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À l'est de Beaumoulin
A Souppes-sur-Loing, Seine-et-Marne, fouille préventive préalable à l'exploitation d'une carrière de calcaire. Surface exploitée : environ 8 000 m2.
La carrière de calcaire de Souppes-sur-Loing a fait l'objet de plusieurs opérations liées à l'étude de divers gisements : occupations néolithique et médiévale (V. Roupert/Inrap), nécropole du Bronze final et occupation du Hallstatt (F. Muller/Inrap), sépulture collective néolithique (L. Pecqueur). L'établissement gaulois du lieu-dit À l'est de Beaumoulin, fouillé en 2002, occupait un promontoire dominant de 35 m la vallée du Loing, en plein coeur du Gâtinais en territoire sénon.
Le site est composé d'un enclos trapézoïdal de moins de 5 000 m2 de superficie, ouvert à l'est et doté d'une entrée à porche monumental, dans lequel n'a été trouvé qu'un bâtiment à six poteaux et deux absides. Un fossé, que jouxte un grand bâtiment à quatre poteaux et abside, rejoignait la vallée du Loing. Deux fosses et quelques trous de poteau ont été observés à l'extérieur de l'enclos.
La rareté des constructions est sans doute à mettre au compte de l'érosion qui a dû être très active, le site étant installé sur une pente. L'établissement, attribué à La Tène D, a connu plusieurs phases d'occupation dont la stratigraphie du fossé rend bien compte. Ce dernier, large de 3 m à l'ouverture et conservé sur 1,50 m de profondeur, constituait un ouvrage imposant doublé, à l'intérieur, d'un talus constitué de cailloutis calcaire et de limon, détruit lors de l'avant-dernière phase d'occupation. Le mobilier, particulièrement abondant dans les fossés, surtout en ce qui concerne la faune, ainsi que son agencement permettent d'envisager avec beaucoup de vraisemblance que le site n'est pas un établissement rural, contrairement à ce qui était attendu. On a certes trouvé des témoins liés à la production agricole (outils en fer) et d'autres qui évoquent les activités domestiques (dépotoirs, restes de fours construits, meules, instrumentum) ou artisanales (polissoirs, rares déchets sidérurgiques). Mais ces éléments s'effacent indiscutablement devant les milliers d'ossements animaux très bien conservés qu'il semble possible de mettre en relation avec une consommation collective de type « banquet ».
L'étude à venir (G. Auxiette) devra s'attacher à décrire les modalités de cette consommation, mais, d'ores et déjà, plusieurs traits particuliers peuvent être mentionnés : importance du boeuf, fréquence anormalement élevée des équidés, présence très significative de porcelets et de restes de cerf. Le contexte de découverte des ossements n'est pas anodin : ils étaient associés, de façon très majoritaire, au remblai de destruction du talus interne et au-dessus de lui. Dans ce dernier cas, l'existence de dépôts volontaires, parfois curieusement agencés, est manifeste, en particulier dans le secteur de l'entrée.
L'association de l'archéozoologue à la phase de terrain a été déterminante pour valider, préciser les observations et décrire les assemblages par parties anatomiques et par espèce. On peut citer entre autre une série de dépôts constitués surtout de bucranes mais aussi de têtes de chevaux, de chiens, de caprinés, de mandibules de boeufs et de chevaux ou encore... d'une tortue complète. Un bois de cerf déposé sous une dalle ainsi qu'une meule rotative semblent participer de ces mêmes dépôts. L'agencement de ces derniers évoque une véritable mise en scène des restes d'animaux, en particulier à l'entrée de l'enclos. À cette consommation massive de viande répondent d'autres composantes du banquet celtique, notamment les amphores vinaires Dressel 1 et un instrumentum plus discret (broche à rôtir, vaisselle métallique...).
Bien que les moyens mis en place n'aient pu être à la hauteur des enjeux scientifiques liés à un site particulièrement remarquable, l'établissement de Souppes-sur-Loing apportera une contribution significative à la définition de la grille d'analyse et à l'interprétation des établissements qui ont été le siège de grands banquets communautaires à la fin de l'âge du Fer.