À l’occasion de l’exposition « Celtique ? » au Musée de Bretagne-les Champs libres (Rennes), quatre bustes sculptés et un seau en bois ouvragé de l'âge du Fer, découverts à Trémuson en septembre 2019, sont pour la première fois présentés au public. Cinq chercheurs de l'institut racontent l'itinéraire de ces objets exceptionnels de la fouille au musée en passant par le laboratoire.

Chronique de site
Dernière modification
23 novembre 2022
Celtique 37

Présentation d'un buste d'un personnage barbu portant un torque découvert à Trémuson « Celtique ? » au Musée de Bretagne-les Champs libres (Rennes).

© Richard Delage, Inrap


Stéphane Bourne, responsable de recherche archéologique


Comment s’est déroulée la fouille du site gaulois de Trémuson. Quelle est la configuration générale du site ?

Stéphane Bourne : La fouille du site gaulois de la Morandais, à Trémuson (Côtes-d’Armor), s’est déroulée de septembre à octobre 2019, suite à un projet d’extension d’une entreprise de transport routier. Lors du décapage, il s’est avéré que le site était beaucoup plus dense et complexe que ce que le diagnostic, réalisé en 2001, avait pu le laisser prévoir. Des concentrations de trous de poteau, ainsi que de nombreux fossés d’enclos ont été identifiés. Leurs recoupements multiples et la datation du mobilier en céramique indiquent un site remanié à de nombreuses reprises, occupé entre le milieu du IIIe siècle avant J.-C. et le début du Ier siècle après J.-C., soit entre La Tène moyenne et le début de l’Antiquité. La première phase d’occupation du site, jusqu’au IIe siècle avant J.-C., correspond à un établissement agricole, délimité par des fossés qui forment un enclos. Au cours de la Tène finale,  vers la fin du IIe siècle avant J.-C., le site connaît de grandes transformations. Le site s’organise alors autour d’une enceinte principale – la cour résidentielle – délimitée par des fossés de clôture large et profonds. On accédait à cette cour par une entrée surmontée d’un porche monumental . Des bâtiments vastes et organisés y ont été identifiés, ainsi qu’un puits, de six mètres de profondeur. L’amorce d’autres enclos accolés au nord et à l’est, indique une partition de l’établissement entre un espace résidentiel, mis au jour dans sa quasi-intégralité, et d’autres secteurs se développant hors de l’emprise de fouille, probablement voués à des activités agricoles et artisanales. L’aspect monumental des aménagements, ainsi que la qualité des mobiliers qui y ont été découverts, désignent alors le site de la Morandais comme un habitat de l’élite aristocratique gauloise. Vers le milieu du Ier siècle avant J.-C., des bouleversements interviennent dans l’histoire du site. En témoignent, entre autres, les nombreux objets réunis dans un dépôt au fond d’un puits qui ont pu être mis au jour avec le concours de la Cellule d'intervention sur les structures archéologiques profondes (CISAP), ou encore l’enfouissement d’une statue au sein du bâtiment principal de l’enceinte.
 

Le rejet organisé de ces objets, dont certains sont des symboles forts de l’aristocratie marque très probablement le déclassement social de la famille qui habitait en ces lieux. On suspecte un lien entre cet évènement et la conquête romaine, même s’il est impossible de l’affirmer. Le site n’est pas abandonné pour autant et continue à être occupé pendant près d’un siècle. Le cœur du site se déplace alors plus à l’est, hors emprise de fouille.

Quel type de mobilier a-t-on découvert ?

Stéphane Bourne : Les niveaux d’abandon du puits ont livré des planches, planchettes, madriers et traverses, qui ont pour certains subi l’action du feu. Ces éléments architecturaux incendiés recouvraient le niveau de fonctionnement du puits, lequel a livré, à sa surface, un dépôt d’objets composé de pièces remarquables : trois bustes sur socle, des éléments d’ameublement en bois tourné, un maillet, une serpe en fer, plusieurs douelles et un fond percé appartenant à un récipient en bois de chêne, ainsi qu’un seau de banquet tripode en bois d’if cerclé de bronze et décoré. La signification de ce dépôt reste énigmatique. Peut-être ces objets n’avaient-ils plus d’importance symbolique pour les habitants ? 

