C'est dans le cadre de la construction d'un nouveau quartier tertiaire (bureaux et parking souterrain) à Amiens, ZAC Gare-La Vallée, que l'État a prescrit des fouilles archéologiques sur l'îlot La Boucherie, sur une surface de 5 200 m².

Dernière modification
10 mai 2016

Celles-ci ont permis de mettre au jour l'ensemble des niveaux d'occupations antiques sur ce secteur. Ainsi, la première tranche de la ZAC Gare-La Vallée offre la possibilité d'appréhender un secteur de la ville gallo-romaine depuis sa mise en place et ce jusqu'à son abandon, dans une zone encore peu explorée. La poursuite des travaux d'aménagement de la ZAC devrait permettre dans un avenir proche de compléter et de préciser notre connaissance sur ces monuments antiques.


La ville antique

Samarobriva, ancien nom de la ville d'Amiens et chef-lieu de la cité des Ambiani, semble être créé ex-nihilo peu avant notre ère. Bien que Jules César mentionne ce lieu-dit dans la Guerre des Gaules, aucune trace d'occupation gauloise n'a jusqu'alors été retrouvée à Amiens.
La ville est située à l'intersection d'importantes voies de communiaction terrestres et fluviales. Elle s'organise selon un quadrillage régulier de rues orthogonales qui forment de vastes îlots (aussi appelés insulae). Leur tracé est parfois encore visible dans le cadastre actuel. Elle est parée de monuments publics : forum, amphithéâtre, thermes et désormais théâtre. Dans son extension maximale, elle couvre environ 200 hectares. Tous ces éléments en font une des villes les plus importantes de la Gaule.

Les entrepôts du Ier siècle de notre ère

Après une première phase d'occupation indéterminée au cours de la première moitié du Ier siècle de notre ère (traces de parcellaire), de vastes entrepôts publics sont construits vers 70.
Ces entrepôts s'organisent selon un schéma très régulier. Orientés nord-sud, ils sont longs d'environ 35 m et larges de 10 m. Ils se divisent régulièrement, le plus souvent, en quatorze pièces qui s'ouvrent sur des ruelles parallèles desservant les bâtiments, dont elles sont séparées par des trottoirs couverts d'un portique.
La mise au jour de ce vaste ensemble constitue une découverte importante pour la compréhension de l'organisation générale de la ville (huit entrepôts ont été reconnus, dont la surface de stockage est de 3 000 m2, mais d'autres sont possibles). Elle nous permet également de mieux appréhender le rôle économique que Samarobriva a joué au sein de la province de Gaule Belgique. Le terme de noeud commercial prend ici toute son importance.

Le théâtre

Un incendie détruit les entrepôts vers 120 après J.-C. : le terrain ainsi libéré voit la construction d'un vaste édifice public en hémicycle. Celui-ci n'a été que partiellement dégagé mais un certain nombre d'éléments permettent d'avancer l'hypothèse d'un théâtre. L'arc de cercle formé par les gradins se développerait sur environ 120 à 140 m de diamètre jusqu'aux anciens entrepôts de la Sernam, de l'autre côté de la rue Legrand d'Aussy, et à l'emplacement des voies ferrées. Le monument s'adossait à une légère pente naturelle et ouvrait au nord vers la Somme. Le théâtre était desservi par une rue qui bordait le mur de façade, du côté de la rue de La Vallée et, semble-t-il, par une vaste esplanade dont certains éléments apparaissent à l'ouest du monument. Compte tenu de la surface estimée de l'édifice dont une petite partie seulement a été fouillée, on peut estimer sa capacité à plus de 5 000 spectateurs. La mise au jour de ce monument public constitue également une découverte majeure qui contribue à compléter notre vision de la parure monumentale de la ville antique, preuve supplémentaire de son importance. Samarobriva n'avait véritablement rien à envier à ce sujet aux villes de Gaule méridionale, d'Afrique du Nord et d'Italie.

La nécropole du Bas-Empire

Le IIIe siècle correspond à une grave crise urbaine à laquelle Samarobriva n'a pas échappé. Les quartiers orientaux de la ville sont abandonnés et le secteur de La Vallée sert alors de décharge publique, puis de cimetière entre la fin du IIIe et le IVe siècle. Un peu plus de 200 tombes ont été mises au jour. Il s'agit de sépultures à inhumation, essentiellement en cercueil. Si la plupart d'entre elles n'ont pas livré de mobilier funéraire, une petite partie renfermait des vases, des verreries, des monnaies ainsi que de nombreux bijoux en bronze, en argent et en or. L'absence de matériel peut marquer le niveau social inférieur du défunt, mais une modification des modes d'inhumation n'est pas à exclure à cette période qui voit l'apparition du christianisme à Amiens. Grâce à d'excellentes conditions de conservation, l'étude des ossements, croisée avec celle du mobilier, devrait permettre d'obtenir une image détaillée d'une partie de la population amiénoise de la fin de l'Antiquité, de sa composition sociale, ethnique et de son état sanitaire (alimentation, maladies...).