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Des vestiges de la fin de l’âge du Bronze au Moyen Âge découverts à Pacé (Ille-et-Vilaine)
L'Inrap a fouillé une superficie de 4,6 ha dans le cadre d’un projet d’aménagement d’une ZAC au lieu-dit la Touraudière. La fouille a concerné deux secteurs distincts éloignés d’environ 300 m, sur lesquels ont été mis au jour des vestiges datant de la Protohistoire au Moyen Âge. La majorité des vestiges appartiennent à un habitat du haut Moyen Âge.
Des fragments de moules de métallurgiste du Bronze final
La fouille du secteur nord a permis de mettre au jour quelques fosses qui révèlent l’existence d’un habitat du Bronze final. Elles ont livré des fragments de vases et un lot de fragments de valves de moules en terre cuite ayant servi à réaliser des objets en bronze, dont des épées. Bien que l’atelier d’où proviennent ces moules n’ait pas été identifié, l’étude de ces éléments va apporter des informations inédites sur les techniques de fabrication du bronze et sur la typologie d’objets en bronze de cette période.
Vue de l’emprise de fouille vers le sud.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Vue du décapage en cours.
© Emmanuelle Ah Thon, Inrap
Fouille de la fosse contenant des fragments de moules de métallurgiste.
© Emmanuelle Ah Thon, Inrap
Deux enclos datés de la Protohistoire
Des traces d’occupation ancienne ont également été détectées dans la partie sud de la fouille. Elles sont matérialisées par deux petits enclos fossoyés de forme curviligne. L’un d’eux forme un cercle d’environ 15 m de diamètre qui pourrait correspondre à un cercle funéraire du premier âge du Fer.
Cercle du premier âge du Fer.
© Zoé Pédrau, Inrap
Un axe de circulation d’origine antique
Durant la période antique, un réseau de chemins joue un rôle important dans la structuration du territoire. Celui étudié dans le cadre de la fouille se compose d’une bande de roulement d’environ 8 m de large délimitée par des fossés bordiers. Le niveau de circulation est essentiellement constitué de cailloutis de quartz directement posé sur le terrain naturel, dans lequel des traces d’ornières liées au passage des véhicules sont visibles. Il dessert vraisemblablement un établissement situé à proximité, occupé entre le début du IIe siècle et le IVe siècle.
Tronçons du chemin antique en cours de dégagement.
© Emmanuelle Ah Thon, Inrap
C’est sur ce chemin qu’une bague en or dans un état de conservation exceptionnel a été retrouvée. Il s’agit d’une bague pouvant être datée entre le IIe et le IIIe s. Elle se compose d’une monture en or ciselée et d’une intaille en nicolo, une pierre fine utilisée pour les gemmes antiques, qui représenterait Venus Victrix (qui apporte la victoire).
Bague en or avec intaille, IIe-IIIe s.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Un hameau du haut Moyen Âge
C’est dans ce territoire déjà bien structuré que se développe un important établissement entre le Ve et le Xe s. ; il semble atteindre son plein développement entre le VIIe et le VIIIe s.
Il est organisé selon une trame parcellaire orthonormée et est constitué d’un ensemble de parcelles de forme quadrangulaire délimitées par des fossés. Ces parcelles sont reliées entre elles par des chemins et ont des dimensions comprises en majorité entre 800 et 2000 m2.
Fouille mécanique des fossés.
© Emmanuelle Ah Thon, Inrap
Certaines sont dédiées à l’habitat, d’autres aux cultures, aux pâturages ou à des activités spécialisées. Comme sur de nombreux sites contemporains de l’est de la région, l’habitat se développe par ajout progressif de parcelles. Les fermes s’inscrivent dans un premier temps dans une ou plusieurs parcelles qui se développent et se multiplient, pour coexister voire finir de se regrouper, partager des espaces et s’organiser en hameau ou habitat groupé.
