Parmi les 230 tombes de l’ancienne église paléochrétienne de Saint-Pierre-l’Estrier, fouillées en 2020 par l’Inrap et le service archéologique de la ville d’Autun, l'une a livré les vestiges d’une grande étoffe teintée de pourpre et tissée de fils d'or, dont un fragment est présenté dans l'exposition « D’un monde à l’autre, Augustodunum de l’Antiquité au Moyen Âge ».

Dernière modification
04 août 2023

En 2020, les archéologues de l’Inrap, en collaboration avec le service archéologique de la ville d’Autun (Saône-et-Loire), ont fouillé une partie de la nécropole située à proximité de l’ancienne église paléochrétienne de Saint-Pierre-l’Estrier. Plus de 230 tombes ont été dégagées. Elles ont livré des objets exceptionnels : des bijoux en or, des épingles en jais et en ambre et un exceptionnel vase diatrète. L’une des tombes, un cercueil de plomb daté du IVe siècle, recelait les vestiges d’une grande étoffe teintée de pourpre et tissée de fils d’or. Ils font actuellement l’objet d'analyses en laboratoire mais un fragment est exceptionnellement présenté au public lors de l’exposition « D’un monde à l’autre, Augustodunum de l’Antiquité au Moyen Âge ».

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Vue du site en cours de fouille avec, au premier plan, un cercueil en plomb

© Christophe Fouquin, Inrap

 

La nécropole des élites autunoises

La nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier fonctionne du début du IIIe siècle jusqu’au milieu du Ve siècle, l’essentiel des tombes datant du IVe siècle. Parmi les défunts se trouvaient probablement les premiers chrétiens autunois (les textes anciens mentionnent que les premiers évêques d’Autun étaient inhumés dans ce vaste espace funéraire) mais aussi des fidèles d’autres religions antiques. Certaines tombes fouillées en 2020 appartenaient clairement aux élites de la cité éduenne : les inhumations en sarcophages de pierre et en cercueils de plomb nécessitaient d’importantes ressources financières. La présence de quasiment tous les objets de prestige dans ce type de contenant en témoigne. Six tombes présentaient des fils d’or dont cinq en cercueil de plomb et une en cercueil de bois. Du tissu teinté de couleur rouge, en cours d’analyse, a également été retrouvé dans plusieurs de ces sépultures : ce pourrait être de la pourpre, teinture associée à l’époque à la haute aristocratie.

 

Un textile complexe à préserver

La tombe 47 comprenait un cercueil en plomb comblé par de la terre sur une quinzaine de centimètres. Elle ne contenait plus d’ossements, décomposés, mais des fragments de textile tissés d’or et teintés de rouge y ont été retrouvés.

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Tombe 47 et son cercueil de plomb rempli sur une quinzaine de centimètres de terre avant le prélèvement des mottes contenant le tissu d’or.

© Carole Fossurier, Inrap

Le tissu d’or recouvrait toute la superficie du cercueil en plomb à l’exception de la tête. Pris dans la terre, il a été prélevé dans cette gangue dans son intégralité. Les mottes de terre, découpées directement dans la sépulture, ont été rapidement placées dans un environnement réfrigéré afin d’éviter le développement de moisissures et la dégradation des fibres textiles. Elles ont fait l’objet d’une tomodensitométrie (technique d’imagerie médicale paramétrée pour l’archéologie) au laboratoire Cetso à Rennes afin de visualiser à travers la terre les restes textiles et préciser leur protocole de fouille. Impossibles à dégager à l’état humide, les mottes ont ensuite été soumises à un séchage lent, pendant un an, afin d’éviter les dégradations induites par un choc thermique trop violent. Présentes sur le projet dès la fouille, les spécialistes des textiles ont ensuite commencé le dégagement du tissu.

Un tissu d’or et de pourpre

Le tissu d’or est probablement l’une des plus grandes pièces antiques retrouvées à ce jour.  Il est fabriqué à l’aide de fils constitués d’une âme en matière textile autour de laquelle s’enroulent des lamelles en or. Fortement dégradé par les infiltrations répétées à l’intérieur du cercueil, il ne présente aujourd’hui quasiment plus de matière organique et seuls les fils d’or sont conservés. Certains échantillons sont d’une extrême finesse avec 100 fils par centimètre (soit un diamètre de 100 microns par fil) et des lamelles d’or d'environ 300 microns de large). Ces fils d’or témoignent d’un tissu luxueux réalisé avec précision et minutie. La présence de motifs curvilignes indique l’utilisation de la technique de la tapisserie, les bandes de tissu en fil d’or étant incorporées à une étoffe teinte à la pourpre. Les motifs qui apparaissent sur ces bandes sont toujours en cours d’analyse. Ils dessinent des éléments géométriques et courbes correspondant probablement à un thème végétal et floral.

 

Un tissu à découvrir cet été

Grâce au mécénat du groupe HANES (Dim), une partie du tissu a pu être extraite des mottes de terre. Le soutien financier à venir de la Fondation Solidarités by Crédit Agricole Centre-est permettra de poursuivre l’étude et la fouille d’autres mottes. Le dégagement total du tissu nécessitera d’autres financements mais dans l’attente il est possible de découvrir un fragment du tissu. Il est présenté, comme le très rare vase diatrète, dans l'exposition, soutenue par l’Inrap dans le cadre de son 20e anniversaire « D’un monde à l’Autre, Augustodunum de l’Antiquité au Moyen Âge » qui a ouvert ses portes le 17 juin 2022 au Musée Rolin à Autun.


 

Aménagement : particulier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Carole Fossurier
Spécialiste des matériaux organiques et textiles anciens : Fabienne Médard
Conservation et restauration : Raphaëlle Chevallier