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Les souterrains de Naours, haut-lieu touristique au temps de la Grande Guerre
La découverte d'une étonnante concentration de graffitis et d’inscriptions laissées par des soldats de la Grande Guerre a réorienté les problématiques sur un quotidien et une pratique insoupçonnés à ce jour : les visites d’agrément des souterrains en temps de guerre.
Depuis 2014, une intervention archéologique est coordonnée par Gilles Prilaux (Inrap) dans les souterrains de Naours (Somme). Ces recherches, réalisées à l’invite de la communauté de communes Bocage-Hallue, avaient pour objectif de préciser les datations de ce vaste réseau souterrain. La découverte d’une étonnante concentration de graffitis et d’inscriptions laissées par des soldats de la Grande Guerre a réorienté les problématiques sur un quotidien et une pratique insoupçonnés à ce jour : les visites d’agrément des souterrains en temps de guerre.
Un souterrain, refuge dès le XVe siècle
En Picardie et en Artois, les souterrains aménagés sont particulièrement ramifiés et complexes. Celui de Naours est structuré à partir d’un épicentre (d’anciennes carrières d’extraction) et d’une douzaine d’« ilots ». Aujourd’hui, les recherches archéologiques confortent la thèse d’une importante occupation au début du XVIIe siècle pendant la guerre de 30 ans, attestée par des inscriptions, des pièces de monnaies, des poteries et des balles de mousquets.
Le site de Naours a été redécouvert à la fin du XIXe siècle par l’abbé Danicourt qui, au terme de 18 années de fouilles et d’importants travaux de déblaiements, a rendu accessible dès 1888 cet incroyable ouvrage.
Depuis son ouverture au tourisme, dans les années 1930, il était coutume de dire que pendant la Première Guerre mondiale, les souterrains avaient servi d’hôpital militaire. L’archéologie contredit cette version et affirme l’attrait touristique des lieux dans une période troublée.
Graffitis et mine de plomb
La majeure partie des salles et des couloirs du réseau souterrain porte un très grand nombre de signatures de soldats de la Première Guerre mondiale. En cours de finalisation, le relevé du corpus est évalué à 2 800 noms. Ces signatures sont souvent accompagnées d’une nationalité, de l’unité de rattachement, de la date et parfois même de l’adresse d’origine. Des noms de soldats français, britanniques, américains, canadiens et indiens ont été relevés. Mais près de la moitié des graffitis sont le fait, dès 1916, de soldats australiens. En règle générale, les soldats utilisaient un crayon mine pour tracer ces quelques lignes.
1er janvier 1917, Blake
Les travaux de recherche et d’identification de ces milliers de noms débutent. Mais quelques personnalités aux histoires parfois extraordinaires s’en dégagent. C’est le cas du lieutenant Leslie Russel Blake. Blake qui laissera son nom et celui de son unité sur la paroi du souterrain le 1er janvier 1917. Célèbre géologue et cartographe australien, il est explorateur de l’Antarctique. Ses travaux sur l’île Macquarie lui vaudront alors la reconnaissance de la communauté scientifique internationale. Véritable héros de guerre, plusieurs fois blessé, il s’illustre pendant les combats de la bataille de la Somme et meurt le 3 octobre 1918.
2 janvier 1917, Allan Allsop
Des recherches en archives révèlent que le site de Naours était une curiosité locale très prisée des soldats stationnés dans le secteur. Une des signatures est celle de William Joseph Allan Allsop, datée du 2 janvier 1917. À cette date, il écrit dans son journal : … dans l’après midi, un groupe de 10 d’entre nous part aux fameuses « grottes » près de Naours, où les réfugiés avaient l’habitude de se cacher en temps d’invasion. Les grottes contiennent 300 pièces à peu près - dont l’une mesure 1000 mètres de long. Une division entière, avec hommes, chevaux, canons et transport pourrait entrer ici…
Les « Soldats voyageurs », un projet en éducation artistique et culturelle
Des élèves du collège des Coudriers, à Villers-Bocage, mènent une enquête inédite dans la Cité souterraine de Naours depuis la rentrée.
Encadrés par un archéologue de l’Inrap, ils ont mis au jour des inscriptions et ont effectué des recherches. Grâce à leurs investigations, ils ont pu identifier les identités de dizaines de soldats et rédiger des récits biographiques. Après quelques mois de recherches intensives, le projet donnera lieu à une correspondance avec un collège australien qui permettra peut-être de retrouver les descendants de ces soldats voyageurs.
Ce projet s’est vu attribuer le label « Centenaire14-18 » et a reçu le soutien de la Drac. Il a reçu le 25 avril 2016, lors des cérémonies de l’Anzac day, le prix Sadlier Stokes* des mains de Brian Pontifex, Ambassadeur d’Australie auprès de l’OCDE.
Il a également reçu, le 15 juin 2016, le prix de l'éducation citoyenne** (3e accessit) pour l'Académie d'Amiens, il a été remis par l'Association nationale des membres de l'ordre national du mérite.
*Le prix Sadlier Stokes, offert par l’ambassade d’Australie en France, a été créé par le gouvernement australien en 1989 pour rendre hommage au courage extraordinaire du lieutenant Clifford Sadlier et du sergent Charlie Stokes lors de la bataille décisive de Villers-Bretonneux le 25 avril 1918.
** Il récompense des élèves qui se sont distingués par leur comportement quotidien et la réalisation d'actions relevant du champ de la citoyenneté.