Moyen Âge).
La villa gallo-romaine
Installés au coeur des aménagements fossoyés gaulois, les vestiges antiques semblent a priori appartenir à un complexe résidentiel de type villa entièrement clos de murs. Ils s'articulent essentiellement autour d'un bâtiment d'habitation en forme de U tourné vers l'est, auquel s'ajoutent plusieurs bâtiments secondaires, de fonctions diverses et pour la plupart disposés à l'intérieur d'une vaste cour de près de 15 600 m² se développant à l'arrière de la résidence. Les données recueillies indiquent que la construction de l'ensemble a commencé à la fin du Ier siècle de notre ère et s'est poursuivie pendant une bonne partie du IIe siècle. Toutefois, quelques autres aménagements, dont un petit bâtiment isolé pourvu d'une cave, s'avèrent plus anciens (Ier siècle), mettant en évidence au moins deux grandes phases bâties durant le Haut-Empire.
Le bâtiment résidentiel, d'environ 2 000 m2 au sol, ouvre à l'est sur un grand bassin de façade (38 m de long pour 5,20 m de large) et à l'ouest sur une cour (jardin ?) dont la limite échappe à l'emprise de fouille. Le logis se compose de six pièces principales (dont deux chauffées, dans la partie sud) desservies par des couloirs. Deux longues galeries latérales sont dotées chacune d'un pavillon à leur extrémité. Malheureusement incomplet, le pavillon nord est pourvu d'un aménagement de chauffage par hypocauste et semble correspondre à un balnéaire.
L'architecture intérieure de ce bâtiment et la fonction de certaines pièces, telles les salles chauffées, ont amené à réviser l'interprétation originale du site, qui avait été initialement considéré comme un sanctuaire.
Les matériaux et leur mise en oeuvre dans les maçonneries (petit appareil de moellons calcaires liés au mortier de chaux) traduisent une certaine qualité architecturale que confirment les quelques éléments en pierre retrouvés, malheureusement dispersés et fragmentaires, ainsi que le mobilier exhumé (vaisselle et accessoires en bronze). Par ailleurs, malgré une récupération très importante des maçonneries au cours du Bas-Empire puis du haut Moyen Âge, les niveaux de démolition et de rejets ont fourni des indices intéressants pour caractériser les aménagements intérieurs (ameublements, enduits peints, placages calcaires ou de marbre).
À l'arrière du complexe principal, plusieurs constructions sont disposées de part et d'autre de grande cour entourée de murs. Les deux plus proches de la résidence semblent destinées, pour la plus petite, au logement du personnel et, pour l'autre, au stockage des produits agricoles (grange ?). Une autre petite construction, beaucoup plus modeste, est installée un peu plus loin ; la présence d'une cave dotée d'un escalier extérieur permet d'y voir une annexe réservée au stockage des denrées. Enfin, un bâtiment isolé, situé dans la partie nord-ouest de la grande cour, apparaît comme un second balnéaire.
Dans le fond de cette cour occidentale, partiellement ouverte sur la vallée de l'Eure, un important creusement de type canal, relié à l'Eure, évoque la mise en valeur d'un jardin « aquatique » plutôt qu'une voie navigable. En effet, si sa largeur atteint presque 6 m, il est peu profond (0,80 m). Ceci n'exclut pas la possibilité d'activités piscicoles, ou d'un moulin, combinant ainsi deux vocations : ostentatoire et utilitaire.
À l'extérieur de l'enceinte, au sud, deux autres bâtiments complètent le riche corpus du bâti antique. L'un est une construction rectangulaire de 240 m², subdivisée en deux nefs par quatre piliers massifs, tandis que le dernier, nettement isolé au sud, apparaît comme un grand bâtiment (1 160 m²) à portiques et de plan en U, ouvrant vers l'ouest (écurie ?).
De l'habitat mérovingien au parcellaire médiéval
Démantelé entre le IIIe et le IVe siècle, l'ensemble bâti cède la place à un habitat léger, dont les rejets sont toutefois importants, y compris sur le plan artisanal (boucherie, tabletterie). Si le site ne semble connaître qu'une simple fréquentation entre le Ve siècle et le milieu du VIe, l'occupation se développe sensiblement aux VIIe et VIIIe siècles. L'habitat mérovingien présente alors les caractéristiques d'un petit hameau installé autour de ruines antiques. De nombreuses constructions en bois et torchis s'associent à plusieurs dizaines de petites annexes et remises excavées (« fonds de cabane »). Des fours, des silos à grains et plusieurs puits à eau complètent les vestiges de cet habitat qui perdure jusqu'au Xe siècle sans changement notable, excepté un léger déplacement vers le sud-est.
À partir de la fin du VIIe siècle, un cimetière s'installe autour d'un ancien bâtiment antique, tout près de l'habitat mérovingien. Il comprend plus de 230 sépultures d'adultes et d'enfants, inhumés pour la plupart sur le dos et orientés est-ouest, dans des coffrages en bois, voire, pour une dizaine d'entre eux, dans des sarcophages en plâtre. Les tombes sont en général dépourvues de mobilier d'accompagnement, ce qui rend leur datation exacte délicate. Néanmoins des analyses au radiocarbone (C14) effectuées sur les ossements apporteront sans doute plus de précision.
Après quelques siècles de latence, la mise en place d'un parcellaire médiéval, plusieurs fois remanié, sur une partie de l'emprise, constitue le dernier fait archéologique marquant du site. Quelques indices permettent de situer son utilisation durant les XIIIe et XIVe siècles. La forme en lanières de ce réseau fossoyé trouve un écho dans le parcellaire qui existait dans tout ce secteur de la vallée de l'Eure avant l'urbanisation liée au développement de la ville nouvelle de Val-de-Reuil et à l'exploitation de nombreuses carrières de granulats.