Située dans le centre urbain ancien de Lodève, une maison dont les origines remontent au XIIe siècle est étudiée par une archéologue spécialiste du bâti de l’Inrap en vue d’une prochaine valorisation.

Dernière modification
16 février 2023

Un diagnostic de bâti a été mené à la fin de l’année 2022 suivant la prescription du de l’État (DRAC Occitanie) avant la réhabilitation d’un bâtiment du centre-ville, dans le cadre de la mise en valeur du patrimoine bâti engagé depuis plusieurs années par la municipalité.
 

Une première phase d’étude

Les observations archéologiques ont été réalisées depuis l’intérieur et depuis les échafaudages posés devant les deux façades en retour concernées par les travaux. Les étapes du décroûtage ont été réalisées conjointement à l’étude de bâti : l’extérieur a été traité par une entreprise, les sondages intérieurs ont été ouverts par les archéologues. Ainsi, le dialogue entre les deux équipes au travail (entreprise et archéologues) et l’architecte en charge de la restauration de l’édifice a permis une avancée harmonisée de l’enlèvement des enduits et l’étude des maçonneries.

Au stade du diagnostic, l’objectif de l’étude de bâti consiste en une expertise des vestiges qui dresse un état des élévations, leur qualité de conservation, leur densité par état et les potentialités d’enrichissement thématique (les décors avec les enduits peints, les aménagements domestiques…). Le bilan archéologique est complété par des relevés qui serviront tout à la fois à l’architecte en charge de la mise en œuvre de la restauration de l’édifice et à l’étude archéologique qui vise à la restitution du schéma d’évolution du bâtiment. Au terme de cette première approche, le Service Régional de l’Archéologie décidera de la pertinence d’engager ou non une fouille plus approfondie, en tenant compte des projets de réhabilitation de l’intérieur de l’édifice.

Bâtiment après l’enlèvement des échafaudages, depuis le nord-est.  Une maison médiévale fait l'objet d'une étude  de bâti à Lodève (Hérault), en 2023.
Bâtiment après l’enlèvement des échafaudages, depuis le nord-est.  Une maison médiévale fait l'objet d'une étude  de bâti à Lodève (Hérault), en 2023.
© Vincent Lauras, Inrap

Une maison médiévale inédite

Située 22 rue Neuve des Marchés, la maison prend place en bordure d’îlot, avec une façade sur rue et une autre sur la « Place aux herbes » localisée au débouché de plusieurs artères principales. Le bâtiment, dont le rez-de-chaussée ouvrait sur boutique, s’affiche dans la ville et bénéficie, par les larges ouvertures, d’une luminosité précieuse dans le parcellaire urbain étroit des villes médiévales. Le répertoire des ouvertures, ménagées successivement, reflète de façon ostentatoire les moyens du propriétaire de la maison.

Lodève 11

Extrait du cadastre dressé au début du XIXe siècle.

© Archives départementales de l’Hérault

Le bâtiment étudié est tronqué d’une moitié, a minima, de son emprise d’origine qui est estimée à 84 m2. De forme rectangulaire, la partie orientale étudiée concerne une portion de 7 m de longueur pour la façade sur rue et de 4 m sur le retour oriental en partie masqué par les parcelles limitrophes.

L’édifice d’origine, datable des XIIe-début XIIIe siècle, associe, sur une hauteur de 9 m au niveau de la rue actuelle, le rez-de-chaussée et un étage construits en pierres de taille. Au rez-de-chaussée, une grande baie à arc segmentaire ouvre sur la boutique tandis qu’une porte en plein cintre jouxtant la baie donne accès à l’étage, où le bâtiment est divisé en plusieurs espaces, mais dont seul celui délimité à l’est a été observé : d’une superficie de 28 m2, cette salle noble est éclairée en façade nord par deux baies géminées en plein cintre, clavées, les arcs reposant sur une colonnette aujourd’hui disparue, et, en façade orientale, par une baie mal conservée, restituée à l’identique de celles ouvertes au nord. Le cordon qui courrait sur l’ensemble de la façade nord, sous l’assise d’appui des baies, a été buché, le décor qui l’ornait reste inconnu.

Cet étage fera l’objet d’une modification à l’époque médiévale : le second état est caractérisé par l’ouverture d’une nouvelle baie ménagée en façade orientale, d’une hauteur de 2,40 m et d’une largeur restituée de 1,52 m, et comportant un arc en plein cintre mouluré.

Les deux étages supérieurs sont constitués de pan de bois non porteurs attestés au travers des solives dont l’about a été scié, et par les piliers et les colonnes, supports tout à la fois des murs en retour du pan de bois et de la toiture. Le pan de bois inférieur a été conforté par plusieurs aisseliers ; leur utilisation soulage les maçonneries du poids que représentent les solives directement posées sur les murs, malgré la présence de sablière à l’arrière des maçonneries. La disposition du surplomb supérieur, par rapport à l’encorbellement du premier étage, n’est pas documentée et il est impossible de déterminer si les deux niveaux construits en pan de bois étaient alignés en façade ou disposés en surplomb successif.

Des aménagements jusqu’à l’époque moderne

L’époque moderne est caractérisée essentiellement par la reprise des ouvertures et la segmentation des niveaux intérieurs. Les baies sont mises au gout du jour avec de grandes ouvertures à meneau et croisée, un plafond est installé dans l’ancienne salle noble du premier niveau. Le tout aboutit à la création de quatre étages, l’espace d’habitation est transféré au troisième. Le bâtiment est alors divisé en deux parcelles, a minima. De provenance locale, le travertin, ou tuf calcaire, mis en œuvre dans les reprises de murs a été observé à la loupe par S. Fouché (Musée de Lodève). Certaines des feuilles visibles, bien qu’incomplètes, sont identifiées comme possiblement des feuilles d’orme (Ulmus), de ronces (Rubus), de vigne (Vitis), de chêne (Quercus), de pistachier de térébinthe (Pistacia terebinthus) et de lierre (Hedera helix).

Une étude dendrochronologique a été engagée par Frédéric Guibal (UMR 7283 AMU-CNRS-IRD-UAPV). Toutefois, le faible nombre de cernes disponibles sur l’ensemble des bois échantillonnés, témoin de l’emploi exclusif d’arbres très jeunes, n’a pas permis de dater l’année d’abattage des arbres employés.
Si une étude complémentaire est prescrite par le SRA, des prélèvements sur les bois en place devraient être réalisés, afin de les soumettre à une datation par le radiocarbone, qui sera déterminante pour comprendre l’évolution du bâtiment et cerner la mise en place des niveaux en pan de bois. L’étude de cette maison n’est donc pas terminée !

Aménagement : Agence Régionale Aménagement Construction Occitanie
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie Montpellier (Drac Occitanie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable de recherche archéologique : Agnès Bergeret , Inrap