C’est à proximité du puits, au sein d’un bâtiment situé face à l’entrée monumentale, qu’a été découverte la statue d’un personnage barbu portant un torque. Son dépôt intentionnel, face contre terre au fond d’une petite fosse, constitue un contexte unique à ce jour. Ce buste, comme les trois autres qui ont été découverts dans le puits, porte des traces de l’action du feu ainsi que des mutilations. Ces similitudes pourraient indiquer que les quatre sculptures faisaient partie d’un ensemble, exposé dans un même lieu, qui aurait été profané puis détruit par un incendie.

La sculpture n°1 lors de sa découverte, posée face contre terre dans une petite fosse creusée à ses dimensions ; on observe la présence de gros clous en fer accompagnant le buste.

La sculpture n°1 lors de sa découverte, posée face contre terre dans une petite fosse creusée à ses dimensions ; on observe la présence de gros clous en fer accompagnant le buste.

© S. Le Forestier, Inrap




Vérane Brisotto, Luc Jaccottey, Yves Connier : étude technologique des bustes


Vous avez étudié les quatre bustes découverts à Trémuson ? En quoi consiste l’étude technologique ?

Vérane Brisotto : Nous étions deux spécialistes de l’outillage en pierre (macrolithiciens) de l’Inrap avec Luc Jaccottey. Nous avons aussi fait appel à Yves Connier, tailleur-sculpteur de pierre et expérimentateur, ainsi qu’à Mikaël Guiavarc’h, ingénieur CNRS du Laboratoire Archéosciences de Rennes 1 (CREAAH UMR66), qui est venu réaliser les mesures en spectrométrie de masse et fluorescence X pour la détermination pétrographique.

Étude technologique au centre Inrap de Cesson-Sévigné.

Étude technologique au centre Inrap de Cesson-Sévigné.

© Inrap

Initialement, le travail devait être conduit en deux phases : la première consistant en une observation détaillée des statuettes afin d’identifier les différentes traces d’outils, et à reporter celles-ci sur un relevé, la seconde visant à confronter ces observations à une expérience de taille (Yves Connier) sur des blocs de la matière première supposée. En effet, les premières observations macroscopiques permettaient de proposer l’utilisation de blocs de fibrolite. Cette proposition de roche a rapidement été réfutée par le test de taille effectué par Yves Connier, puis infirmée par les premières mesures. Aujourd’hui, si le traitement des analyses est encore en cours, nous nous orientons vers une roche métamorphique ultrabasique de type stéatite, à la fois tendre et résistante, propice à la taille et dont la provenance est probablement locale ou régionale, même si le gisement n’a pas été localisé à ce jour.

Quelle a été cette chaîne opératoire ?

Vérane Brisotto : Sur aucun des bustes, on n’observe de traces d’extraction, le travail de mise en forme des blocs puis de régularisation ayant complètement occulté cette éventuelle première phase du travail. Toutefois la présence de parties brutes, notamment des bases montrant des arêtes émoussées, incite à penser que ces blocs étaient détachés du substrat, et donc en position secondaire. Deux des petits bustes ainsi que la tête qui devait appartenir à un troisième buste, s’inscrivent dans un module rectangulaire de 24,5 cm à 27 de hauteur pour une largeur de 10 cm et une épaisseur de 7 à 7,5 cm. Le grand buste haut de 40,5 cm, large de 14,5 cm et épais de 15,5 cm s’inscrit lui aussi dans un bloc anguleux aux arêtes émoussées. Ce sont donc à partir de ces blocs mis en forme de « brique » que le sculpteur a pu dégager les volumes. Ces premières traces de façonnage sont visibles, notamment, sur le torse du grand buste et presque sur la totalité du tronc des deux autres et plus ponctuellement à l’arrière des petites têtes.

