L'opération de sondages archéologiques, dans le cadre du projet d'aménagement de la ZAC de la Bourse, à Marseille, concerne les abords immédiats du Centre Bourse.

Dernière modification
14 juin 2016

Ce projet a deux buts : il vise à agrandir le parking situé sous le centre Bourse et à en modifier les entrées, de manière à améliorer la circulation dans cette zone centrale. Il a aussi pour but de construire de nouveaux espaces commerciaux dans la partie orientale, entre l'actuel centre Bourse et le cours Belsunce.

La superficie globale du projet est de 11 315 m2. En accord avec B. Bizot (SRA Paca), le parti raisonnable a été pris de réaliser 9 sondages profonds, répartis de manière à expertiser toutes les zones concernées. La surface totale réalisée en sondages est de 91 m2, soit 0,80 % de la surface. L'emplacement de ces  sondages a été déterminé en fonction des problématiques scientifiques et des contraintes multiples des terrains de cet hyper centre ville dense (réseaux souterrains et chaussées fortement fréquentées).

Les sondages ont livré un ensemble de vestiges intéressants, qui couvrent toutes les périodes historiques, depuis la période grecque. Des carottages ont permis, par ailleurs, de compléter la connaissance topographique du secteur. Les données sédimentaires, obtenues après la lecture des sondages carottés, s'accordent avec l'évolution paléoécologique définie à travers les études pluridisciplinaires, associant géomorphologues, sédimentologues, biologistes et archéologues, qui se sont développées, depuis ces dernières décennies, autour du site de la calanque du Lacydon. L'enregistrement sédimentaire atteste l'importance des changements paléoécologiques et géomorphologiques enregistrés dans la calanque et étroitement liés aux occupations humaines. On retrouve donc les principaux ensembles morpho-sédimentaires reconnus par les chercheurs régionaux (Morhange et al 1995).

Des formations fluviatiles au toit du stampien, en position infralittorale, sont surmontées d'un premier corps sédimentaire sablo-vaseux fin correspondant à des vases marines côtières qui tapissent le fond de la calanque du Lacydon. Ces vases deviennent ensuite plus terrigènes et organiques, signifiant l'envasement de cette partie de la calanque. La paludification s'intensifie avec le développement d'un palud de bord de mer. La présence d'un niveau sableux fin, calé dans l'Antiquité tardive par les archéologues, suggère la réapparition d'un dépôt marin dans un contexte de transgression marine. Ce dépôt avait été mis en évidence sur le chantier de la place du Général-de-Gaulle (Bouiron 2001). Enfin, des séquences fluviatiles témoignent de l'activité récurrente des paléo-cours d'eau qui se jetaient dans la calanque, ainsi que de l'existence de sources, dont celle du Lacydon qui alimentait le bassin-réservoir du site de la Bourse.

La période grecque n'a été observée que dans le sondage 8. Un bâtiment, qui doit  vraisemblablement être lié au bâtiment bordant la voie damée archaïque des fouilles de la Bourse, y est reconnu ainsi qu'un grand négatif, probablement l'épierrement du rempart hellénistique (Rothé, Tréziny 2005).

Pour l'époque romaine, le secteur du sondage 1 est situé dans la corne du port antique. Le sondage 2 a révélé un empierrement, structurellement proche de celui qui avait été retrouvé en 1992 sur le chantier de la place du Général-de-Gaulle (Bouiron 2001). Il s'agit certainement d'un aménagement portuaire, à mettre en relation avec les docks observés lors des fouilles de la Bourse (Rothé, Tréziny 2005). Les sondages 3 et 4, proches du port et du ruisseau de la Canebière, n'ont livré que des couches de type laguno-marin ou palustre. À l'est, dans le sondage 5, un sol en opus signinum a pu être daté entre le Ier et le IIIe s. ap. J.-C. L'Antiquité tardive est la période qui a fourni le plus de stratigraphie avec les  périodes moderne et contemporaine. Les couches atteignent jusqu'à 3 m d'épaisseur dans le sondage 5, en dehors de l'emprise des murs du bâtiment d'époque moderne.

Dans les zones non investies pendant l'époque romaine (sondages 3, 4), des fossés sont creusés, certainement pour assainir cette zone marécageuse. Dans le sondage 2, deux phases sont identifiées. La première, datée du Ve s., a révélé la création de deux espaces, par la construction d'un mur de direction nord-sud. La seconde, datée du VIe s., s'organise autour d'un mur de direction est-ouest.

Dans le sondage 5, trois phases différentes ont été repérées pour l'Antiquité tardive. Dans un premier temps, entre la fin du Ve s. et le VIe s., deux murs de direction nord-sud sont construits, Ils délimitent deux espaces, sans doute domestiques, et un espace central, de type couloir ou venelle. Au regard des sols successifs, il est vraisemblable que l'espace central soit, dans un premier temps, une ruelle (sols de circulation) qui sépare deux bâtiments, puis qu'il soit annexé comme circulation interne à l'une des habitations (sol en béton de tuileau). Les deux phases suivantes ne sont pas datées avec précision ; on remarque que la zone est moins urbanisée.

La zone de la corne du port antique est suffisamment envasée aux Xe-XIe s. pour être investie. La construction d'un mur est le témoignage de cette conquête sur l'espace palustre. Au sud, des couches témoignent d'une activité liée au bois, peut-être de la charpenterie navale. Cet espace est remanié aux XIe-XIIe s. et un espace de circulation de direction est-ouest est alors bien attesté. Il correspond certainement à la rue Lapidis Rajantis.

Dans le sondage 2, un mur, construit durant l'Antiquité tardive, existe encore au Moyen Âge. Une série de creusements associés à des couches datées vers le milieu du XIIIe s. suggère une activité artisanale dans ce quartier dit de la Blanquerie.

À l'est du projet, dans le sondage 6, un grand creusement de direction nord-sud pourrait correspondre à l'épierrement du rempart du XIIe s. Par la suite, un grand puits, entouré d'une adduction maçonnée et couverte, est construit dans le creusement ; il devait alimenter une industrie située plus à l'est. À proximité, a été trouvée une tannerie sur le chantier de l'Alcazar. Ceci reste à l'état d'hypothèse à ce jour.
Des vestiges d'époques moderne et contemporaine ont été retrouvés dans tous les sondages ; ils sont mal datés, faute de céramique dans les couches et les constructions. Seules les destructions sont datées, de manière assez homogène, du XIXe s.