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Le cimetière paroissial du quartier Saint-Jacques à La Ciotat (Bouches-du-Rhône)
A La Ciotat, Bouches-du-Rhône, la construction d'un immeuble et d'une place, intégrés dans le périmètre du projet de réhabilitation du carré Saint-Jacques, a entraîné une campagne de fouilles archéologiques, prévue de mars à novembre 2009.
Une équipe de l'Inrap met au jour l'ancien cimetière paroissial de La Ciotat ainsi que les traces d'urbanisation du secteur à l'époque moderne. Peu touché par les constructions contemporaines, le site, d'une ampleur de près de 2 000 m2, présente un assez bon état de conservation. Seuls le dépositoire et la maternité, en activité jusqu'en 1973 (date de la désaffection de l'hôpital Saint-Jacques) sont implantés sur le cimetière. Ceci n'est guère étonnant puisque les lieux d'inhumation restent dans les mémoires et ne sont que rarement lotis par la suite.
L'histoire du quartier Saint-Jacques
L'îlot Saint-Jacques a été urbanisé à partir de la fin du XVIe siècle, époque marquée par l'extension de la petite ville médiévale bâtie autour de l'église paroissiale. Un nouveau rempart est construit, son tracé est matérialisé au nord et à l'ouest par les actuels boulevards Jean-Jaurès et de la République. Plusieurs établissements civils et religieux sont implantés dans l'îlot Saint-Jacques : au sud-ouest, sous l'ancien théâtre municipal, la chapelle des Pénitents blancs, au sud-est, la chapelle Sainte-Anne, au nord-est le collège des Oratoriens, édifié au début du XVIIIe siècle et à l'ouest l'hospice Saint-Jacques. Vers 1581, le cimetière paroissial médiéval (attesté sous la place Sadi-Carnot), devenu trop exigu, est déplacé au lieu-dit « Ferrage de Roubau » (signifiant prés, terrains en herbe), aux abords de l'hôpital Saint-Jacques. En fonction pendant plus de deux siècles, il sera à nouveau transféré entre 1831 et 1833 au Mont Saint-Esprit (ancien site des Chantiers Navals) pour une courte durée, puis enfin au chemin de Sainte-Croix.
Des archives du sol...
Révélé par deux campagnes de sondages effectuées en 2006 et 2008, le cimetière présente une importante accumulation de sépultures, en cercueils ou en fosses simples, dont le nombre avoisine le millier. La population inhumée correspond à une partie des habitants de La Ciotat entre la fin du XVIe siècle et le début du XIXe siècle. L'étude des sépultures permet de connaître les pratiques funéraires : inhumations en linceuls, en cercueils, ensevelissements simples, multiples, positions des défunts... L'étude des ossements, effectuée par les anthropologues, permet d'établir l'état civil des sujets, hommes, femmes, enfants, mais également d'obtenir des renseignements sur leurs conditions de vie, voire leurs activités quotidiennes.
L'opportunité de pouvoir explorer la quasi-totalité d'un espace cémetérial présente un intérêt scientifique unique, renseignant sur la vie et la mort à l'époque moderne, d'autant plus que des sites similaires en Provence sont très rares et que le cimetière Saint-Jacques est bien documenté par les archives écrites.
... aux archives écrites
Un autre intérêt majeur de la fouille de ce cimetière réside dans la conservation des registres paroissiaux, pratiquement complets depuis 1575, recensant la population inhumée à La Ciotat, au sein du cimetière paroissial comme dans les lieux de culte. Ainsi, l'étude des archives permet d'appréhender précisément les pratiques funéraires, la démographie des Ciotadens mais également les catégories socioprofessionnelles concernées (métiers liés à la mer, à la terre, marchands, artisans, nobles). Ainsi les premiers dépouillements ont permis de mettre en évidence un changement radical dans les mentalités entre le XVIIe et le XVIIIe siècle : au début de l'utilisation du cimetière, les adultes et surtout ceux issus de la noblesse et de la bourgeoisie, préféraient se faire inhumer sous la protection des saints, à l'intérieur des nombreuses chapelles essaimant la cité. Au XVIIIe siècle, influencés par le courant hygiéniste et l'interdiction royale d'enterrer dans les églises, les Ciotadens se font tous inhumer dans le cimetière paroissial, qui devient enfin communautaire et égalitaire dans la mort.