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Fouille d'un quartier du port fluvial antique de Narbonne (Aude)
L’Inrap mène une fouille de 3000 m² en périphérie du centre historique de Narbonne. Dans la continuité d’opérations antérieures, elle permet de documenter un quartier de la ville antique occupé du Ier au Ve siècle de notre ère et dont l’activité était tournée vers le stockage et le commerce de marchandises, en lien avec le port urbain fluvial de Narbo Martius.
Une opération d’archéologie préventive dans un quartier développé au XIXe siècle
Prescrite par le service régional de l’archéologie d’Occitanie préalablement à la construction d’une résidence sénior par les groupes SM et Vinci Immobilier, la fouille intervient dans un quartier situé au nord-ouest du cœur historique de la ville, créé dans le courant du XIXe siècle à la faveur du développement du commerce vinicole. Les nombreux chais ainsi que les attestations de différentes activités artisanales liées à la viticulture s’expliquent par la localisation entre le canal de la Robine et la ligne de chemin de fer, deux moyens de transport permettant de diffuser dans tout le pays le produit des vignes languedociennes.
Depuis plusieurs années, ce quartier fait l’objet d’une reconversion urbaine, ayant déjà donné lieu à deux fouilles préventives précédant l’opération en cours : la première en 2009, une cinquantaine de mètres au nord de la parcelle étudiée actuellement, la seconde (O. Ginouvez, Inrap) en 2011, directement jointive au sud. Ces deux premières opérations et les premières découvertes réalisées sur le chantier en cours documentent une urbanisation du quartier vers 50 apr. J.-C.
Un quartier commercial de la ville antique
Tout comme au XIXe siècle, l’activité de ce quartier excentré de la ville antique, urbanisé plus d’un siècle et demi après la création de la Colonia Narbo Martius en -118, est toute tournée vers le commerce et le stockage de marchandises. Ce sont ainsi trois voire quatre entrepôts qui ont pu être partiellement dégagés sur ces trois fouilles, auxquels s’ajoutent de probables boutiques ainsi que de l’habitat.
Sur le site actuellement fouillé, plusieurs structures ont été mises en évidence. Le plan en cours d’établissement comprend ainsi plusieurs îlots scandés par deux rues et une ruelle dont certaines sont dotées de canalisations assurant l’évacuation des eaux pluviales et usées. Certaines se recoupent et témoignent des modifications successives dans le réseau hydraulique. De nombreux murs, dont certains épierrés, matérialisent des bâtiments aux sols en terre ou en béton. Certains espaces ont fait l’objet d’un traitement particulier et présentent un niveau d’amphores posées horizontalement de manière à constituer à un vide sanitaire.
De nombreuses amphores, dont ici une entière, ont été réutilisées pour constituer un vide sanitaire sous un sol en terre ou en béton.
© Jean-Baptiste Jamin, Inrap
À l’intérieur du bâtiment, des peintures murales effondrées laissent à penser que le bâtiment comprenait un étage, où était aménagé un bureau ou un habitat.
© Jean-Baptiste Jamin, Inrap
À l’intérieur du bâtiment, des peintures murales effondrées laissent à penser que le bâtiment comprenait un étage, où était aménagé un bureau ou un habitat.
© Jean-Baptiste Jamin, Inrap
De nombreuses canalisations ont été identifiées.
© Jean-Baptiste Jamin, Inrap
Ces éléments permettent d’identifier notamment un grand bâtiment, dont le rez-de-chaussée, au sol assaini par le vide sanitaire en amphores, permettait l’entreposage de marchandises diverses, tandis que l’étage (attesté entre autres par des dais de pierre servant de socles de poteaux) devait servir de bureau ou d’habitat, comme le suggèrent les murs en briques de terre crue recouverts d’enduits peints retrouvés écroulés à la suite d’un incendie.
Ces découvertes permettent ainsi d’identifier le port fluvial implanté le long de la Robine, en amont de la ville. Il constitue avec l’avant-port maritime dont les vestiges ont été observés en plusieurs points, plus près de la mer (La Nautique, Ile Saint-Martin à Gruissan), un système portuaire complexe dont quelques textes antiques se font l’écho par la richesse et la quantité des marchandises qui y transitent.
Dans la coupe d’une tranchée, des briques en terre crue brulées et des niveaux noirs semblent témoigner d’un incendie.
© Jean-Baptiste Jamin, Inrap
Le tracé de la Robine Antique
Cette fouille préventive complète donc nos connaissances sur la ville antique de Narbonne, mais pourra également répondre à une importante problématique de l’archéologie narbonnaise qu’est l’identification du tracé antique de la Robine.
En effet, cet ancien bras de l’Aude tel qu’il apparait aujourd’hui dans ce quartier de la ville résulte d’une canalisation réalisée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Antérieurement, le cours apparait beaucoup plus sinueux, divaguant dans cette large plaine alluviale et passe beaucoup plus à l’ouest qu’aujourd’hui.
Rien n’indique cependant qu’il faille remonter à l’Antiquité le tracé du début du XVIIIe siècle. Un indice cependant ressort de la fouille réalisée juste au sud. En effet, certains remblais antérieurs à la construction du quartier antique résultent d’un dépôt de crue. Ce que vient confirmer l’analyse des coquilles d’escargots présentes dans ces couches ; il s’agit d’espèces qui ne peuvent vivre qu’à proximité de cours d’eau. La Robine passe donc à proximité de cette zone, mais son tracé précis reste encore à identifier : ce sera l’un des enjeux de la deuxième phase de la fouille, prévue entre janvier et mars 2024.
Une journée porte ouverte sur la fouille le 1er novembre
Outre des visites guidées de la fouille et la présentation du mobilier archéologique qui en est issu assurées par les archéologues, le grand public pourra se sensibiliser à l’archéologie préventive grâce à une exposition et un atelier pédagogique.
Informations pratiques et réservations
Aménagement : Groupe SM – Vinci Immobilier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Occitanie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Grégory Vacassy, Inrap