La nécropole du haut Moyen Âge de Noisy-le-Grand (93) se distingue par le nombre de sépultures, 765 sur 1200 m² et l’excellent état de conservation des ossements et des vestiges malgré sa situation en plein centre-ville. Créée dès la fin du VIe siècle, la nécropole mérovingienne regroupe 253 sépultures et est ceinte par un fossé circulaire. Les sujets sont inhumés habillés et généralement déposés dans de volumineux sarcophages de plâtre. À l’époque carolingienne, les défunts, enserrés dans des linceuls, sont déposés dans de simples fosses. Ces 489 sépultures s’installent sur les inhumations précédentes.

Dernière modification
30 octobre 2024

Noisy-le-Grand fait partie de ces rares lieux mentionnés dans un texte de l’époque mérovingienne, l’Histoire des Francs, écrite à la fin du VIe siècle par Grégoire de Tours, évêque de Clermont. L’auteur y relate notamment qu'après avoir été assassiné, en 580, Chlodovecus, fils de Chilpéric, est inhumé « sub stilicidio oraturii de la villa Noceto », littéralement « sous la gouttière de l‘oratoire de la villa de Noisy ». Le texte nous apprend ainsi que Noisy est une propriété royale où se trouve un petit lieu de culte (Latouche 1995).

Nécropole des Mastraits

Au total, ce sont 765 sépultures qui ont été fouillées en un peu plus de 10 ans qui se répartissent en 253 sépultures datées entre la fin du VIe siècle et le milieu du VIIIe siècle, 278 sépultures datées entre le milieu du VIIIe et le Xe siècles, 211 sépultures entre le XIe et le début du XIIIe siècle et enfin 16 inhumations dont la phase d’inhumation n’est pas déterminée. L’ensemble de la population représente 568 sujets adultes (217 adultes de sexe indéterminés, 198 sujets masculins et 153 sujets féminins), 187 immatures et 10 sujets dont l’âge et le sexe sont indéterminables.

L’époque mérovingienne

A l’ouest, un fossé limite le cimetière. Sa contemporanéité avec les sépultures des VIe-VIIIe siècles est avérée par l’alignement de deux sarcophages en plâtre le long de celui-ci, témoignant également de la « pression foncière » au sein de la nécropole. Les dimensions relativement réduites de ce fossé ne devaient pas constituer un obstacle majeur à la circulation.

4 rue des Mastraits - Nécropole du haut Moyen Âge


Le niveau de circulation de la nécropole est conservé sous la forme d’un radier de pierres dans le secteur présentant la plus grande concentration en sarcophages. Quant à l’organisation générale, les sépultures mérovingiennes se répartissent en 20 rangées orientées nord-ouest/sud-est plus ou moins espacées. L’utilisation de sarcophages en plâtre est très répandue et leur forme trapézoïdale a entraîné une disposition en éventail pour de nombreux groupes.

Fouille de la nécropole des Mastraits, Noisy-le-Grand

Fouille de la nécropole des Mastraits, Noisy-le-Grand.

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Emmanuelle Jacquot, CD93

Des structures funéraires variées

Plusieurs types de mise en œuvre des contenants peuvent être définis : 164 sarcophages, une fosse plâtrée, 34 structures pierres et plâtre, 49 fosses dont le pourtour contient quelques pierres et 18 fosses quadrangulaires sans pierre ni plâtre.

Au nombre de 21, les décors des cuves sont tous du même type : composition circulaire centrée comprenant chrisme ou palmettes rayonnantes pour les panneaux des extrémités, composition en damiers pour les panneaux latéraux. La plupart de ces décors sont connus à Paris et en particulier à Saint-Germain-des-Prés, l’un d’entre eux est également attesté à Saint-Denis (PERIN 1985). Les observations fines réalisées pendant la fouille mettent en avant le fait que les cuves décorées ont été réalisées hors des fosses.

