Une équipe d’archéologues de l’Inrap mène actuellement une fouille à Maubeuge, sur deux emprises du secteur de la Clouterie. Dans l'une, bordant la Sambre actuelle, ont été mis en évidence plusieurs chenaux médiévaux et un aménagement en bois du XIVe siècle d'une berge qui a également servi de dépotoir pour des artisans. Dans l'autre, les vestiges d’une partie du plus ancien béguinage de Maubeuge sont en cours de dégagement.

Dernière modification
30 novembre 2022

Assez tardivement par rapport à d’autres villes de la région, ce n’est qu’à partir des années ’80 que les premières trouvailles archéologiques sont faites à Maubeuge par des amateurs passionnés, au hasard des travaux menés en centre-ville. Si une fouille de sauvetage est réalisée en 1990 au pied de l’ancienne porte de France (Place de Wattignies) construite par Vauban, il faudra toutefois attendre les années 2000 pour que débutent les premières véritables recherches archéologiques préventives. En 2021 et 2022, l’Inrap est intervenu à quatre reprises en diagnostic dans l’intra-muros de Maubeuge, en lien avec des projets d’aménagement menés par la mairie. Les résultats de ces deux années intenses de recherches dépassent toutes les espérances des archéologues et donnent un nouvel éclairage sur l’histoire de la ville.

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Secteur 1. Dégagement des fondations et des niveaux de sol du bâti des bords de berge XVIIe au XIXe siècle. 

©Alain Henton, Inrap

Plongée sur les berges médiévales de la Sambre

C’est sur le site de la Clouterie qu’ont été recueillies de précieuses données sur la ville médiévale. En 2021, un diagnostic y a été réalisé dans des conditions d’intervention difficiles, dues à la grande profondeur des vestiges conservés sous la nappe phréatique. Au regard des résultats, le service régional de l’archéologie (DRAC des Hauts-de-France) a prescrit une fouille préventive sur deux secteurs distincts. Cette fouille, d’une durée de quatre mois, a débuté en octobre 2022 et regroupe une équipe d’une dizaine d’archéologues.

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Détails du plan de Deventer (version de Bruxelles, KBR. Inv. WBS Ms. 22.090-2), vers 1560-1565, avec recalage, en rouge, des limites de la fouille du secteur 3. A : église Sainte-Elisabeth et béguinage, B : la rivière Sambre, C : porte de la Maladrerie, C : porte de sortie des eaux de la rivière. 

© KBR - Bibliothèque royale de Belgique

Sur le premier secteur, bordant la Sambre canalisée actuelle, les recherches ont déjà permis de mettre en évidence plusieurs chenaux anciens médiévaux de la rivière, dont l’un conserve les traces d’un aménagement de berge en bois du XIVe siècle. Ayant servi de dépotoir, cette berge a déjà livré une grande quantité de déchets d’activités artisanales. Ainsi, de nombreuses semelles de chaussures en cuir, très bien conservées grâce à la nappe phréatique signalent la probable proximité d’un savetier (artisan réparant les chaussures). De nombreux fragments de céramiques, des objets en métal (dont une armature d’aumônière en bronze doré du XIVe siècle) et des restes fauniques sont autant de témoignages de la vie des riverains habitant en bord de Sambre. Au XVe siècle, un grand bâtiment en pierre est construit sur le bord de la berge. Il pourrait s’agir d’un entrepôt en lien avec le commerce fluvial, construit sous l’autorité du comte de Hainaut ou celle du puissant chapitre des chanoinesses de Sainte-Aldegonde. Ce bâtiment, incendié, sera abandonné avant le milieu du XVIe siècle.

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Élévation d’un bâtiment de berge du XVe siècle – Entrepôt pour le transport fluvial ? 

© Alain Henton, Inrap


A la recherche du béguinage Sainte-Élisabeth de Maubeuge

Sur le deuxième secteur fouillé, ce sont les vestiges du plus ancien béguinage de Maubeuge qui sont en cours de dégagement. Installé probablement vers le milieu du XIIIe siècle dans le fond de vallée de la Sambre, hors du bourg, ce béguinage est intégré après 1339 dans les limites de la grande enceinte urbaine de la ville, initiée par le comte de Hainaut. Il était associé à une chapelle Sainte-Élisabeth, servant également d’église paroissiale et bordait le cimetière servant aux habitant de la rive droite de la Sambre. Ce béguinage accueillait une communauté d’une douzaine de béguines, femmes veuve ou célibataires laïques vivant selon des règles monastiques et s’occupant d’activités caritatives. La fouille en cours a d’ores et déjà permis de dégager un ensemble de cinq petites maisons accolées bâties suivant un plan bien défini. Il semble assez probable que l’on puisse les associer à la reconstruction à neuf en 1576 de six maisons de béguines, mentionnée dans les sources historiques. De petites dimensions (20m2), ces maisons ne consistaient qu’en une pièce unique à sol de briques au rez-de-chaussée et probablement d’un étage en sous-pente. Si les façades sont constituées de solides murs maçonnés, chaque maison était séparée de sa voisine par des murs à pans-de-bois couverts de torchis, sur soubassements de briques, et par une double grande cheminée en briques. A l’avant des pièces d’habitation, une porte donnait sur une ruelle séparant le béguinage de l’église et à l’arrière une autre porte à seuil de bois ouvrait sur une petite courette et un cellier en brique. Un passage donnait enfin accès à un probable jardin commun.

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Vue drone redressée des maisons de béguines (fin XVIe siècle) en cours de fouille. Dans la maison centrale est visible la cheminée effondrée lors des travaux de démolition de Vauban en 1679 et à l’arrière de celle-ci apparaît une petite cour pavée donnant sur un petit cellier. 

© Frédéric Audouit, Inrap

En 1678, à l’issue de la guerre entre Louis XIV et les Pays-Bas espagnols, dont dépendaient Maubeuge et le comté de Hainaut, la ville est cédée au royaume de France. Vauban est alors chargé d’en faire une place forte de la première ligne du Pré carré. Pour construire l’un des bastions de sa fortification, il exproprie les béguines et entame la démolition du béguinage et de la chapelle attenante. Ces travaux, épargnant les bases des maisons, entraînent cependant l’effondrement sur place des cheminées et des murs de séparation. Complété par la conservation, grâce à la nappe phréatique, de certains éléments en bois (poutres, planches), ceci donne aux archéologues une occasion rare d’étudier dans le détail des techniques d’architecture du XVIe siècle. Lors du dégagement des maisons, quelques objets oubliés par les béguines à leur départ ont déjà été recueillis, comme certains de leurs chaussons de cuir et, de manière plus énigmatique dans ce contexte, des chaussures d’enfants. La suite de l’opération de fouille devrait donner l’occasion de mettre en évidence une partie de l’occupation médiévale de ce béguinage Sainte-Élisabeth.

Un second béguinage, mentionné dans les sources historiques, était situé sur la rive gauche de la ville de Maubeuge, jusqu’à sa destruction dans le courant du XVIe siècle. À la même époque fut fondé l’hôpital de Notre-Dame de Grâce avec sept maisons de femmes servant dans ce dernier et la petite chapelle accolée. Cet établissement, l’un des plus anciens monuments conservés de la ville d’avant sa destruction en 1940, est connu sous le nom des « Cantuaines » et est toujours visible à la rue Sculfort.

Aménagement : Ville de Maubeuge
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Hauts-de-France)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Alain Henton, Inrap