L'aménagement du contournement autoroutier sud de Reims par le groupe sanef a nécessité des interventions archéologiques préalables réalisées pour l'essentiel par l'Institut national de recherches archéologiques préventives.

Dernière modification
10 mai 2016

Sur ce tracé de 14 kilomètres, qui traverse dix communes, l'Inrap a mené 161 hectares de diagnostics sur prescription de l'Etat (Drac Champagne-Ardenne) puis a réalisé quatre fouilles archéologiques qui se sont échelonnées du 2 février au 24 avril 2009. Elles se sont déroulées sur les communes des Mesneux, d'Ormes et de Thillois sur une surface totale de 7700 m2.

Les recherches menées sur ce tracé autoroutier, dans la plaine crayeuse, ont livré de nombreuses informations sur la longue histoire rurale au pied de la montagne de Reims. L'espace est occupé à l'âge du Fer comme en témoignent les exploitations agricoles. Une grande voie relie les villes de Reims et de Dormans durant l'Antiquité, cette route romaine à l'existence jusqu'alors supposée est aujourd'hui confirmée. Ces interventions ont également révélé une occupation du Moyen Âge insoupçonnée, les archéologues ayant identifié de nombreuses sépultures ainsi que des fonds de cabanes, petites cellules domestiques de l'époque. Parmi les découvertes faites sur le terrain, un dépôt de 345 monnaies romaines et une nécropole des IXe-Xe siècles à la composition très particulière. 

Un lieu cultuel antique

Aux Mesneux, à la sortie de Tinqueux, les archéologues de l'Inrap ont identifié trois phases d'occupations d'un site de 2000 m2. La première prend la forme d'un enclos de 900 m2.  Au IIIe siècle, un petit édifice de forme carrée et de 25 m2 environ, a ensuite été construit. Ses murs fondés en craie devaient soutenir une petite balustrade. Cet édifice s'ouvrait probablement au nord, du côté de la voie romaine correspondant à l'axe Reims-Dormans. A l'intérieur, au pied d'un mur, une céramique, qui s'est révélée être un important dépôt monétaire, a été prélevée par les chercheurs. Cette construction à ciel ouvert, qui devait revêtir une fonction symbolique, pourrait être l'expression d'une dévotion tout comme le dépôt monétaire. Cet édicule, présent dans le paysage, aurait perduré à travers les mémoires. En effet, quelques siècles après, cette construction recueille en façade, la sépulture de 2 hommes qui ont vécu au VIIIe siècle et ont été enterrés en même temps ou à quelques jours d'intervalle. Ils avaient probablement un lien de parenté comme le révèlent des marques ostéologiques.

Le dépôt monétaire (IIIe siècle)

Le dépôt découvert sur le lieu cultuel des Mesneux est composé de 345 monnaies en bronze (336 sesterces et 6 dupondii), il est daté du IIIe siècle et pèse plus de 8 kg. Une grande partie des monnaies a été frappée en 170/171, sous l'empereur Marc Aurèle, cependant la plus récente date de 194. Très usée elle a dû circuler au moins une cinquantaine d'années...Cet ensemble constituait une somme importante à l'époque : 3 mois de solde d'un soldat, un an de farine pour une famille de quatre personnes...Dans ce dépôt, 4 monnaies d'Hadrien, à iconographie navale, sont rares. La surreprésentation des monnaies aux effigies féminines, la diversité de l'iconographie, laissent penser que ce dépôt aurait été constitué par un collectionneur. Autre particularité, son contenant. Si la céramique utilisée est bien connue en Gaule comme pot à provision, un seul exemplaire a été identifié à Reims dans un contexte funéraire. Par ailleurs, grâce au protocole d'étude, les archéologues ont compris le mode de déposition des monnaies. La céramique a été remplie sur place, après cassure de son col, pour pouvoir introduire les pièces et les organiser par piles. Le dépôt a été constitué en une fois, avec un comptage progressif, pour atteindre une somme précise.
 

Une nécropole carolingienne surprenante (IXe-Xe siècles)

Aux Mesneux, lors de la fouille d'un site de 1600 m2, les archéologues ont mis au jour une nécropole de 24 individus, enterrés individuellement ou collectivement. Les modes d'inhumation sont variés : en simple cercueil, dans une fosse large ou ajustée au corps de l'individu et surmontée d'une couverture de pierres ou de planches. Il s'agit de 16 adultes et de 8 enfants. Les datations radiocarbones réalisées sur les ossements permettent de savoir que cette nécropole a été utilisée entre le IXe et le Xe siècle, en pleine période carolingienne. A cette époque, les textes décrivent une France christianisée où les défunts sont enterrés, sans objets d'accompagnement, autour des églises. Cette nécropole sur le site des Mesneux fait partie des quelques sites archéologiques qui témoignent de la persistance de pratiques antérieures sous la forme d'inhumations en plein champ.
Plus étonnant, aucun enfant de moins d'un an n'a été identifié sur le site alors que la mortalité des tout petits est particulièrement importante à cette époque. Les chercheurs supposent que ces très jeunes sujets n'étaient pas admis dans cette nécropole. Par ailleurs, les deux tiers des individus adultes sont des hommes ce qui ne correspond pas non plus au schéma classique, habituellement équilibré entre hommes et femmes. Autre singularité, la plupart des hommes mesurent plus de 1,75 mètre, ce qui est assez peu habituel à l'époque. Ils partagent un grand nombre de caractéristiques biologiques laissant supposer qu'ils appartiennent à un même groupe familial.
Enfin, deux individus se démarquent des autres. Ils sont enterrés dans une même fosse et portent tout deux des traces de mort violente occasionnées par des coups d'épée. L'étude révèle pour chacun un impact sur le crâne et une blessure sur le haut du corps, à l'épaule pour le premier et à l'avant-bras pour le second en essayant probablement de protéger son crâne. Ces impacts indiquent qu'ils ont tenté de se défendre. Les décès font suite à ces blessures reçues probablement lors d'un règlement de compte.
L'accumulation de ces nombreuses particularités soulève beaucoup de questions et fait de cette nécropole un site de référence pour affiner la connaissance des pratiques funéraires à l'époque carolingienne.
Aménagement : sanef
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie (Drac Champagne-Ardenne)
Recherche archéologique : Inrap
Responsables scientifiques : Aurélie Marchadier, Yoann Rabaste, Arnaud Rémy, Sandrine Thiol et Mathieu Thivet, Inrap
Contact(s) :

Estelle Bénistant
chargée du développement culturel et de la communication
Inrap Grand Est-nord
06.74.10.26.80
estelle.benistant [at] inrap.fr