Avec toutes les réserves qui s’imposent en l’absence de référentiel sur les outils des tailleurs de pierre à l’époque gauloise, les traces observées s’apparentent à un travail à la polka qui est un outil emmanché à deux tranchants, l’un parallèle au manche et l’autre perpendiculaire au manche, utilisé en percussion directe. Le travail de la sculpture débute ensuite par le détourage de la tête, dégageant le visage, détachant les épaules et l’arrondi de la nuque. Des traces piquées sont observées pour cette phase qui pourraient correspondre à un travail en percussion indirecte à la broche. S’en suit la réalisation des différents éléments du visage et en soulignant les volumes par un travail au ciseau, puis les détails et notamment les fines incisions réalisées avec des outils tels des râpes et des outils tranchants comme des lames ou des couteaux. In fine, la plupart des surfaces sont régularisées par égrésage, qui a pu s’effectuer grâce à des outils de type limes ou simplement par des petits blocs de grès fins, voire de toute autre roche finement abrasive.

Quelles différences et quelles similarités avez-vous pu observer entre les bustes dans les processus de mise en forme et de façonnage ?

Vérane Brisotto : Chacune des quatre statues présente une même structure générale : une base « en pointe » brute ou taillée (c’est le cas au moins pour l’une d’elle) destinée sans doute à être enchâsser dans un support ou un socle. Ces supports étaient-il fixes ? ou mobiles ?  Si ces sculptures sont des ronde-bosses, le grand buste, façonné par ailleurs dans un faciès de roche différent, et stylistiquement à part, affiche un travail plus soigné des parties du visage et de la chevelure ; l’arrière comme l’avant sont également exécutés alors que les petits bustes présentent une nette différence de traitement entre la face et l’arrière du crâne, dont même le volume est réduit. C’est le grand buste qui offre le plus détail anatomique allant jusqu’à figurer l’hélix et le targus des oreilles. Il porte barbe, moustache, dense chevelure et torque à tampons.

Quatre vues du buste d’un aristocrate gaulois avec un torque, retrouvé enfoui dans une fosse, Ier siècle avant notre ère

Quatre vues du buste d’un aristocrate gaulois avec un torque, retrouvé enfoui dans une fosse, Ier siècle avant notre ère

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Emmanuelle Collado, Inrap

La réalisation de ces bustes suit le même mode opératoire, avec des traces d’outils similaires, bien que plus diversifié sur le grand buste. Il est probable que les trois petits aient été taillés par le même atelier, voire le même sculpteur. Il est plus délicat de l’avancer pour le grand buste mais nul doute que la somme des différences observées ajoutée au fait qu’il ait été retrouvé à part dans une fosse quadrangulaire face contre sol, lui confère dans un statut particulier. Par ailleurs les zones de fracture répétées, notamment sur les têtes, suggèrent des mutilations volontaires, comme cela a été évoqué pour les bustes de Paule. À Trémuson, toutes ont subi l’action du feu avant d’être « rejetées ». Ce « rejet » a été minutieusement organisé, ce qui indique que ces représentations possédaient probablement encore une symbolique forte pour les personnes qui ont procédé à leur enfouissement. Le barbu a été déposé dans une fosse creusée pour l’accueillir, et les trois autres ont été « rejetés » au fond du puits, avec d’autres objets remarquables. 

L’hypothèse d’une présentation d’ancêtres, d’un lignage, est celle qui prévaut actuellement, comme pour les bustes de Paule, même si l’on ne peut complètement exclure d’autres vocations. Sans remettre en cause cette hypothèse généalogique, les exemplaires de Trémuson (notamment trois d’entre eux), semblent véritablement avoir été sculptés dans un temps proche. Si l’hypothèse de la représentation d’un lignage doit être retenue, il faut donc envisager que celui-ci est sans-doute reconstitué pour être présenté.




Véronique Guitton, xylologue


La fouille de Trémuson a-t-elle livré beaucoup de bois ?

