Vous êtes ici
Découverte d’un site du Paléolithique moyen à Fameck (Moselle)
Dans le cadre de l’aménagement de logements à Fameck, l'Inrap fouille pour la première fois une occupation du Paléolithique moyen (et du Pléistocène) en Moselle, 40 ans après la fouille de Chavelot dans les Vosges. La fouille apporte de nouveaux éléments pour évaluer la place de cette région dans les peuplements européens.Â
Une halte de chasse ponctuelle des néandertaliens ?
La parcelle se situe au sein des formations de plateau séparant la Moselle et son affluent la Fensch. Les premières hypothèses de travail s'orientent vers une attribution du niveau archéologique au début de la dernière glaciation, entre 110 000 et 70 000 ans. Elles se fondent sur le toit d’un remplissage alluvial, qui pourrait être celui de la Fensch ou de la Moselle, atteint lors d’un sondage profond. D’après les travaux géomorphologiques récents sur la Moselle (S. Cordier), il s’agirait d’une terrasse ancienne dont le remplissage initial daterait de l’interglaciaire éemien, entre 120 et 110 000 ans. Si tel était le cas, la séquence archéo-sédimentaire de Fameck appartiendrait donc à la dernière glaciation weichselienne, après 110 000 ans. Les séquences limoneuses qui surmontent les niveaux alluviaux ne sont pas directement comparables aux séquences loessiques de référence du nord de la France, mais la présence d’une industrie du Paléolithique moyen fixe une limite terminale autour de 35 000 ans. Enfin, une industrie laminaire évoque les productions antérieures à 70 000 ans. Des analyses ultérieures devraient permettre d’affiner cet âge : lames minces, datation directe des sédiments (OSL), du mobilier chauffé (Thermoluminescence) et d'une mandibule de cheval (ESR).
« Carte des sites » : principaux sites stratifiés du Paléolithique moyen autour de Fameck.
© F. Blaser, Inrap.
Stratigraphie.
© H-G. Naton, GéoArchÉon
Mandibule de cheval trouvée au diagnostic (Inrap, A. Pracht-Mendel, fin 2022).
© Axel Pracht-Mendel, Inrap
Le niveau archéologique comprend du mobilier lithique réparti de façon lâche avec une densité d’une pièce pour 2,5 m². Aucune structuration de type amas n’a été identifiée, mais des différences spatiales ressortent. À l’ouest, les vestiges sont absents en raison d’une troncature importante des niveaux (ravine), tandis qu’à l’est ils sont rares. Dans la partie centrale, des concentrations d’objets plus ou moins lâches sont perceptibles, plutôt dans des positions topographiques hautes. Elles se poursuivent au sud après une rupture topographique importante, sur ce qui pourrait être une paléoberge.
Plan de répartition des vestiges et modèle numérique de terrain (MNT) du fond de décapage.
© F. Blaser, Inrap.
L’excellent état de conservation du mobilier tend à indiquer l'absence ou un nombre faible de remaniements. Des remontages peuvent préciser si des activités de taille ponctuelles ont eu lieu et assurer de la contemporanéité de certaines zones. Les nombreux outils retouchés sont vraisemblablement utilisés sur le site pour transformer des matériaux que l’étude tracéologique tentera de déterminer. Le corpus lithique montre des approvisionnements en matériaux diversifiés essentiellement locaux, comme le quartz, le quartzite et la chaille utilisés dans des proportions équivalentes. Ces matériaux locaux sont introduits sur le site sous forme de nucléus déjà préparés d’où quelques éclats sont extraits.
a) outil en quartz, b) outil en quartzite, c) outil en chaille, d) outil en silex, e) éclat Levallois en silex, f) silex, remontage d’une lamelle et de son nucléus sur éclat.
© S. Diemer, Inrap.
Différents types de silex de provenance plus éloignée sont introduits en proportions moindres, autour de 10% de la série, et essentiellement sous forme de produits finis. Les modes de production lithique évoquent en partie ceux connus dans le nord de la France lors du début de la dernière glaciation : des débitages Levallois récurrents, discoïdes et laminaires sont ainsi identifiés. Une composante lamellaire sur éclat constitue une originalité déjà observée dans quelques sites de cette période comme à Seclin dans le département du Nord ou à Étouteville en Seine-Maritime. En l’absence de structuration évidente, les analyses spatiales par catégorie d’objet peuvent indiquer des zones d’activités au sein du site, en complément des analyses techniques et tracéologiques.
Outil en silex.
© F. Blaser, Inrap
Vue d’ensemble de la concentration n°4.
© S. Diemer et M. De Oliveira, Inrap
Vue de détail de la concentration n°4.
© F. Blaser, Inrap
Apports de la fouille de Fameck
La fouille du site de Fameck participe à la définition d’un cadre chrono-stratigraphique, environnemental et culturel pour les occupations paléolithiques de Lorraine. Elle sert ainsi à interpréter les nombreuses séries récoltées en prospection. La diversité des matières premières et des modes de production permet d’interroger les territoires néandertaliens, et les notions de complémentarité technique et fonctionnelle de l’outillage.
Au-delà de ces apports locaux, le corpus de 700 pièces lithiques apparaît comme le plus important découvert en contexte préventif dans le quart nord-est de la France, c'est-à-dire en Lorraine, mais aussi en Alsace et en Champagne. La fouille fournit donc des premiers éléments pour évaluer la place de cette région dans les peuplements européens. Sa position géographique à l’entrée du bassin parisien, en lien direct avec le fossé rhénan et les grandes plaines du nord, en fait un observatoire privilégié de possibles migrations continentales, par ailleurs bien attestées par la grande faune comme le mammouth.
Vue d’ensemble du décapage.
© Ronald Schwerdtner, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable de recherche archéologique : Frédéric Blaser