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Un exceptionnel village ceinturé du Néolithique final et du Bronze ancien à Saint-Geniès-de-Fontedit (Hérault)
Avant la construction d’un lotissement à Saint-Geniès-de-Fontedit, une équipe d’archéologues de l’Inrap a investi une surface d’un peu plus d’un hectare afin de fouiller un village édifié au Néolithique et préservé depuis presque 4500 ans sous quelques dizaines de centimètres de terre arable. Près de 180 structures ont été fouillées entre novembre 2021 et avril 2022.
Vue aérienne du site de fouille de Saint-Geniès-de-Fontedit.
© V. Lauras, Inrap
Les vestiges découverts consistent en un réseau de creusements sinueux correspondants à des fossés et des tranchées de palissade, des caves de stockage matérialisées par des creusements ovales profonds, ou encore des fours semi-enterrés ou des silos destinés à la conservation des céréales. Dans l’ensemble de ces creusements, un abondant mobilier, essentiellement composé de vaisselle cassée, de meules destinées à la fabrication de farine et d’ossements de faune, renseigne sur le mode de vie de ces anciennes communautés paysannes.
Fossé en cours de fouille.
© V. Lauras, Inrap
Vase néolithique déposé dans une petite fosse.
© M. Gandelin
Soubassement en pierre d’un bâtiment du Bronze ancien.
© V. Lauras, Inrap
Les restes d’un bâtiment au soubassement de pierre rendent compte d’une forme d’architecture mixte associant pierres, terre et végétaux jusque-là inconnue dans les plaines languedociennes.
Plusieurs inhumations, dont une remarquable tombe monumentale, ont également été découvertes sur ce site qui connaît plusieurs phases d’occupation situées entre la fin du Néolithique et l’âge du Bronze.
Un réseau complexe de fossés et de palissades
Les fouilles ont révélé un réseau complexe de fossés et tranchées de palissades qui venaient ceinturer un vaste habitat dont les parties aériennes ont aujourd’hui disparu. Les plus grands de ces fossés font plus de 2 mètres de profondeur alors que des creusement plus étroits et moins profonds correspondent probablement à des tranchées liées à l’installation de poteaux qui devaient participer à la construction d’une palissade ou d’un rempart. Cette volonté de retrancher les habitations derrière de telles constructions est fréquente à la fin du Néolithique et pourrait traduire une tradition architecturale particulière, une nouvelle façon de percevoir l’intégration des villages dans le paysage ou être le témoin d’une instabilité politique et d’une volonté de se protéger. Le réseau complexe des fossés découvert à Saint-Geniès résulte du recoupement de plusieurs enceintes successives qui témoignent de la longue durée d’occupation du site.
Fossé et tranchée de palissade.
© V. Lauras, Inrap
Coupe stratigraphique d’un fossé néolithique.
© F. Messager, Inrap
Fossé néolithique en cours de fouille.
© M. Gandelin, Inrap
Quelques structures inédites, comme un petit fossé en forme de C ou une interruption en L, restent assez énigmatiques et peuvent correspondre à des aménagements particuliers situés à proximité de l’entrée principale du village.
Les premières datations obtenues sur ces aménagements situent leur édification entre 2500 et 2200 avant notre ère, ce qui correspond à la dernière phase du Néolithique final languedocien (Chalcolithique).
Des inhumations en fosses domestiques réemployées
Plusieurs inhumations ont été retrouvées dans des structures domestiques abandonnées. Trois individus étaient déposés dans un grand aménagement riche en éléments d’architecture en terre crue. Un enfant se trouvait déposé sur la sole d’un four et plusieurs individus étaient déposés au fond de silos ou de caves.
Inhumation déposée dans une fosse-carrière abandonnée.
© J. Rouquet, Inrap
Le statut de ces inhumations interroge à une époque où le lieu d’inhumation était très majoritairement en sépulture collective au sein de monuments mégalithiques ou de cavités naturelles.
Inhumation déposée contre la paroi d’une grande cave néolithique.
© C. Palletier, Inrap
Des témoins du Campaniforme international
Une petite resserre de stockage a livré un lot de tessons de céramique décorés se rapportant à des gobelets de style campaniforme international. La découverte de ce type de céramique reste exceptionnelle et est le témoin des premières interactions entre les populations néolithiques locales et les groupes campaniformes.
Resserre à logettes qui a livré les restes de plusieurs petits gobelets campaniformes.
© R. Marsac, Inrap
Une occupation fossoyée du Bronze ancien
Certains fossés, datés au radiocarbone entre 2000 et 1900 avant notre ère, contenaient un comblement essentiellement composé de blocs de pierre qui pourraient témoigner de l’existence de puissants remparts aujourd’hui disparus. Dans un secteur, un squelette de vache presque complet se trouvait au fond d’un fossé.
Fossé de Bronze ancien comblé de blocs de pierre. Ces derniers recouvrent le squelette presque complet d’une vache.
© M. Gandelin, Inrap
Les côtes ont été sectionnées et écartées pour permettre le prélèvement de certains organes internes tel le cœur ou les poumons, deux des pattes ont été arrachées et les cornes ont été coupées. Trois crânes de bovins, probablement exposés avant leur enfouissement, accompagnaient ce dépôt qui reste sans équivalent.
Un plan de bâtiment en pierre inédit du Bronze ancien
Fait inédit dans les sites de plaine du Languedoc centre, des bases de mur de pierres ont été découvertes. Une portion de mur permet de reconnaître l’extrémité en abside d’un imposant bâtiment mesurant 6 m de large pour une longueur qui devait dépasser les 10 m. Cette base de mur se compose de deux rangées de blocs. Ceux disposés vers l’intérieur du bâtiment sont des blocs fins sur chant alors que ceux de la paroi extérieure sont plus massifs.
L’espace entre les pierres pouvait recevoir des poteaux et il est probable que la partie haute du mur était en bois et en terre crue. Seule les premières assises devaient être en pierre. Ce matériau, qui offre une meilleure résistance, est souvent privilégié pour les parties basses des murs qui sont les plus exposées aux intempéries.
Cette découverte documente pour la première fois la forme des maisons du début de la Protohistoire dans les plaines du Languedoc central.
Un exceptionnel monument funéraire mégalithique
Un grand coffre funéraire mégalithique, entouré d’une couronne de pierres et, probablement, recouvert, par le passé, d’un tumulus en terre, est le témoin inattendu et inédit d’une manifestation funéraire qui doit dater du début de la Protohistoire. Dans ce coffre, deux individus ont été déposés successivement. Le dépôt du second corps a perturbé les ossements du premier qui sont apparus dans un important désordre. L’origine de la présence d’un os long provenant d’un troisième sujet reste énigmatique. Aucun mobilier n’était associé aux défunts si bien qu’il est difficile de dater précisément cette sépulture. On sait que sa construction est postérieure à un four du Néolithique final qu’elle recoupe. La datation par le radiocarbone des ossements des défunts permettra de préciser si elle date de la fin du Néolithique ou d’une période plus récente puisque des coffres funéraires de ce type datent souvent du Bronze ancien.
Recherches archéologiques : Inrap
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie, Drac Occitanie
Responsable scientifique : Muriel Gandelin, Inrap