A Béthencourt, Nord, la fouille fait suite au diagnostic mené par Sabrina Sarrazin (Inrap) du 26 octobre au 25 novembre 2010.

Dernière modification
10 mai 2016

Le tracé du canal recoupe à cet endroit les communes de Béthencourt-sur-Somme, de Morchain et de Mesnil-Saint-Nicaise. La surface fouillée s'élève à 4 600 m2.

La production d'un glutinarius (fabriquant de colle) au IIe siècle de notre ère

Une fosse insolite contenant des os broyés, pour la plupart des restes de bovidés, a été mise au jour aux abords d'une voie gallo-romaine empierrée, dont les ornières étaient comblées par le même type de vestiges de faune. Le système utilisé pour fouiller la fosse a consisté à diviser la surface en carrés (carroyage) et permis ainsi d'évaluer la masse d'os à environ une tonne. Les structures annexes, essentiellement des fosses de rejet et des zones de matériels déposés, ont révélé, en quantité moindre, la présence d'os broyés. L'hypothèse la plus plausible à ce jour est qu'il s'agissait d'un artisanat produisant de la colle à partir des os : le glutinarius broyait les restes osseux issus des boucheries, puis les faisait bouillir afin d'en extraire le collagène.

Il reste toutefois difficile de savoir si ces déchets ont été ou non produits sur place. Quelques indices comme la découverte de fragments de meules, de céramiques culinaires et de stockages incitent à penser que si la production in situ n'est pas assurée, sa proximité avec la zone de fouille est évidente. Il s'agit d'une problématique nouvelle, car aucun autre site de ce type (production de colle en milieu rural) n'a été découvert dans le nord de la France. Aussi son étude devra-t-elle être complétée par l'examen de la gestion des déchets artisanaux.

Rappelons que, dans les années 1970, la zone de fouille et ses environs avaient fait l'objet de prospections aériennes et pédestres. Une occupation gallo-romaine des IIe-IIIe siècles et les traces d'un atelier de tabletterie (fabrication d'objets en os) avaient été décelées près de l'emprise de fouille.

Les vestiges de l'habitat gallo-romain

Le quart nord-ouest de l'emprise regroupait des vestiges d'habitat se résumant à un angle de fondation très arasé et deux celliers. L'un de ces derniers contenait une importante quantité de matériels variés - céramique, tuiles romaines (tegulae et imbrex), monnaies (dont un dépôt d'une dizaine de sesterces) - la découverte la plus intéressante étant les objets militaires massés dans le fond du cellier : un umbo en bronze (coque destinée à renforcer la partie centrale d'un bouclier), une tige à douille (pilum ?) et une lame en fer (pugio ?).

Un apport en eau conséquent

L'occupation a enfin révélé une quantité inhabituelle de puits pour une surface de 4 600 m2 : 5 au sud de la voie gallo-romaine et 3 au nord, la plupart ayant été colmatés entre le IIe et le IIIe siècle. Il est difficile à l'heure actuelle d'affirmer que ces puits étaient contemporains de la production de colle animale ; on peut cependant noter que l'apport en eau était indispensable à un tel artisanat pour le traitement de la matière première.

Virginie Bak (Inrap)