L’utilisation de structures mixtes constituées de pierres liées au plâtre est contemporaine des sarcophages de plâtre (Lafarge 2016). Le mobilier retrouvé associé aux individus ne diffère pas de celui découvert dans les sarcophages. Le choix d’une telle structure peut être conditionné par la disponibilité des cuves au moment des décès.

Un mobilier francilien classique

Au total, ce sont 442 pièces de mobilier qui ont été découvertes (Le Forestier et al. 2019). Les objets sont assez caractéristiques des vestiges susceptibles d’être découverts parmi une population mérovingienne d’Île-de-France de type rural mais assez aisée. Le regroupement des datations de ces objets laisse à penser que la plupart ont été portés entre la fin du VIe siècle et le VIIe siècle, voire tout au début du VIIIe siècle.

4 rue des Mastraits - Nécropole du haut Moyen Âge
Plaque-boucle d'une ceinture mérovingienne
© E. Jacquot, CG 93



L’occupation carolingienne et du début du bas Moyen Âge

L’occupation funéraire se situe en grande partie au sud ouest de l’emprise décapée et regroupe 489 sépultures à inhumation.
Aucune limite anthropique ou naturelle n’a été mise en évidence lors de l’opération. À la fin de l’époque mérovingienne, la limite fossoyée occidentale n’est plus respectée et les inhumations sont implantées sur et au-delà (vers l’ouest) de cette dernière. Trois niveaux de recoupements ont été observés et la stratigraphie y est plus complexe. Au sud, la densité est bien moins importante. Cependant, quelques cas d’inhumations carolingiennes au sein de sarcophages mérovingiens (attestées par des calages céphaliques, des calages mentonniers, la position des avant-bras, des éléments de mobilier et le colmatage rapide du contenant) ont été observés.

4 rue des Mastraits - Nécropole du haut Moyen Âge
Des inhumations carolingiennes.
© E. Jacquot, CG 93

Des pratiques funéraires standardisées

Les sépultures sont orientées est-ouest, la tête du sujet à l’ouest et reposant en décubitus dorsal. Elles se caractérisent par un mode d’enfouissement régi selon des règles bien précises : pour certains creusements, la fosse quadrangulaire (généralement à plusieurs niveaux), la tête calée pour que le regard soit porté vers l’Est. Pour ce faire, la fosse est anthropomorphe (53 cas visibles) et des calages de pierres sont présents de part et d’autre de la tête. De même, les épaules sont surélevées et le fond de la fosse est irrégulier.

Un autre type de gestion des corps est dû à la volonté de maintenir la bouche du défunt close. Ces calages mentonniers, en pierre ou simplement en disposant les mains sous le menton, voire à l'aide d'un fragment de céramique, ont été retrouvés dans près de 10% des inhumations.

La dernière variation entre ces sépultures est l’emploi d’un élément enserrant le cadavre. Probablement en tissu, le linceul ne laisse pas de traces tangibles hormis les indices taphonomiques et quelquefois des épingles en alliage cuivreux.

Aménagement : Ville de Noisy-le-Grand
Recherches archéologiques : Inrap
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie, Drac Île-de-France
Responsable scientifique : Cyrille Le Forestier, Inrap
Bibliographie

Latouche 1995 : LATOUCHE (R.) - Grégoire de Tours, Histoire des Francs, Paris, Les Belles Lettres, traduction par Robert Latouche, p.325-354.

Le Forestier et al. 2009 - LE FORESTIER (C.), PERRIER (D.), PROUST (C.) – Le mobilier de la nécropole mérovingienne des Mastraits à Noisy-le-Grand (93) : premières observations in Revue des Antiquités Nationales, tome 40, 2009, p. 167-181.

Périn 1985 : PERIN (P.) - Catalogues d'art et d'histoire du musée Carnavalet II, Collections mérovingiennes – Musée Carnavalet, 1985, 859 p.

Lafarge 2016 : LAFARGE (I.) — Eléments d’approche typologique pour les tombes construites et les tombes maçonnées en Île-de-France durant la période médiévale. In : Revue archéologique d’Île-de-France, n°9, 2016, p. 203-233.