À Arras, l’Inrap a fouillé une nécropole à inhumation du Bas Empire. Pas moins de 130 tombes ont été mises au jour, dont un sarcophage en plomb et un autre en calcaire, venant affiner les connaissances régionales sur les pratiques funéraires et la gestion de l’espace sépulcral durant l’Antiquité tardive.

Chronique de site
Dernière modification
29 septembre 2022

À l’occasion du projet de transformation et d’extension d’un supermarché à Arras, par la Société Immaldi, le Service archéologique de la ville d’Arras a réalisé une opération de diagnostic en juillet 2020 qui a révélé une nécropole à inhumations, et notamment un sarcophage en plomb, dont la typologie du contenant et du décor a permis de dater la tombe au IVe siècle ap. J.-C. Par extension, et en l’absence d’autres éléments de datation, l’ensemble sépulcral est, pour l’heure, attribué à cette période. Si le projet d’aménagement couvre une superficie de 6846 m², l’emprise de la fouille réalisée par l'Inrap en automne 2021 n’a porté que sur la zone impactée en sous-sol par l’extension du supermarché. Celle-ci, d’environ 1400 m², est contigüe de la façade est du bâtiment actuellement en élévation.

Alignement de tombes le long de la façade du supermarché.

Alignement de tombes le long de la façade du supermarché.

© Inrap

 

Organisation de la nécropole

La nécropole couvre l’ensemble de l’emprise de l’opération, et s’étend même au-delà. En effet, si la limite méridionale semble être identifiée, il n’en est rien des limites septentrionale, occidentale et orientale. À l’ouest, des tombes passent sous l’ancien supermarché ; à l’est, elles continuent dans la parcelle voisine. Au nord, une raréfaction des tombes suggère toutefois que la limite septentrionale peut être proche, sans qu’elle ait pu être formellement identifiée.

Les tombes s’implantent dans un substrat crayeux compact et suivent un axe globalement sud-ouest/nord-est – avec quelques variations est/ouest ou encore ouest-nord-ouest/est-sud-est. Les fosses sont quadrangulaires, parfois relativement grandes par rapport à l’individu inhumé. Leurs dimensions sont très variables, jusqu’à atteindre 3 m de long, 1,80 m de large et 2 m de profondeur pour les plus importantes.
Malgré une forte densité, on n’observe que peu de recoupements entre les tombes. Ceux-ci sont assez anecdotiques, indiquant très vraisemblablement la présence d’un marquage aujourd’hui disparu : simple levée de terre sur la tombe ou aménagement plus pérenne ; nous n’en avons aucune trace.

Arras 1

Le bâtiment actuel du supermarché est implanté sur un nombre indéterminé de sépultures. La profondeur d’enfouissement des tombes fait que, pour certaines d’entre elles, la construction du bâtiment ne les a pas impactées. 

© N. Gryspeirt, Inrap

Architecture et mobilier funéraires

L’architecture des tombes est assez homogène. La majorité des individus sont inhumés dans un cercueil cloué posé directement au fond de la fosse sépulcrale. Le bois n’étant pas conservé, celui-ci est matérialisé par la présence des clous, de dimensions plus ou moins importantes.
Dans quelques cas, un coffrage de bois supplémentaire a été observé, comme l’atteste la présence d’équerres clouées aux angles du coffrage dans certaines tombes. 

Parmi les 130 tombes mises au jour par l’Inrap au cours de la fouille de 2021 d’une nécropole à inhumation du Bas Empire, un sarcophage en plomb a été découvert. Il est très similaire à celui dégagé au cours du diagnostic archéologique préalable à cette opération et réalisé par le service archéologique de la ville d’Arras, ces deux sépultures sont datées du IVe siècle ap. J.-C.. 

Sur le couvercle et les parois se devinent un chrisme (motif où les deux premières lettres du nom du Christ en grec sont entremêlées) et une croix de Saint-André, typiques de cette époque. Les deux sarcophages, enterrés à 2,50 m de profondeur ont malheureusement été écrasés sous le poids des blocs de craie du comblement des tombes.
Les archéologues ont pu procéder à leur ouverture avec un équipement adapté à la protection de la pollution par le plomb. Ils ne contiennent que les restes osseux moyennement conservés, de deux individus adultes, sans aucun mobilier d’accompagnement.

Un sarcophage en calcaire, complet avec son couvercle et renfermant les restes d’une femme âgée, a été découvert juste à côté du second sarcophage en plomb. Le caractère imposant et prestigieux de ces architectures funéraires questionne dans une nécropole par ailleurs quasiment dépourvue de dépôts d’offrandes. Seules deux tombes font exception ; dans l’une d’entre elles (sép. 1296), la jeune femme a été déposée richement parée de bijoux. Le travail des archéologues sera de comprendre les raisons de ce « dénuement » dans les tombes alors que les profondeurs de creusement et les traces d’architecture interne montrent un investissement certain en temps et en main d’œuvre dans la sépulture.

 

Population inhumée

Les individus inhumés correspondent, au premier abord, à un recrutement naturel. On y rencontre des enfants, dont de très jeunes enfants, et des adultes ; des hommes et des femmes. Aucune répartition particulière n’a été observée en fonction de l’âge des défunts, les tombes d’enfants étant mêlées aux tombes d’adultes. Les tombes sont toutes individuelles, à l’exception d’un cas de sépulture double adulte/enfant. Quelles sont les classes d’âge représentées ? Que peut-on dire de leur état sanitaire ? Les analyses des prélèvements sur les os et sur le sédiment, effectuées entre autres lors de l’ouverture du sarcophage en plomb, permettront certainement de répondre à quelques-unes de ces questions, en collaboration avec les paléopathologistes et les paléoparasitologues.

 un adulte et un immature. Chacun est cependant déposé dans son propre cercueil individue.

Cette sépulture creusée en sape sur les grands côtés accueille deux individus : un adulte et un immature. Chacun est cependant déposé dans son propre cercueil individue.

 © S. Oudry, Inrap

Aménagement : Immaldi 
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Hauts-de-France)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Sophie Oudry, Inrap