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Fin de la fouille de la place Jean Jaurès à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)
Prescrite par l’État (Drac Île-de-France), dans le cadre de travaux menés par Plaine Commune, la fouille archéologique préventive de la place Jean-Jaurès vient de se terminer. L'Inrap et l’Unité d’archéologie de la ville de Saint-Denis (UASD) ont mis en évidence plusieurs phases d’occupation, principalement du Moyen Âge, et des périodes moderne et contemporaine, à quelques pas de la Basilique.
Un potentiel archéologique élevé
Le site fouillé se situe à proximité directe de la basilique Saint-Denis, ancienne église abbatiale d’un monastère fondé au VIIe siècle, autour duquel s’est développé un bourg monastique. Des opérations archéologiques se sont déroulées dans cette zone, en 1987 et 2005, offrant une base de recherche pour les dernières découvertes.
Vue aérienne du chantier de la place Jean-Jaurès à Saint-Denis.
© Pascal Raymond, Inrap
Vue aérienne du chantier de la place Jean-Jaurès à Saint-Denis.
© Pascal Raymond, Inrap
Vue générale de la fouille de la place Jean Jaurès.
© Emmanuelle Collado, Inrap
L’aqueduc carolingien du VIIIe siècle
Des campagnes anciennes dans la ville de Saint-Denis avaient mises au jour des vestiges d’un aqueduc constitué d’un conduit souterrain alimentant par gravitation trois bassins à ciel ouvert dont l’utilisation, les remaniements et l’abandon sont datés du VIIIe siècle. Prenant supposément sa source près de l’église Saint-Rémi au Nord-Est de la ville, sa fonction est encore discutée. Environ 240 m de cette structure étaient déjà connus avant les fouilles de la place Jean Jaurès en octobre 2023 : ce sont en totalité un bassin rectangulaire et deux canaux différents orientés N/S et E/O qui ont été mis en évidence au Nord de la place. Ainsi, ces fouilles ont démontré que le tracé de l’aqueduc, que l'on croyait rectiligne depuis l’Hôtel de Ville, connaît une grande déviation. On ne sait en revanche comment les deux canaux s’articulaient, leur jonction n’ayant pas été conservée.
Un mobilier important a pu être collecté lors de la fouille, principalement de la faune, des éléments d’architecture en terre cuite et de la céramique dont quelques exemples de céramiques dite « de tating ».
Fragments de céramique dite de "Tating" trouvé sur ce chantier.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Cette céramique de la fin du VIIIe siècle provient d’Allemagne et se distingue par son aspect noir lustré et son décor géométrique réalisé à la feuille d’étain. Il s’agit d’un type céramique prestigieux dont 47 autres tessons ont pu être retrouvés à Saint-Denis témoignant du statut privilégié d’une certaine catégorie de population à cette période. Une trentaine de nouveaux tessons de cette céramique ont déjà été repérés en post-fouille.
Bassin rectangulaire alimenté par un canal de l'aqueduc carolingien, mis au jour au nord de la place.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Canal souterrain découvert au nord de la place, appartenant à un aqueduc carolingien du VIIIe siècle.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Fossé de l’enceinte du IXe siècle
À partir de 869, un fossé d’enceinte a été édifié pour protéger l’abbaye des raids vikings. Ce fossé parfois simple et parfois double est de plan ovale et d'un diamètre qui varie entre 400 et 500 m si l’on prend la basilique comme centre. Il protège alors une surface d’environ 13 hectares.
Découvert lors d’opérations archéologiques avoisinantes, son tracé se poursuit dans la partie Ouest de la place Jean Jaurès, et ce sur toute sa longueur Nord/Sud. Ce fossé sec est creusé à même le substrat et son comblement est, dans certaines parties du site, caractérisé par le dépôt de blocs taillés considérés comme des restes d’un aménagement monumental à proximité.
Nécropole des Xe–XIe siècles
Attestée lors du diagnostic de 2005, une nécropole a été confirmée par l'opération. En plus des huit sépultures mises au jour en 2005, 97 individus ont été identifiés, exclusivement dans l’angle sud-est de la place. Il s’agit de sépultures immatures et d’adultes orientées Est/Ouest sans aucun mobilier associé. La céramique retrouvée en remblai d’inhumation en 2005, ainsi que deux datations 14C, ont permis de situer la chronologie de cet ensemble aux alentours des Xe - XIe siècles. La nécropole a été fortement altérée par les aménagements modernes mais devrait se poursuivre plus à l’Est vers la Basilique.
