Vous êtes ici
Un théâtre antique en bois près de Reims (Marne)
À 15 km de Reims, l'ancienne Durocortorum, les archéologues de l’Inrap ont mis au jour un ensemble de structures correspondant vraisemblablement à un théâtre romain en bois. Tranchées renforcées et poteaux soutenaient ainsi les gradins de ce grand édifice dont le diamètre restitué pouvait atteindre plus de 65 mètres.
Ces vestiges ont été découverts lors d’une fouille archéologique prescrite par l’État (Drac Grand-Est), en amont de la construction de nouveaux logements dans le village de Boult-sur-Suippe (Marne). L'opération a révélé les vestiges de la cavea d’un théâtre en bois. Ce grand édifice de spectacle bâti à moins de 300 mètres de la Suippe s’inscrit parfaitement dans le modèle des théâtres de Gaule romaine. De nombreux groupements et alignements de traces de poteaux ont permis de mettre en évidence les éléments architecturaux aujourd’hui disparus.
Orthophotographie du secteur 2 en cours de fouille.
© David Duda
Un théâtre en bois (theatrum ligneum)
Cet édifice apparaît sous la forme de plusieurs tranchées d’installation semi-circulaires et concentriques, dans lesquelles ont été insérés des poteaux. Ces tranchées sont complétées par de grands ensembles de poteaux et piquets, circulaires comme quadrangulaires, qui révèlent des alignements visibles dès la phase de terrain. Les poteaux les plus massifs sont calés par des nodules de craie compactés ce qui les rend très solides. Parmi ces alignements se démarquent de petites fosses rectangulaires qui peuvent avoir servi à l’implantation de pieux verticaux permettant de contenir une partie du remblai interne de la cavea. Ce remblai devait initialement soutenir les gradins (en bois ou formés de simples levées de terre concentriques) en créant une pente artificielle. Un ensemble de structures linéaires parallèles et interrompues au sud peuvent avoir participé au soutènement de la cavea.
Secteur 1, poteaux et niveaux de travail en craie et mortier.
© Anne-Laure Edme
Secteur 2, alignement de poteaux possédant un calage en craie.
© Anne-Laure Edme
Secteur 2, poteaux et tranchées d'installation.
© Anne-Laure Edme
Une architecture mixte ?
Il est intéressant de noter la présence d’une grande fondation semi-circulaire dans le secteur est. Elle reprend l’axe des tranchées d’installation citées plus haut. En grande partie récupérée, cette fondation monumentale mesure près de 8 m de large et pourrait correspondre au mur périmétral de la cavea. Elle présente un mur composé de blocs de silex liés au mortier dans sa partie externe et un blocage de silex et de sable grossier reposant sur de gros blocs de grès et scellé par une couche de mortier. Deux contreforts – suivant le même schéma de construction – soutiennent la structure. La présence de cette fondation empierrée pourrait s’expliquer par des raisons structurelles et géologiques. En effet, l’hypothèse a été émise très tôt que certains théâtres auraient possédé une architecture mixte, combinant des fondations maçonnées et des gradins de bois. Le substrat géologique du secteur ouest est composé de craie, que l’on atteint à environ 1,60 m sous le niveau de sol actuel : une superstructure maçonnée n’était donc potentiellement pas nécessaire. Au contraire, la zone présente un substrat bien différent, composé d’un mélange de sable et de graviers issu des alluvions anciennes de la Suippe. Ces alluvions apparaissent dès 2 m sous le niveau actuel et sont assez épais. En effet, un sondage a révélé la présence de craie à 1,50 m sous les alluvions, soit à 2,15 m sous le niveau d’apparition des structures antiques.
Secteur 1, la fondation du mur périmétral en cours de dégagement.
© Anne-Laure Edme
Secteur 1, maçonnerie et alignement de poteaux.
© Anne-Laure Edme
Un édifice en cours de monumentalisation ?
La présence de la fondation empierrée n’étant attestée que dans le secteur est, l’hypothèse d’une phase de travaux est envisagée. Plusieurs éléments confortent l’idée de travaux potentiellement non achevés : lambeaux de sols de travail, poteaux et piquets liés à un système d’échafaudage, absence de fondation empierrée dans le secteur ouest. De plus, les tranchées semi-circulaires observées dans le secteur ouest se prolongent dans le secteur est et sont recouvertes par l’imposante fondation de pierre. Celle-ci semble légèrement plus large que la distance initiale entre les deux tranchées principales. Il n’est malheureusement pas possible de dire si cette structure visait à supporter une architecture maçonnée. Il parait plus probable que des gradins en bois, similaires à ceux présent dans le secteur ouest, venaient surmonter cette fondation renforcée.
Bloc d'architecture mis au jour sur site.
© Agnès Balmelle
L’édifice a subi une intense récupération, tant au niveau de sa possible élévation en pierre (un seul bloc d’architecture a pu être mis au jour) que de la fondation. En l’état, il est donc impossible de dire si une élévation en pierre était en cours d’installation ou si seules les fondations ont été partiellement maçonnées. Dans tous les cas, les lambeaux de sols de travail mis au jour laissent entrevoir une phase de travaux, liée à l’installation du monument en dur et peut-être partiellement à sa récupération.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Anne-Laure Edme, Inrap