Une équipe de l'Inrap met actuellement au jour les vestiges d'une pratique funéraire inconnue en Gaule romaine. Les archéologues travaillent sur une parcelle de 200 m² vouée à la construction d'un pavillon à Evreux (Eure).

Dernière modification
19 février 2016

Les premières traces d'occupation de la ville d'Evreux semblent remonter au troisième quart du Ier siècle avant notre ère. Portant le nom de Mediolanum Aulercorum, la ville est le chef-lieu de la cité des Aulerques Eburovices. Elle prend un essor important dès la période augustéenne et le Ier siècle de notre ère voit l'implantation d'un théâtre, de thermes, de villas aux murs recouverts d'enduits peints, etc.

Evreux, une ville bien romanisée

Evreux, une ville bien romanisée
La nécropole antique est installée à flanc de coteaux, en dehors de la ville, respectant ainsi la loi des Douze Tables en vigueur, le long d'un axe de communication reliant Evreux à Chartres. Connue dès le XIXe siècle par de nombreuses découvertes fortuites, son occupation semble perdurer du ier au ive siècle de notre ère. Les diagnostics et les fouilles réalisées depuis 2002 permettent de mieux connaître l'évolution typo-chronologique de cette nécropole. Durant le ier siècle les sépultures secondaires à crémation sont prédominantes, bien que quelques sépultures à inhumation de sujets périnataux et adultes aient été mises au jour. A partir du IIe siècle, l'inhumation devient la pratique funéraire exclusive.

Des inhumations si particulières...

A ce jour une quarantaine de sépultures à inhumation a été dégagée. Deux d'entre elles peuvent être attribuées au IIIe siècle, un vase en céramique caractéristique de cette période étant associé aux défunts. Les autres sujets seront datés par carbone 14 (14 C). Cette portion de la nécropole contient essentiellement des adultes, des nouveaux-nés et quelques sujets de moins de 10 ans. La densité de sépultures est très importante, elles se recoupent pour la plupart et aucun agencement spatial ne semble exister. Les sujets sont d'ailleurs enterrés la tête au nord, au sud, à l'est ou à l'ouest.
De nombreux défunts adultes sont inhumés en position atypique : plusieurs d'entre eux sont sur le ventre, un individu présente une forte contrainte au niveau du membre supérieur droit (le coude droit étant placé en arrière de l'épaule gauche), un autre a été enterré avec les membres inférieurs hyper fléchis, etc.

Des hommes et des chevaux

Le second élément exceptionnel est le dépôt de quartiers de chevaux dans la plupart des sépultures. Il s'agit le plus souvent de crânes ou de quartiers de rachis. Une structure a cependant livré trois chevaux quasiment complets déposés simultanément les uns au dessus des autres. Le dépôt le plus singulier est celui d'un adulte dont la tête est enserrée par deux crânes de chevaux. Les ossements d'équidés ont été déposés directement au contact des défunts, ou dans le remplissage des fosses.

Est-on en présence d'un fait guerrier, d'une épidémie, ou d'offrandes alimentaires ? Ces trois hypothèses doivent être écartées : aucun coup n'est visible sur les ossements, ce ne sont pas les sépultures multiples liées à une catastrophe, enfin, le cheval n'est plus consommé à l'époque romaine.
Ce geste délibéré ? le dépôt de quartiers de chevaux dans des sépultures gallo-romaines ? serait actuellement unique en France. Faut-il envisager la présence d'une population particulière, soit par son origine, soit par sa religion ou son corps de métier ? S'agit-il de la survivance d'un culte à la déesse gauloise Epona ? La poursuite de la fouille et des recherches apportera peut-être des éléments de réponse.
Archéologue responsable d'opération : Sylvie Pluton, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional d'archéologie (Drac Haute Normandie)
Aménageur : Privé
Contact(s) :

Inrap
Chargée de communication Médias
Mahaut Tyrrell
Tél. : 01 40 08 80 24
mahaut.tyrrell [at] inrap.fr