Véronique Guitton :  Le puits a livré 460 pièces de bois gorgés d’eau qui, placés à l’abri de l’air, ont été préservées de tous les organismes qui auraient pu les attaquer. Les collègues de la CISAP ont ainsi extrait divers éléments d’architecture comme des madriers, des poutres, des planches, des perches ou poteaux. La plupart étaient fragmentés et partiellement carbonisés en surface, carbonisation qui signe probablement une phase d’incendie. Il y avait également des fragments de petits branchages, des déchets de taille et des éléments de petit mobilier. La quantité et la qualité de matériel conservé sont assez remarquables pour cette période dans l’ouest de la France. En ça, il est comparable aux bois découverts à Paule en rejet dans un puits. 


Même rejetés, ces bois demeurent exceptionnels ?

Véronique Guitton : Oui, non seulement certains sont très bien conservés, mais ces bois rejetés sont aussi représentatifs des modes de constructions et de la maîtrise des artisans gaulois, notamment en boissellerie, tournerie et outillage. Parmi ces mobiliers, on trouve un seau en chêne, de forme cylindrique légèrement plus étroite sur la partie haute. Il est remarquable car il possède une bonde sur le fond, fermée par un bouchon encore en place. Ce bouchon qui est en érable pouvait être retiré et devait être étanche grâce au système de fermeture qui dispose d’un petit épaulement. Nous avons également identifié un maillet en frêne, finalement complet malgré plusieurs fragmentations.

C’est probablement la fracture située au niveau de la mortaise qui a justifié son rejet. Le puits a par ailleurs livré un bel élément de bois tourné, un pied ou un montant, qui conserve parmi les différents fragments à décor de gorges et de tores, une de ses extrémités. Cette pièce présente plusieurs perforations indiquant l’emplacement des assemblages de menuiserie. Le travail de tournage est parfaitement maîtrisé et supporte très bien la comparaison avec des éléments de tournage moderne. Cet ensemble de petit mobilier nous donne de précieuses informations sur l’artisanat du bois et sur les activités et le mode de vie pratiqués sur le site.

Le cas du seau tripode en if, à usage rituel ou d’apparat est tout particulier, car à l’exception de quelques lacunes sur les éléments de décor et d’attache métalliques, il est intact. Il nous livre des informations rarement perçues sur les techniques utilisées en boissellerie car la plupart du temps, seuls les restes métalliques sont conservés. La finition obtenue, notamment grâce au choix de l’if, est très belle. Cela complique la reconnaissance des traces des outils qui ont permis de le façonner mais on a malgré tout pu observer, par exemple, le mode d’assemblage réalisé avec des goujons. Ce sont des petites chevilles en bois insérées dans les rives latérales pour renforcer la liaison des douelles. L’assemblage a ensuite été consolidé par deux cerclages métalliques, ici en alliage cuivreux. On a également reconnu le mode de débitage des six douelles qui forment la paroi (plot central et périphérie) ou encore estimer le diamètre des billes sélectionnées (15/20 cm).

Quels sont les buts et la méthode de l’étude xylologique ?

Véronique Guitton : Pour étudier les bois gorgés d’eau, il est primordial de les maintenir humides. En revanche, si on veut les conserver à plus long terme et les exposer, il faut passer par un traitement de conservation, qui consiste le plus souvent en une lyophilisation et une imprégnation au polyéthylène glycol (PEG). Pour Trémuson, le traitement des bois a été pris en charge par le laboratoire Arc’Antique. Le travail d’analyse du xylologue intervient de préférence en amont de ce traitement. Il consiste à déterminer les essences en prélevant directement sur les pièces de fins copeaux qu’on place sous lames minces pour les observer sous microscope. Ici, les bois d’architectures sont en chêne et en frêne, le maillet également en frêne, le seau tripode en if, la pièce tournée en érable, etc. Il consiste également à identifier l’outillage, le mode de débitage et les traces d’usure, afin de déterminer les techniques de mise en œuvre et le type de vie de l’objet.

