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Vers Chesnay - La romanisation de la Beauce à Prasville
Le site de Vers Chesnay à Prasville (Eure-et-Loir) a été découvert en 1992 par l'archéologue Alain Lelong. Lors d'une prospection photographique en avion, un cliché d'un champ en culture révèle la présence de lignes sombres dessinant de vastes ensembles géométriques.
En général, à l'emplacement d'anciens remblais, plus fertiles et plus humides, la végétation est plus vigoureuse et sa maturation plus rapide. Ici, les lignes forment des enclos entourés de larges et profonds fossés dont les interruptions marquent des entrées. Les fossés, remblayés au cours des années, ont été réutilisés comme dépotoir. La forme des enclos permet de les attribuer à la période gauloise.
En 1998, lors de l'ouverture de la carrière, un diagnostic archéologique confirme cette interprétation. En 2009, dans le cadre de son exploitation de carrière autorisée par l'arrêté préfectoral du 23 février 1998, la Société des Matériaux de Beauce, sur prescription du service régional de l'Archéologie, mandate l'Inrap pour en réaliser la fouille exhaustive, sur une surface totale de cinq hectares.
Les enclos des fermes gauloises
La multitude de fossés sur le site tient à une longue présence humaine. Les poteries et objets en fer ou en bronze montrent que les premiers habitants s'installent au cours du Ve siècle avant J.-C. Jusqu'à la Conquête romaine, achevée en - 52, le site semble être occupé en continu. Ainsi, pendant environ 500 ans, des fermiers ont creusé et modifié ces enclos, au gré de leurs besoins et des progrès de l'agriculture, donnant à l'ensemble son aspect enchevêtré. À l'époque gauloise, l'enclos principal de la ferme enserre l'habitation, les bâtiments d'exploitation, les granges, les étables, la porcherie et le jardin. Autour, d'autres enclos sont destinés au bétail ou à la culture des céréales. La fouille des fosses, trous de poteau, silos à grain, permet de préciser la nature et la chronologie des occupations successives. On suppose que le dernier enclos construit par les Gaulois, sous la forme d'un trapèze régulier de 2 500 m², l'est suivant un plan géométrique bien maîtrisé que l'on retrouve régulièrement dans le Bassin parisien.
Les silos à grain
Aux IVe et IIIe siècles avant J.-C., les occupants privilégient la partie ouest du site. Au sein d'un établissement de forme ovale, limité par de petits tronçons de fossés, ils construisent des bâtiments fondés sur des poteaux plantés dans le sol. L'agriculture est leur principale activité, comme en témoigne la centaine de silos souterrains fouillés dans ce petit périmètre. Les types de creusements dénotent une évolution des pratiques et des fonctions distinctes pour ces structures de stockage. Un silo souterrain prend généralement la forme d'une cloche ou d'un cylindre. Il est destiné à recevoir des céréales puis est obturé hermétiquement, dans le but d'une conservation de longue durée. Ces vastes fosses, qui peuvent atteindre 2 m de profondeur, deviennent souvent des dépotoirs lorsqu'elles n'assurent plus leur fonction de stockage.
Des Gaulois aux Gallo-romains
Après la Conquête, nombre d'établissements ruraux sont construits à la mode romaine, parfois par les mêmes occupants que l'on nomme désormais les Gallo-romains, marquant ainsi l'empreinte de Rome dans les territoires conquis. Une villa est une grande exploitation agricole au milieu de ses terres. Elle comporte une partie résidentielle (pars urbana) ouvrant sur une vaste cour (pars rustica) cernée de bâtiments annexes organisés symétriquement. Les fouilles ont jusqu'alors permis d'identifier une villa gallo-romaine, dont l'habitation principale est installée à l'intérieur du dernier enclos gaulois. Dans cette partie, des caves ont aussi été découvertes. Le mobilier céramique associé date du Ier au IIe siècle après J.-C. La nouvelle architecture introduit l'usage de la pierre, au moins pour les fondations, ce qui est nouveau en Gaule du nord. À Prasville, un bâtiment annexe rectangulaire assez bien conservé a été repéré. Il mesure 12 m de long pour 9 m de large. Il comporte encore ses fondations, sa première assise des murs en moellons calcaire, et un hérisson de blocs calcaire supportant un sol partiellement conservé dans les angles.