Bâtiments médiévaux des XIe–XIIe siècles / XIIIe–XIVe siècles
Au tournant des XIe et XIIe siècles, l’occupation funéraire des lieux cesse, le fossé est comblé et le rempart est nivelé. S’en suit une forte urbanisation de l’espace avec la présence de nombreux bâtiments dont deux types ont été attestés jusqu’à présent. Le premier se caractérise par plusieurs trous de poteau creusés dans la marne (roche tendre) et repartis sur toute la surface du chantier. Le second est une construction probablement à pan de bois dite « à colombages ».
Ces deux types de bâtiments sont associés à des fosses silo et des fosses d’extraction, creusés dans la marne, dont la datation varie principalement entre le IXe et le XIIIe siècle.
Archéologues en plein travail dans une fosse.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Cette dense occupation témoigne d’une forte augmentation de la population. Les différentes couches charbonneuses fines, associées à des sols, ainsi que les différents foyers repartis dans la plupart des pièces de plusieurs bâtiments, témoignent d'activités domestiques importantes.
Largement présentes sur le site, les caves et latrines sont un élément essentiel de l’occupation de la place au Moyen Âge. Il s’agit généralement de constructions carrées ou rectangulaires dans lesquelles sont déposées des céramiques ou des objets en verre. Les datations préliminaires datent ces caves autour des XIIIe et XIVe siècle.
Le caractère organique du sédiment et les remontées de la nappe phréatique ont permis pour beaucoup d’entre elles la conservation de matériaux périssables tels que le bois, le tissu ou encore des graines et pépins.
Artisanat médiéval
Plusieurs vestiges d'activités artisanales ont été mis en évidence sur le site comme un four de potier de la fin du XIIIe siècle et une fosse de déchets de tabletterie du Moyen Âge. Certaines fosses contenaient également beaucoup de déchets d’activités métallurgiques.
Tasse polylobée à glaçure jaune du Moyen Âge.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Coquemar à décor peint d'époque moderne.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Assemblage de récipients d'époques médiévale et moderne : coquemar, tèle, tasse et fiole.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Ensemble de fragments de verres du XIVe siècle (pieds, coupes, gobelets).
© Emmanuelle Collado, Inrap
Pied de verre du XIVe siècle, avec filet de verre bleu rapporté sur la tige.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Petit flacon de verre du XIXe-XXe siècle, ayant contenu un baume (inscription de la marque).
© Emmanuelle Collado, Inrap
Les loges de la foire du Lendit (1444 – 1854)
A partir du milieu du XVe siècle, les bâtiments médiévaux sont détruits et remplacés par les loges de la foire du Lendit qui perdure jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Ces loges étaient parfois associées à des caves au plafond vouté ou composé de poutres en bois supportant des planchers destinés au stockage des marchandises.
Caves appartenant aux loges de la foire du Lendit.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Depuis le XIe siècle, cette foire est une des plus importantes en Île-de-France mais ce n’est qu’au début du XIIe siècle que les échanges commerciaux sont transférés dans la Plaine, à mi-chemin entre Paris et Saint-Denis. Arrêtée en raison de la guerre de Cent Ans, la foire est rétablie à l’intérieur du bourg par Charles VII en 1444. Elle occupe une partie du site, avant d’y être transférée définitivement par Henri II en 1556.
En 1718, l’enclos de ces loges est percé de six portes et comprend quatorze rues pavées, bordées de 119 loges.
Vue d'en haut d'un puits datant du XVIe siècle.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Halles métalliques (1854-1893)
Les loges de la foire sont démolies en 1854 et remplacées par des halles métalliques destinées à abriter un marché. Ces halles sont à leur tour détruites entre 1890 et 1893 pour aménager la place mais les fondations ont pu être mis au jour sur le site.
Le kiosque de musique
Au centre de la place, les fondations d’un kiosque à musique octogonal ont été découvertes. Il est inauguré le 5 janvier 1900 et a disparu en 1958. Son intérieur est comblé par des gros fragments de mosaïque polychrome et de briques.
Dorénavant les recherches se poursuivent en laboratoire.
Fondations d'un kiosque à musique octogonal, situé au centre de la place.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Île-de-France)
Recherche archéologique : Inrap et Unité d’archéologie de la ville de Saint-Denis
Responsable de recherches archéologiques (RRA) : Georges El Haibe (Inrap)
Responsable de secteur, adjoint au RRA : Clément Tulet (UASD)
Responsable de secteur, adjointe au RRA : Manon Fafin (UASD)
Responsable de secteur, adjointe au RRA : Leslye Valenzuela Leyva (UASD)
- Un potentiel archéologique élevé
- L’aqueduc carolingien du VIIIe siècle
- Fossé de l’enceinte du IXe siècle
- Nécropole des Xe–XIe siècles
- Bâtiments médiévaux des XIe–XIIe siècles / XIIIe–XIVe siècles
- Artisanat médiéval
- Les loges de la foire du Lendit (1444 – 1854)
- Halles métalliques (1854-1893)
- Le kiosque de musique