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La plaine Dunkerquoise, un ancien estuaire polderisé (Nord)
Dans le cadre de l’agrandissement du port ouest de Dunkerque, plus de 900 hectares de diagnostics archéologiques ont été effectués entre 2015 et 2023. Ils ont permis d’explorer l’ancien estuaire de la Denna, en plaine maritime flamande, et de renseigner l’histoire de l’occupation humaine de cette plaine et les processus en jeu dans la formation de ce paysage. À Craywick, une équipe de l’Inrap fouille actuellement 14 hectares de sites ruraux.
Le polder, des marais au terroir
La plaine maritime flamande est une entité géographique qui s’étire de Calais à la Flandre occidentale en Belgique et qui constitue la partie sud-ouest de la plaine maritime de la Mer du Nord. Elle se développe sur une largeur moyenne de 12 km pour atteindre une largeur maximale de 20 km.
La plupart des zones humides ont été exploitées par l’Homme depuis la Préhistoire ou la protohistoire ancienne. Les explorations archéologiques se basent sur l’ouverture de tranchées, des prospections géophysiques et des levés géomorphologiques dans des sondages profonds. S’y adjoignent des recherches en archives. Ce croisement de méthodologies et d’études de nature différente permet une meilleure compréhension du secteur pour l’époque médiévale.
Vue aérienne (drone) de la fouille dans l’ancien estuaire de la Denna en plaine maritime flamande.
© Michael Ocadiz, Inrap
Au Moyen Âge, la nécessité d’intensifier la culture des céréales et de développer des cheptels pour répondre aux besoins d’une population croissante passe par une poldérisation, un asséchement de marais littoraux pour en faire des terres cultivables. Ce processus d’endiguement systématique destiné à limiter les dynamiques des marées se déploie entre le IXe et le XIIe siècle, sur les côtes de l’Europe du Nord-Ouest et notamment dans la plaine maritime flamande. Ainsi, lors de la première phase d’occupation de cet espace estuarien (Xe siècle), on observe un site d’habitat tous les 800 m réparti de manière régulière le long d’endiguements successifs.
Fouille par paliers dans l’ancien estuaire de la Denna en plaine maritime flamande.
© Mahaut Tyrrell, Inrap
Les mares, une ressource d’eau douce en milieu saumâtre
La cartographie de conductivité électrique a ainsi mis en évidence des anomalies qui se sont révélées être de larges et profondes structures. Les archéologues les interprètent comme des mares, à l’image de celles subsistant en Frise, en Zélande et en Allemagne sur la côte de la mer du Nord. Certaines d’entre elles pourraient correspondre à l’emplacement d’un ombilic de brèche, dans une ancienne digue, créant une large dépression réutilisée par la suite comme mare par l’Homme. Ces aménagements appartiennent donc aux premières interactions entre l’Homme et son environnement de polder.
Lors des fouilles actuelles, l’accent est porté sur certaines de ces structures qui marquent fortement le paysage. Pour en atteindre le fond et pouvoir faire des observations et des prélèvements, un rabattement de nappe a été mis en place. Cette technique consiste à enfoncer des tiges (jusque 7 m de profondeur) qui aspirent la nappe phréatique pour assécher une zone en périphérie de laquelle elles ont été implantées. Elle permet aujourd’hui de tester deux mares et d’étudier leurs creusements mais également leurs dynamiques de remplissage.
Fouille dans l’ancien estuaire de la Denna en plaine maritime flamande. Test d'une mare à partir de tiges (jusque 7m de profondeur) qui aspirent la nappe phréatique pour assécher une zone en périphérie de laquelle elle a été implantée.
© Mahaut Tyrrell, Inrap
Atteignant parfois 40 m de diamètre et plus de 5 m de profondeur, ces creusements interrogent par leur ampleur et les techniques mises en œuvre pour organiser un tel chantier au Moyen Âge. Une bonne connaissance du terroir est, en outre, forcément requise pour mener à bien de tels travaux. Les coupes relevées et les prélèvements réalisés sur toute les séquences de comblements permettent ainsi de définir les différents états de mares en eau douce pour certaines et des phases d’abandon avec ré-ensablement éolien avant ré-inondation sous influence marine pour d’autres.
Fouille par paliers dans l’ancien estuaire de la Denna en plaine maritime flamande.
© Mahaut Tyrrell, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Hauts-de-France)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Samuel Desoutter, Inrap