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Rennes : le quartier de l’Hôtel Dieu à l’époque gallo-romaine (Ille-et-Vilaine)
Une équipe de l’Inrap mène une fouille sur le site de l’ancien hôpital de l’Hôtel Dieu à Rennes et met au jour les vestiges d’un quartier d’habitation au nord de la ville romaine de Condate, occupé entre Ier et le IIIe siècle, ainsi que les traces d’un vaste sanctuaire et une partie d’une nécropole des IVe-VIe siècles.
En amont de la requalification du site de l’ancien hôpital de l’Hôtel Dieu par Linkcity, développeur immobilier de Bouygues Construction, en partenariat avec la collectivité et la SEM Territoires, sur un terrain appartenant à l’Établissement Public Foncier de Bretagne, l’intervention fait suite à une première phase qui s’est déroulée en 2022, environ 80 mètres plus au sud. Prescrite par les services de l’État (Drac Bretagne, service régional de l’archéologie), l’opération, d’une surface globale de 5 600 m², complète les fouilles menées ces dernières années dans le quartier (îlot de la Cochardière en 2016-2017 et parc des Tanneurs en 2017 et 2018). Ensemble, ces investigations renouvellent l’histoire de ce secteur nord de Rennes antique, depuis sa fondation jusqu’à la construction de l’hôpital au XIXe siècle.
Petite lampe à huile trouvée sur le secteur fouillé en 2022.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Un quartier dynamique de Condate, la ville antique
Les vestiges antiques découverts en 2022 et 2024 s’organisent autour d’une rue nord-sud (cardo) et de deux axes est-ouest (decumanus) qui se croisent à angle droit et délimitent des îlots urbains aux fonctions variées. Les premières chaussées apparaissent dès la fondation de la ville, après des travaux de défrichement et de terrassement de grande ampleur. L’intérieur des quartiers est occupé peu à peu par des édifices sur poteaux de bois et sablières basses où se mêlent activités économiques et habitats.
La fin du Ier siècle signe de profonds changements, marqués notamment par l’introduction de la maçonnerie. Un grand sanctuaire, comprenant une cour dédiée à l’accueil des fidèles, est édifié. Il succède à un édifice de nature similaire construit en bois et érigé au début de notre ère. Des entrepôts, des boutiques et des résidences employant la pierre font leur apparition. Les voiries initiales sont refaites, intégrant pleinement le quartier à la ville, alors en plein essor.
Fouille manuelle et mise au jour de maçonneries antiques.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Au IIIe siècle, un sanctuaire et un secteur résidentiel
Les archéologues ont mis au jour en 2024 le mur nord clôturant la cour du sanctuaire (area sacra). Longue de plus de 100 mètres, celle-ci accueille au moins un temple dans sa partie nord, tandis qu’au sud une partie d’une rue orientée est-ouest est intégrée au complexe religieux. La taille de ce dernier, unique à l’échelle de la ville de Rennes, laisse penser qu’il pourrait s’agir du sanctuaire civique de la cité des Riédons connu seulement par des inscriptions découvertes en réemploi notamment dans les fondations de la muraille du IIIe siècle.
À cette période, le quartier compte aussi plusieurs grandes résidences privées (domus). L’une d’elles comporte une vaste salle de réception à exèdre (espace où siégeait le propriétaire lorsqu’il recevait ses clients ou ses hôtes) chauffée par le sol grâce à un hypocauste. Les élévations internes sont couvertes de peintures dont de nombreux fragments ont été retrouvés. À la fin de l’Antiquité, l’un des murs de cette domus est abattu. Il a été retrouvé écroulé sur le sol de béton d’une autre grande pièce.
Réalisation d’un sondage dans la zone du sanctuaire, à l’emplacement supposé du temple.
© Sandrine Lalain, Inrap
Grande pièce de la domus et restes d’hypocauste (chauffage par le sol).
© Cyril Cornillot, Inrap
Au IVe siècle, place à une carrière et à une nécropole
La fin du IIIe siècle consacre le déclin du quartier. Le sanctuaire public est démantelé et les pierres du mur de clôture sont récupérées, peut-être au moment de la construction du castrum vers 270-280. Au nord-ouest de la fouille, à la même période, une domus est entièrement démontée lors de l’ouverture d’une carrière destinée à l’extraction de sables alluviaux. Pour autant, certaines résidences sont encore occupées au IVe siècle et marquent toujours le paysage d’après les mobiliers découverts.
À la fin du IIIe siècle ou au début du suivant, un espace funéraire s’installe dans les secteurs en ruines. Le cimetière, en fonction jusqu’au VIIIe siècle, comporte plus de 600 tombes (une cinquantaine dans l’emprise de fouille actuelle) et s’étend au nord jusqu’au Parc des Tanneurs. Sa limite ouest est fixée par un cardo, au sud par l’ancien sanctuaire. Les sépultures, organisées en rangées, sont orientées est-ouest. Les défunts sont inhumés en pleine terre, en linceul ou dans des cercueils en bois.
Dégagement minutieux d’un squelette.
© Sandrine Lalain, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bretagne)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Romuald Ferrette, Inrap
Directeur adjoint scientifique et technique : Michel Baillieu, Inrap