Nous cherchons aussi, par l’observation des cernes de croissance, à restituer le gabarit des bois utilisés et à définir le milieu végétal qui a été prélevé. En effet, les cernes du bois enregistrent les conditions environnementales qui se répercutent sur leur croissance. Par exemple, ces bois attestent de l’exploitation de milieux ouverts. Ces analyses, qui sont dites dendrologiques, complètent celles effectuées par les dendrochronologues qui réalisent les datations. Et puis, comme pour beaucoup de disciplines archéologiques, on tente d’établir des typologies. Les datations obtenues à partir du petit mobilier correspondent à des productions situées entre le IIe et le Ier siècle avant J.-C.

D’un point de vue xylologique, ce matériel est classique : on retrouve des bois d’architecture, du petit mobilier, des déchets de taille et des bois naturels. Mais la qualité et la typologie du matériel de Trémuson est remarquable. Il témoigne de son appartenance à un statut élevé. Et donne son caractère exceptionnel à l’étude.




Anne-Françoise Cherel, spécialiste des mobiliers de l'âge du Fer


La mise au jour d'un seau tripode est-elle un fait rare en Bretagne ?

Anne-Françoise Cherel : La mise au jour de ce seau tripode en bois d’if est remarquable à plus d’un titre. D’une part, par son état de conservation exceptionnelle, et d’autre part par son décor inédit. Cette découverte unique en Bretagne, l’est tout autant par son contexte de trouvaille dans un puits, au sein d’un dépôt singulier. En effet, les quelques seaux tripodes cerclés et décorés de bronze d’Europe occidentale sont le plus souvent déposés dans des tombes très riches fréquemment qualifiées « d’aristocratiques ». Plusieurs seaux tripodes ont été trouvés à proximité de Trémuson, au sein de puits de la bourgade gauloise de Trégueux, mais ils ne sont pas décorés.

Qu'a donc ce seau tripode de si singulier ?

Au moment de sa découverte dans le puits, ce seau attirait tous les regards. La couleur étincelante de son décor ajouré en bronze contrastait avec la teinte noire du bois d’if imbibé d’eau, une essence pourtant connue pour sa toxicité, beaucoup plus rare que le chêne pour la fabrication des seaux gaulois. L’œil est tout de suite captivé par le décor brillant des appliques ajourées en bronze. Véritables prouesses techniques, elles sont rivetées et clouées contre la paroi bombée du seau mât, les têtes des rivets et des ferrures participant au décor en lui apportant du relief et de la couleur. Les appliques s’organisent en trois frises ornées horizontales séparées par deux cerclages. Ces derniers assurent la cohésion des pièces en bois. La frise inférieure a disparu, seuls les trous de fixation des plaques ornées subsistent. Des perforations visibles sous les pieds indiquent qu’ils étaient certainement ornés d’une feuille en métal ou en matériau périssable ensuite rabattue puis fixée avec des ferrures. Le rythme continu du décor est donné par la répétition des motifs sur un support cylindrique qui donne en outre du volume à la composition.
 

Pourriez-vous caractériser le décor du seau ?

Le registre principal est imposant, et mesure en hauteur le double des autres frises. Il est constitué de trois appliques ajourées, répétées à intervalles réguliers sur le pourtour du seau. Le motif zoomorphe évoque un animal fantastique actuellement en cours d’étude. Toute l’organisation générale du décor du seau repose sur une alternance de rythmes ternaires et binaires, notamment induits par des effets de symétrie. Malgré l’impression de symétrie, les motifs ne sont toutefois pas réguliers. S’il existe un schéma directeur dans l’organisation générale du décor, son tracé n’est pas rigoureux. Ce qui compte c’est l’impression générale, le rendu à l’œil à partir de canons intégrés (formes géométriques réalisées au compas) qui ne sont pas restitués avec rigueur. La réalisation du décor laisse libre cours à la créativité, tout en tenant compte des contraintes imposées par les matériaux.




Stéphanie Hurtin, gestionnaire de collections Bretagne


Comment ont été pris en charge les statues et le seau ?

