À proximité immédiate du cœur du bourg médiéval et moderne, l’Inrap a mis au jour en 2019 un cimetière de transition daté du XVIIIe siècle. Les données archéologiques couplées à une étude historique permettent aujourd'hui de retracer l’historique de ce cimetière. 

Dernière modification
04 septembre 2023

Créé vers 1740-1746, suite à la saturation du cimetière paroissial localisé autour de l’église Saint-Pierre, en lien avec l’explosion démographique de la ville d’Yvetot (essor de l’industrie du coton), le cimetière est à son tour rapidement saturé. Son utilisation aura été brève (moins d’une cinquantaine d’années) puisque sa fermeture est actée en 1783 (date de la dernière inhumation).


Un cimetière de transition du XVIIIe siècle

Malgré une densité et un enchevêtrement important des tombes, la fouille a permis d’observer une gestion raisonnée du cimetière au travers de trois grandes phases chronologiques. Les deux premières phases, les plus conséquentes en nombre de sépultures (322 pour la phase I et 91 pour la phase II), se suivent dans le temps. Leur altitude, leur orientation quasi-similaire (sud-ouest/nord-est pour la première, ouest-sud-ouest/est-nord-est pour la deuxième) et le comblement des vides existants par les sépultures de la deuxième phase montrent une continuité entre les inhumations de ces deux premières phases. La parcelle sud du cimetière est alors complétement occupée, ce qui nécessite un changement d’organisation pour les inhumations suivantes. Afin, très probablement, d’éviter des problèmes de salubrité et d’hygiène lors du remaniement des anciennes tombes, un remblaiement du cimetière est effectué. Quatre-vingt-quinze nouvelles tombes sont alors installées (phase III). Leur orientation change radicalement puisqu’elles sont désormais orientées nord-ouest/-sud-est et de nouvelles rangées apparaissent. Le cimetière sera ensuite progressivement abandonné au profit du nouveau cimetière communal Saint-François, ouvert en 1775.

Des sépultures étudiées par les anthropologues… et les xylologues

Les pratiques funéraires révélées par la fouille sont homogènes et classiques pour la période moderne. Les défunts sont inhumés sur le dos, les membres inférieurs allongés, dans des cercueils en bois majoritairement de forme trapézoïdale pour les adultes et rectangulaire pour les enfants. L’étude xylologique réalisée par Nima Saedlou (laboratoire Xylotree) indique que les cercueils sont réalisés à partir d’essences locales (principalement du hêtre, plus rarement du frêne, du chêne et de l’orme), parfois mélangées. Plusieurs types de dépôts ont été observés lors de la fouille et notamment des inhumations strictement superposées entre elles. Les cercueils des défunts sont alors séparés par une couche de terre, épaisse de vingt centimètres environ. Il pourrait s’agir des premières concessions funéraires de type concessions familiales. Dix-sept d’entre elles associaient un individu immature avec un adulte.

Yvetôt 4

Reste de traverses d'un cercueil. 

© Marine Drieu, Inrap 

Un mobilier funéraire rare et remarquable

Douze tombes ont livré du mobilier funéraire déposé ou porté par les défunts. Les objets découverts sont principalement des bijoux ou des objets de dévotion dont certains sont fabriqués en matériaux précieux (or, argent). Ces derniers sont associés indifféremment à des adultes ou à des enfants même si certains dépôts, comme le pendentif en forme de colombe, semblent plutôt être un symbole juvénile. Un pendentif reliquaire en argent a aussi été retrouvé sur l’abdomen d’un homme âgé ; il était vraisemblablement dans la poche droite de son vêtement (sépulture 618). Son contenu a été étudié par Fabienne Médard (laboratoire Anatex). Il contenait des restes humains (cheveux, peau, os) et textiles. Ces derniers remarquablement fins attestent un certain luxe, compte tenu des techniques mises en œuvre et des matériaux employés (notamment un fond de soie rehaussé de fil d’or). L’hypothèse d’un fragment d’ornement de tête (chapeau ?) a été proposé pour le contenu de ce reliquaire.


 

Aménageur : Logéo Seine-Estuaire
Contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie (Drac Normandie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Raphaëlle Lefebvre, Inrap