Parmi les structures découvertes au sein de ces parcelles, plusieurs bâtiments sur poteaux plantés ont été identifiés. La majorité sont de plan rectangulaire et ont des superficies variables. Les murs étaient en terre et en bois, et la toiture en matière végétale. De nombreuses structures faisant partie des équipements nécessaires au fonctionnement des fermes sont associées aux bâtiments ou isolées. Parmi elles, de nombreuses fosses, dont certaines ont une fonction bien identifiable.
Vue en coupe d’un silo.
© Claire Gallou, Inrap
Il s’agit de structures de stockage souterrain appelées silos, qui servent essentiellement au stockage en milieu anaérobie des grains battus et vannés pour la consommation de futures semences. Des fosses destinées au stockage de l’eau et de très nombreuses structures de combustion (foyers et fours), essentiellement liées à la cuisson des aliments et au traitement des récoltes (séchage et grillage des céréales), complètent les installations.
Four du haut Moyen Âge.
© Cyril Hugot, Inrap
Four du haut Moyen Âge.
© Pierre Fretay, Inrap
Four du haut Moyen Âge.
© Yannick Pugin, Inrap
Le mobilier associé à cette occupation est particulièrement abondant pour le secteur. La céramique regroupe la vaisselle de table, des pots à cuire, des vases de stockage et vases à liquides. Elle était complétée par de la vaisselle en bois qui ne s’est pas conservée dans le sol. Des éléments de terre cuite architecturale antiques comme des tuiles et briques ont été remployés à la période médiévale pour divers aménagements.
Pot de cuisson du VIIIe s.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Bord d’un récipient du VIIe s.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Gobelet du VIIe s. avec décor à la molette.
© Emmanuelle Collado, Inrap
On retrouve aussi de nombreux éléments de torchis portant des traces de clayonnages et d’enduit qui apporteront des informations sur les techniques de construction. Le matériel lithique se compose essentiellement de meules en granite et en grès qui servaient à moudre le grain, ou encore d’aiguisoirs destinés à entretenir le mobilier métallique tel que des lames de couteaux ou divers outils agricoles.
Meule en grès ferrugineux.
© Emmanuelle Collado, Inrap
L'étude d'ossements d’animaux conservés devrait apporter des informations sur l’élevage et l’alimentation des habitants. Par ailleurs, les restes végétaux carbonisés conservés dans le sol comme des grains de céréales et légumineuses témoignent de la diversité des espèces cultivées et consommées. Enfin, on signalera la découverte exceptionnelle d’un petit dépôt monétaire d’une douzaine de deniers carolingiens (IXe-Xe s.).
Mandibule de bœuf.
© Claire Gallou, Inrap
Prélèvements pour études archéobotaniques.
© Yannick Pugin, Inrap
Monnaies médiévales (deniers carolingiens).
© Coline Herbert, Inrap
Le parcellaire agricole entre le second Moyen Âge et la période moderne
L’abandon de l’habitat du haut Moyen Âge n’est pas encore précisément daté mais pourrait avoir lieu à partir du Xe s. L’espace semble faire progressivement l’objet de restructurations et retrouver majoritairement une fonction agricole à la fin du Moyen Âge. De nombreux fossés traversent l’emprise et matérialisent des limites parcellaires, des chemins et haies implantés après l’abandon de l’habitat du haut Moyen âge, soit entre le second Moyen Âge et la période moderne. Certains axes ont même perduré jusqu’à très récemment.
Contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie (Drac Bretagne)
Recherche archéologique : Inrap
Directeur adjoint scientifique et technique : Michel Baillieu, Inrap
Responsable scientifique : Emmanuelle Ah Thon, Inrap
Équipe de fouille : Maryne Bergot, Pierre Fretay, Claire Gallou, Coline Herbert, Cyril Hugot, Aurélien Lupu, Zoé Pédrau, Yannick Pugin, Eléonore Rubington, Envel Simonet, Inrap