Stéphanie Hurtin : Face à leur intérêt scientifique et patrimonial, j’ai tout de suite été alertée. Nous avons dû jongler entre nos contraintes de conservation préventive et les sollicitations médiatiques. Très rapidement, un mode opératoire a été élaboré impliquant la participation de Stéphane Bourne, de l’encadrement et du service régional de l’archéologie.

Il faut rappeler que l’exhumation des objets est un moment critique car ils vont devoir subitement s’acclimater à un nouvel environnement, après un long séjour dans le sol. C’est la raison pour laquelle il faut avoir les bons réflexes. Notre responsabilité est de préserver les données scientifiques mais aussi d’anticiper la conservation de ces objets à long terme.

Notre mission est de veiller aux premiers gestes de prévention, d’organiser un suivi sanitaire, tout en assurant la sûreté de ces objets dont la valeur est inestimable. Prenons l’exemple  du seau, stocké dans un lieu frais, il a dû être laissé en eau, mais dans une eau déminéralisée, afin  de limiter la corrosion du métal. Concernant les statues, il fallait éviter les moisissures qui se développent dans un espace confiné et trop chaud, mais aussi l’assèchement des dépôts terreux, ce qui aurait pour conséquence de faire disparaître d’éventuelles traces de polychromie peu adhérente.

En quoi consiste le travail de conservation-restauration de ces objets ?

Stéphanie Hurtin : Dans un premier temps, les objets ont été réceptionnés au centre archéologique Inrap de Cesson Sévigné, puis transférés rapidement dans des laboratoires de conservation- restauration qui répondaient aux préconisations du Service régional de l’archéologie (SRA) : le laboratoire AntePostQuem pour les statues et Arc’Antique pour les bois. L’objectif de l’envoi en laboratoire était double : réaliser une expertise des objets et faire des propositions de traitements pour une mise en état pour étude et une conservation. Les statues ont fait l’objet d’un nettoyage à sec minutieux sous lunettes loupes et loupe binoculaire. Pour le seau, en revanche, la situation était bien plus complexe. En effet, il s’agit d’un objet composite, en bois et en métal (alliage ferreux et alliage cuivreux) ; des matériaux qui exigent des traitements radicalement différents. Il fallait le stabiliser tout en sachant que la lyophilisation (séchage) pouvait avoir un impact sur les composantes et la cohésion du seau.

En cours d'intervention au laboratoire AntePostQuem.

En cours d'intervention au laboratoire AntePostQuem.

© AntePostQuem, Inrap

Le délai de la fouille au musée a été très rapide. Quel regard portez-vous sur ces opérations en tant que gestionnaire de collections ?

Stéphanie Hurtin : Durant deux ans, ces biens archéologiques ont été questionnés par l’équipe scientifique de l’Inrap en charge de l’étude du site mais également par les laboratoires. C’est toutes ces interventions qu’il a fallu « orchestrer » en veillant aux bonnes conditions de stockage, à la préparation de leur transport lors de mouvements, aux manipulations adéquates, au dialogue entre archéologues et conservateurs-restaurateurs, etc. Actuellement, ces biens archéologiques ont rejoint les vitrines de l’exposition « Celtique? ». Comme nous avons côtoyé ces objets, nous connaissons tous leurs points de fragilité que nous avons pu documenter et transmettre au musée. Il est rare que des objets rejoignent  aussi vite des collections des musées. C’est exceptionnel. Deux ans peut paraître long, mais en fait tout s’est enchaîné très vite, avec de nombreuses étapes et parfois des décisions importantes à prendre collectivement. Aujourd’hui, nous pouvons « souffler » et suivre de loin leur « vie muséale ».



 

Affiche Celtique ?

Pour la première fois, les découvertes de Trémuson sont présentées au public, dans le cadre de  l’exposition « Celtique? ». Cette exposition, proposée par le Musée de Bretagne (Rennes, les Champs libres), en partenariat avec l'Inrap, aura lieu du 18 mars au 4 décembre 2022.